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2 septembre 2018 7 02 /09 /septembre /2018 07:20

Depuis le matin du samedi 1 septembre, plusieurs militants antinucléaires franco-allemands bloquent un transport d’uranium. Ils ont escaladé un pont de
140 m de hauteur prés de Coblence, en Allemagne, bloquant la voie ferrée sur la Moselle, nous informe le groupe Contratom Deutschland.

Le train bloqué transporte du « Yellow Cake » en provenance de Namibie ; il est parti de Hambourg jeudi à destination de l’usine Orano de conversion de l’uranium de Narbonne Malvési, dans le sud de la France.

A Narbonne, l’uranium est transformé en UF4 pour être ensuite utilisé, après plusieurs transformations et enrichissement, dans les centrales nucléaires
du monde entier. D’après Orano, l’usine de Narbonne traite 25 % de l’uranium
mondial.

« Si nous voulons sortir du nucléaire », explique Cécile, une grimpeuse française vivant en Allemagne qui participe à l’action, « il faut stopper ces transports et empêcher qu’ils atteignent l’usine Orano de Narbonne Malvési, porte d’entrée du nucléaire européen. L’Allemagne, exportatrice nette d’électricité, contrairement au discours politique, ne sort pas tout à fait du nucléaire. Les transports qui approvisionnent les installations nucléaires continuent et l’usine Framatome de Combustible nucléaire de Lingen (Basse-Saxe) ainsi que l’usine d’enrichissement de l’uranium de la firme Urenco à Gronau (Westphalie du Nord) continuent de fonctionner. C’est la raison pour laquelle nous voulons stopper les transports nucléaires. »

  • Source : courriel à Reporterre de Contratom.de. Voir aussi sur twitter #urantransport

Revue de presse :

 
Public Sénat diffuse ce samedi soir «Nucléaire, la fin d'un mythe», un nouveau 52 minutes à charge pour l'industrie de l'atome. Un éclairage utile sur le nucléaire, au moment où le gouvernement doit se prononcer sur le devenir des réacteurs français.

La démolition du «modèle» nucléaire français et de son grand récit national est décidément devenue un sujet très prisé à la télé. Après le Grand Mensonge vu sur Arte (qui s’attaquait au tabou d’un attentat visant les centrales nucléaires) etl’Impasse diffusé par France 5 (qui racontait comment le chantier maudit du réacteur EPR est en train de «couler» EDF ), voici donc Nucléaire, la fin d’un mythe que l’on pourra découvrir ce samedi soir sur Public Sénat. Un 52 minutes qui devrait passionner tous ceux qui se demandent s’il faut «en sortir» et à quel rythme, au moment où le gouvernement s’apprête à rendre public ses arbitrages sur le futur mix énergétique français. Surtout après la démission fracassante de Nicolas Hulot de son poste de ministre de la Transition écologique, lui qui avait prévenu «si je m’en vais il y aura trois EPR de plus»

Réalisé par Bernard Nicolas avec le concours des journalistes Thierry Gadault et Hugues Demeude (auteurs du livre Nucléaire, danger immédiat), le film assène un nouveau coup dans le mur déjà lézardé de la forteresse bien gardée par le puissant corps des X-Mines. Indépendance énergétique, électricité «propre» à bas coût, savoir-faire technologique et culture de sûreté «uniques au monde» : tous les «mythes» entretenus pendant plus de soixante ans par «l’Etat nucléaire», sont démontés un à un par les auteurs, qui ont manifestement choisi leur camp. Les «anti» apprécieront cette entreprise de déconstruction étayée, tandis que les gens du métier, tout à la défense d’une filière industrielle qui emploie – directement et indirectement – 220 000 personnes en France, y verront un pamphlet. Mais au-delà de cette «guerre de religions» dont il faudrait «sortir» comme dirait le nouveau ministre François de Rugy, le film tente de répondre à toutes les questions que le citoyen peu au fait du sujet – où ne voulant pas savoir – pourrait se poser : des origines du «tout nucléaire» aux inquiétantes failles de sûreté récemment détectées sur les réacteurs français…

«Raison d’Etat»

Tout commence par cette passion des élites françaises pour l’atome qui, en plein choc pétrolier, amena le pays à décider de la construction de 58 réacteurs «à raison de six par an» au terme du fameux «plan Messmer» lancé en 1974. Jusqu’à «couvrir tout le pays» et à fournir plus de 80 % de son électricité. «Une épopée industrielle civile» intimement liée à la bombe voulue par de Gaulle et une «prouesse technologique sans équivalent», rappelle la voix off. A l’époque, celle de Concorde, de la fusée Ariane et du TGV, la confiance dans le progrès, la foi dans la science et la fascination pour cette «énergie propre, sûre et peu chère» sont totales. Les catastrophes de Tchernobyl et Fukushima ne sont pas encore passées par là. Et rares sont ceux qui s’opposent à ce grand projet prométhéen.

Parmi les témoins interviewés, le physicien Bernard Laponche, un dissident du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), et sa consœur Monique Sené, font partie des scientifiques qui signeront «l’appel des 400» en 1975. Le premier explique : «Nous pensions que ce programme nucléaire était dangereux, hélas la raison d’Etat a étouffé tout débat.» La mobilisation gonflera jusqu’à la fameuse manifestation du 31 juillet 1977 contre Superphénix, le réacteur de la centrale de Creys-Malville (Isère), qui s’achèvera par la mort d’un jeune professeur, Vital Michalon. Mais ce drame donnera un coup d’arrêt au mouvement antinucléaire. Et plus rien n’arrêtera la marche forcée vers l’atome. «Le programme a été volontairement surdimensionné, 58 réacteurs c’était 12 à 16 de trop. C’était fait pour rendre l’option nucléaire irréversible», avoue un ancien dirigeant d’EDF interrogé dans le film. Aux quatre coins du pays, la «manne nucléaire» – emplois et taxe professionnelle – achèvera de lever toute résistance.

Mais aujourd’hui, la mécanique implacable mise en place par la confrérie de l’uranium semble totalement déréglée. Et c’est la partie la plus intéressante du film. Le parc a vieilli : 34 réacteurs ont atteint leur limite d’âge théorique de 40 ans, mais EDF veut les prolonger : «50, 60 et pourquoi pas 100 ans ?», s’inquiète Bernard Laponche. Selon lui, ces machines n’ont pas été prévues pour résister sans risques aussi longtemps. «J’avais coutume de dire que le nucléaire français est l’un des plus sûrs au monde, mais aujourd’hui je pense que c’est celui où la sûreté se dégrade le plus vite», abonde Yves Marignac du cabinet Wise-Paris. Cet expert critique de l’atome va plus loin : «Je n’ai jamais autant craint un accident grave...» Et il est à peine contredit par Pierre-Franck Chevet, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), bien embarrassé face à l’accumulation des avanies découvertes par ses inspecteurs : du scandale des falsifications à l’usine Areva du Creusot qui a abouti à homologuer des composants «non-conformes» aujourd’hui installés sur les réacteurs français, à la découverte récente de 150 soudures défectueuses sur l’EPR de Flamanville dont la mise en service vient encore d’être reportée à 2020…

Scénarios catastrophe

Ce qui inquiétera sans doute le plus le téléspectateur, c’est cette fameuse séquence sur le risque de rupture du barrage de Vouglans, dans le massif du Jura : si cette énorme retenue venait à céder, ce sont plus de 600 millions de mètres cubes d’eau qui déferleraient dans l'Ain jusque dans la vallée du Rhône, engloutissant une trentaine de villages, jusqu’à noyer les quatre réacteurs de 900 MW du Bugey (Ain) à 70 km. La gigantesque vague inonderait en partie Lyon et pourrait même atteindre d'autres centrales en aval, comme celle de Cruas (Ardèche)... Privés d’électricité et de refroidissement, les réacteurs touchés pourraient entrer en fusion. Une catastrophe pire que Fukushima. Mais là, miracle, selon les calculs d’EDF, l’eau s’arrêterait aux portes de la centrale selon une ligne «comme tracée à la règle». Sous couvert d’anonymat, un ancien expert sûreté d’EDF, confirme documents internes à l’appui, l’existence de «fissures» et de «fragilités» sur le barrage de Vouglans, qui heureusement, est «l’un des plus surveillés au monde».

Au-delà de ces scénarios catastrophe, l’électricité nucléaire est surtout de moins en moins compétitive face aux énergies renouvelables, jusqu'à devenir absurde économiquement. Le mur des investissements à venir se monte à 100 milliards d’euros et plus pour prolonger coûte que coûte l’aventure nucléaire. Et au moment où le nucléaire recule un peu partout dans le monde, le rêve d’exporter l’EPR s’évapore peu à peu. «C’est un réacteur mort-né», diagnostique l’expert Mycle Schneider. Le film pointe l’état de quasi-faillite d’EDF et rappelle que ce sont les Français qui paieront un jour la facture. Pourtant «la fuite en avant continue» : «L’industrie nucléaire est comme un cycliste qui doit continuer à pédaler pour ne pas tomber», conclut Yves Marignac. Plus dure sera la chute.

Nucléaire, la fin d’un mythe, un film de Bernard Nicolas, Thierry Gadault et Hugues Demeude. Coproduction Bonne Pioche/Public Sénat. Diffusion sur Public Sénat, le samedi 22 septembre à 21 h 00

-Revue de presse actualisée 

 

 

Le groupe nucléaire pourrait se voir réclamer 24 milliards d'euros par la justice américaine dans une affaire de corruption aux Etats-Unis. Un dossier qui pourrait embarrasser Anne Lauvergeon mais aussi Edouard Philippe, chez Areva à l'époque des faits.

 

Oubliez le scandale du Crédit lyonnais des années 1990 et les 15 milliards d’euros qu’il a coûtés à la France. L’affaire Areva est en passe de battre tous les records. Selon nos informations, la justice américaine a discrètement prévenu début juillet les autorités françaises qu’elle pourrait lancer un procès pour corruption contre l’ex-fleuron tricolore de l’atome. Et que, en cas de condamnation, l’amende pourrait aller jusqu’à… 24 milliards d’euros, l’équivalent d’un tiers des recettes de l’impôt sur le revenu.

Nom d’une chaudière ! On croyait pourtant en avoir fini avec les scandales Areva, les gisements inexploitables d’Uramin rachetés à prix d’or (1,8 milliard d’euros), son réacteur EPR finlandais toujours inachevé et l’incurie de sa gestion depuis sa création en 2001. La facture a déjà coûté 4,5 milliards d’euros aux contribuables français, versés l’an dernier par l’Etat pour éviter la faillite.

Depuis, le groupe a été coupé en trois (les activités d’équipementier nucléaire ont été acquises par EDF) et a été rebaptisé Orano, comme pour lui donner un nouveau départ. Hélas ! Voilà maintenant qu’un possible pacte de corruption, conclu en 2010 par l’entreprise avec des dirigeants du Parti démocrate américain, menace de la faire exploser pour de bon. Une affaire qui pourrait aussi éclabousser le Premier ministre Edouard Philippe, directeur des affaires publiques d'Areva à l'époque.

>> A lire aussi - Le coût astronomique de l'EPR finlandais imposé par Anne Lauvergeon

“Quand, au début de l’année, j’ai découvert l’ampleur de cette affaire, j’ai transmis au directeur du FBI l’ensemble des éléments sur lesquels j’avais pu mettre la main”, dévoile à Capital Marc Eichinger. Cet enquêteur privé spécialisé dans la lutte contre la grande criminalité internationale et la corruption est très au fait du dossier : c’est lui qui a rédigé le rapport remis en avril 2010 à la direction de la sécurité d’Areva pour dénoncer la potentielle escroquerie liée au rachat d’Uramin trois ans plus tôt.

Estomaqué par cette nouvelle affaire de corruption aux Etats-Unis, il a aussi fait passer tout le dossier à la justice française, provoquant une surchauffe des services d’enquête en plein été, déjà caniculaire. Selon nos informations, la brigade financière, en charge des tentaculaires affaires d’Areva, a recommandé au Parquet national financier (PNF) d’ouvrir une nouvelle instruction pour “corruption d’agent public étranger et trafic d’influence”. Mais début septembre, au moment où nous écrivions ces lignes, le PNF n’avait toujours pas suivi ces recommandations.

Au coeur de ce nouveau scandale, qui n’a pas encore éclaté aux Etats-Unis, les conditions dans lesquelles Areva a acquis, en février 2010, Ausra, une startup américaine spécialisée dans l’énergie solaire. Officiellement, selon le groupe français, le prix d’achat aurait été de 243 millions de dollars. Problème : un dirigeant d’Ausra affirme avoir vendu la société pour… 275 millions. A l’époque, Areva s’était contenté du minimum syndical en matière de communication : le dossier de presse ne mentionnait aucun montant, ni l’identité précise des principaux actionnaires vendeurs.

A première vue, Anne Lauvergeon, à l’époque patronne du groupe nucléaire français, aurait pourtant dû se glorifier de cette acquisition. Car parmi ces actionnaires figurait Al Gore, l’ancien vice-président de Bill Clinton, devenu, depuis son échec à la présidentielle de 2000, le nouveau chantre mondial des énergies renouvelables. L’ex-candidat démocrate avait acquis ses parts en participant à des augmentations de capital (de 123,3 millions de dollars au total) à travers les deux fonds d’investissements qu’il préside ou conseille, Kleiner Perkins (ex- KPCB) et Generation Investment Management.

>> A lire aussi - Areva : après le scandale UraMin, l'affaire de la mine géante de nickel de Weda Bay

Si Anne Lauvergeon a préféré rester discrète, c’est que, à l’époque, Areva est déjà dans une situation financière compliquée. Quelques semaines avant cette acquisition, en janvier 2010, une réunion du Conseil de politique nucléaire, qui s’est tenue à l’Elysée en présence de tous les principaux acteurs de la filière, a abouti à la conclusion qu’il fallait le recapitaliser d’urgence. L’opération est réalisée quelques mois plus tard : la société obtient 900 millions d’euros, 600 millions étant versés par le fonds souverain du Koweït, le KIA, et 300 millions par l’Etat.

Dans cet environnement très contraint, on peut s’interroger sur l’opportunité d’acquérir Ausra. D’autant que la start-up est elle-même dans une situation financière difficile, et que sa technologie (l’énergie solaire thermique à concentration) n’a rien de révolutionnaire. Elle est même un peu désuète puisque les premières centrales solaires de ce type ont été construites dans les années 1980.

De plus, l’opération est manifestement surpayée : comme on peut le découvrir dans le propre rapport annuel 2010 d’Areva, la différence entre la valeur réelle des actifs et le prix de vente se monte à quelque 165 millions de dollars !

Pour quelles raisons Areva a-t-il accepté de lâcher autant d’argent pour Ausra ? Cette question, Marc Eichinger se l’est posée pendant plusieurs années avant de découvrir la vérité. Cet ancien directeur de salles de marché a en effet fini par mettre la main sur de nombreux documents compromettants pour le groupe français. A commencer par cet échange de mails intervenu en décembre 2009 entre Olivier Fric – le mari d’Anne Lauvergeon, qui n’a officiellement rien à voir avec Areva – et un haut dirigeant du groupe. Fric y propose de monter avec Areva un fonds, dont il serait co-actionnaire, pour réaliser des acquisitions dans les énergies renouvelables. “Impossible !”, lui répond ce dirigeant après avoir consulté sa patronne, en arguant que le groupe n’a pas les moyens de mener ce genre de politique. Cela n’empêchera pas Areva de s’offrir Ausra deux mois plus tard. Ni Olivier Fric d’en devenir lui-même actionnaire en 2011, par le biais d’Agave Partners Holdings, une société constituée avec un homme d’affaires américain.

La découverte de ce méli-mélo a conduit Marc Eichinger à approfondir son enquête aux Etats-Unis. Et à travailler en particulier sur l’incroyable histoire de l’usine qu’Areva était chargé de construire pour le compte du Department of Energy (une affaire que Capital a révélée dans son numéro de janvier 2017), et qui, nous allons le voir, est en relation directe avec le dossier Ausra.

Ce futur établissement était censé assurer la transformation en mox (un combustible nucléaire) des 34 tonnes de plutonium militaire que Washington s’était engagé à faire disparaître dans le cadre d’un accord de désarmement avec la Russie. Son coût était estimé à 1,4 milliard de dollars, et la mise en service programmée pour 2005. Hélas ! Onze ans plus tard, il n’avait toujours pas vu le jour. Et selon un rapport de l’US Army remis au gouvernement américain, sa facture était passée à… 17,4 milliards de dollars et son ouverture repoussée à 2048 !

Depuis, le Congrès américain s’est rendu à l’évidence : il a mis fin à ce projet, baptisé “Mox Services”, au début de cette année. Mais cette petite affaire aura tout de même coûté quelque 7,7 milliards de dollars au budget fédéral en pure perte ! En fait, cette affaire aurait dû s’arrêter bien plus tôt. Dès 2009, les rapports alarmants se multipliaient sur l’incapacité d’Areva et de son partenaire américain à construire l’usine. Et Duke Energy, le seul propriétaire de centrales nucléaires local prêt à utiliser le mox comme combustible, avait fait savoir après une série de tests défaillants qu’il ne choisirait pas cette solution.

La production de la future usine d’Areva n’ayant plus aucun débouché, le projet aurait dû être abandonné séance tenante. Au lieu de quoi, l’administration Obama et Areva persistent. Et, ô miracle, voient arriver quelques mois plus tard un nouveau client pour le mox, en l’occurrence la Tennessee Valley Authority (TVA), une agence fédérale créée en 1933 par le président Roosevelt pour domestiquer le cours du Mississippi et produire de l’électricité. Cette planche de salut inespérée permettra à l’administration fédérale de convaincre le Congrès de poursuivre le financement des travaux.

Rien d’extraordinaire ? A ceci près que la TVA est très proche de la famille d’Al Gore ! Le père du futur vice-président américain, lui-même sénateur démocrate du Tennessee durant plusieurs décennies, en a fait sa chose au point que, durant la course à la présidentielle de 2000, la presse américaine présentera la TVA comme la “candy store” (la boutique à bonbons) de la famille du candidat démocrate. Du coup, l’intervention de cette agence fédérale dans le dossier Mox Services, qui se produit au moment du rachat d’Ausra à Al Gore par Areva, pose question. Celle-là ne serait-elle pas la contrepartie de celui-ci ?

L’affaire n’implique d’ailleurs pas que l’ancien vice-président. Trois autres grands noms du Parti démocrate sont cités dans le dossier. A commencer par John Kerry, le futur secrétaire d’Etat de Barack Obama durant son second mandat. L’ex-candidat malheureux à la présidentielle de 2004 est alors sénateur et président du Comité des affaires étrangères. Fin janvier 2009, au cours d’une audience sénatoriale publique et en présence d’Al Gore, il dresse un long panégyrique d’Ausra, affirmant que cette société représente l’avenir.

Coïncidence, John Kerry est aussi actionnaire du fonds qui a investi dans Ausra ! Le jour même de cette audience, le patron de la start-up annoncera pourtant, dans une interview au quotidien californien The Mercury News, l’abandon de la plupart des projets mentionnés par John Kerry en raison de ses difficultés financières…

La deuxième grande figure du Parti démocrate impliquée dans l’histoire est un homme d’affaires américain : John Doerr. Il codirige Kleiner Perkins et est connu pour être l’un des principaux leveurs de fonds du parti. Il est très proche des Clinton et de l’administration Obama : en février 2009, la Maison-Blanche le catapulte au Council on Jobs and Competitiveness, un organisme qui conseille le président. Les nombreux avantages financiers qu’obtiendra John Doerr pendant la présidence Obama généreront autant de scandales (c’est notamment l’affaire Solyndra en 2011), obligeant le ministre de l’Energie, Steven Chu, à abandonner ses fonctions.

Le troisième démocrate mouillé n’est autre que le sénateur Harry Reid, le chef de la majorité démocrate au Sénat entre 2006 et 2014. Lui aussi a beaucoup fait pour soutenir publiquement Ausra, notamment dans son Etat, le Nevada, en proposant la mise à disposition de terrains pour construire des usines solaires. C’est également un partisan inconditionnel d’Areva : il a ainsi plaidé, en 2010, auprès de Barack Obama pour que le gouvernement accorde au groupe français le prêt remboursable de 2 milliards de dollars pour financer un projet d’usine d’enrichissement d’uranium dans l’Idaho. Ce dernier, baptisé “Eagle Rock”, sera finalement abandonné en 2012.

Enfin, l’administration Obama va se montrer très généreuse avec Ausra : en février 2010, au moment de son acquisition par Areva, il reçoit une subvention fédérale (non remboursable) de 13,9 millions de dollars pour un projet d’usine solaire en Californie dont le coût est évalué à 40 millions. D’après Marc Eichinger, cette aide publique, qui représente 34% du coût de construction, est la cinquième plus grosse subvention (par rapport au coût de construction) accordée par le Trésor américain dans le cadre du financement des énergies renouvelables.

Malgré cela, Ausra, rebaptisé Areva Solar, n’a jamais généré que des pertes. Et il a été définitivement liquidé en 2015. La construction de l’usine Mox Services a elle aussi été arrêtée, mais la facture va continuer de gonfler pour le budget fédéral américain. Pour pouvoir entreposer en toute sécurité le plutonium militaire (matière très instable) qui aurait dû être transformé en combustible mox, Washington va en effet devoir dépenser quelque 19,9 milliards de dollars, selon une étude du Department of Energy !

Une bien mauvaise nouvelle pour le contribuable… français. Car, en cas de procès pour corruption aux Etats-Unis, la règle veut que le montant de l’amende couvre la totalité du préjudice financier. Certes, le procureur pourrait se contenter de réclamer à Areva les 243 millions de dollars correspondant au montant de l’acquisition d’Ausra. Mais il peut aussi très bien exiger le remboursement de toutes les dépenses fédérales engagées dans l’affaire, à savoir : les 7,7 milliards de dollars investis dans l’usine de mox jamais construite, les 19,9 milliards qui vont être engloutis dans la gestion du plutonium non transformé et les 243 millions de l’acquisition d’Ausra, soit au total pratiquement 28 milliards de dollars, ou si l’on préfère, 24,1 milliards d’euros au cours actuel.

Inutile de préciser que, Orano n’ayant pas un centime en poche, c’est l’Etat qui devrait passer à la caisse. Le seul moyen d’éviter un tel désastre, font valoir les juristes, serait que la justice française sanctionne elle-même les coupables. Interrogées par Capital, la direction d’Orano et l’Agence des participations de l’Etat (qui représente l’Etat au conseil d’administration d’Orano) ont indiqué n’avoir pas connaissance d’une instruction judiciaire concernant les activités américaines de la société. Contactée par l’intermédiaire de maître Versini-Campinchi, Anne Lauvergeon n’a de son côté pas souhaité nous répondre. En retour, son avocat s’est contenté de traiter par SMS Marc Eichinger de “rat crevé”.

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