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21 septembre 2018 5 21 /09 /septembre /2018 05:43
“Si la déclaration d’Emmanuel Macron, au sujet de l’arrestation, de la torture et de la disparition de Maurice Audin, est un immense pas pour la famille, et pour toutes celles et tous ceux qui, depuis cet événement, se sont mobilisés pour que le crime perpétré ce jour-là soit enfin reconnu par les plus hautes autorités de l’Etat, beaucoup d’autres devront être effectués pour que l’ensemble des crimes coloniaux soient qualifiés comme ils devraient l’être. Sur ce point, le président de la République et ses conseillers demeurent très en-deçà de ce qui aurait dû être déclaré. En effet, si E. Macron avait estimé, lors d’un déplacement à Alger en tant que candidat à l’élection présidentielle, que la “colonisation avait été un crime contre l’humanité”, il s’est bien gardé de réitérer ses propos à cette occasion alors que les faits visés ressortissent bien à ce type de qualification. Rappelons donc au chef de l’Etat, l’article 212-1 du Code pénal français: sont considérés comme des crimes contre l’humanité , “la déportation (...) ou la pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition, la torture ou d’actes inhumains inspirés par des motifs politiques (...) organisés en vertu d’un plan concerté à l’encontre d’une population civile.” Pour ménager les militaires, la droite et l’extrême-droite, et sans doute aussi, une partie de son électorat, peut-être aussi pour éviter des procédures judiciaires, cette qualification n’a donc pas été employée alors qu’elle est parfaitement adéquate aux pratiques de l’armée française pendant la guerre d’Algérie et aux crimes commis antérieurement à partir du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata, puis en Indochine, à Madagascar en 1947 et le 17 octobre 1961 à Paris. De ce point de vue, la déclaration du chef de l’Etat ne saurait satisfaire celles et ceux qui exigent, parfois depuis des décennies, que ces massacres soient reconnus par les plus hautes autorités de l’Etat.
Relativement à l’ouverture des archives, les propos d’E. Macron sont susceptibles d’interprétations diverses et l’avenir nous dira ce qu’il en est. En effet, il est écrit qu’une “dérogation générale (...) ouvrira à  libre consultation tous les fonds d’archives de l’Etat qui concernent ce sujet.” Soit cela porte uniquement sur l’affaire Audin, et c’est alors singulièrement restrictif, soit cela concerne l’ensemble de la guerre d’Algérie, et la mesure est autrement plus importante. Reste que cet accès demeure le fait du prince. Qu’en est-il des archives relatives aux événements précités auxquels il faut ajouter le massacres de Thiaroye du 1er décembre 1944 et la guerre trop longtemps oubliée conduite au Cameroun entre 1955 et 1971? Rappelons qu’en ce domaine, et comparativement à d’autres pays comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, la législation française sur l’accès aux archives est une des plus restrictives et que beaucoup, par le passé, se sont vus refuser l’accès à certaines archives. Je pense en particulier au regretté Jean-Luc Einaudi sur les massacres du 17 octobre 1961.
Dans moins d’un mois maintenant, le collectif pour la reconnaissance de ces derniers massacres se réunira, comme tous les ans, sur le Pont Saint-Michel pour exiger la reconnaissance de ce crime comme crime d’Etat et l’ouverture de toutes les archives. Le président de la République laisse croire qu’il est disposé à solder les comptes du passé criminel de la France en Algérie; qu’il le prouve en faisant enfin une déclaration précise et circonstanciée sur ce qui s’est déroulé à Paris et en banlieue parisienne où les arrestations arbitraires, la torture et les disparitions forcées ont également été employées par des policiers et des harkis agissant sous les ordres du préfet de police de l’époque, Maurice Papon.”
 
O. Le Cour Grandmaison, universitaire, dernier ouvrage paru “L’Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies”, Fayard, 2014.

 

 Mitterrand ,Le Pen Massu, Aussaresses et Papon ! Avec tous les autres,...  ,il y a également  ces 1000autres.org ,et son site formidable.

Seulement l'un des   hic  frappants  dans la liste  des animateurs du site , malgré cette louable initiative d'ouverture,reste  la présence arbitrale gênante de l'historien attitré et  nombrilo-addict de la LDH .En effet a quel moment Gilles Manceron et ses pairs droits de l'hommistes reconnaitront-ils que  le plagiat est indélicat et malhonnête,que  l'accaparement d'autres  travaux que les siens ,comme ceux d' universitaires  spécialisés dans  le domaine  des massacres coloniaux , Thiaroye en 1944 *,(et sur la question), est pour le moins ,une appropriation soumise à condition de politesse ?Comme Gilles Manceron  à rédigé "en primeur"au nom de la ligue nationale ,sur le massacre de Thiaroye - Ligue des droits de l'Homme sans  autorisation de  l'auteure principale de ces révélations  il faudrait faire amende véritable : 

*"Le 1er décembre 1944, des dizaines de soldats africains appelés « tirailleurs » sont exécutés par l’armée française dans le camp de Thiaroye, au Sénégal. Ces hommes, qui ont combattu pour la France lors de la guerre et anciens prisonniers des nazis, réclamaient le paiement de leur solde. Selon la version officielle, la répression fait suite à une mutinerie. Une thèse réfutée par l’historienne Armelle Mabon, maître de conférences à l’Université Bretagne Sud. Elle dénonce un mensonge d’État et un crime de masse prémédité. Invitée du « Monde Afrique », elle revient sur ce massacre camouflé pendant plus de soixante-dix ans. "

Si là encore avec le mouvement lancé sur les disparus lors  des "événements ", ce type manceronise , droits-de-l'hommise,illégitimise  une recherche mémorielle en dys-historisant un processus  tout à fait intéressant .En se mettant  une nouvelle fois sur un Piédestal comme l'arbitre des élégances méthodologiques , Gilles Manceron voudrait  probablement   se tailler   la part du lion associatif sous le  "haut patronage ",(et pour le compte salaud-boratif)de la  LDH . Comment alors ,s'il vous plait monsieur Gilles Manceron  ,se réclamer du blanc seing de la justice historique ainsi que d'une relecture sincère de la vérité  des faits de massacres ,tout  en maintenant  votre  posture inepte (Syndrome d'Aznavour) , votre  récupération indélicate et   vos accrocs déontologiques incontestables pour  accéder  tout en haut de l'affiche ?

Comment ensuite sortir du point noir de ce conditionnement?Il est rédhibitoire par  tant  d'ingérence et de permanence névrotique du droit-de-l'hommisme que Manceron et ses défenseurs  représentent ,et  est le plus souvent,spoliateur de l'accès au Droit ,à la mémoire militante ou la propagation  et la transmission du souvenir historique familial .

C'est tout art populaire que de dire l'histoire, que celle -ci n' a pas à etre  le roman de l’État,et tout en évitant sa confiscation par des spécieux spécialistes .

Il  revient  aux citoyens associatifs et aux historien honnêtes ,de dénoncer pour l' abroger,toute cooptation,méconduite,et le forçage lobbyiste entre escrocs mémoriels  .

Cet exercice de dégourdissement du cerveau serait l'une des étapes à franchir  afin d'envisager collectivement que la nation puisse,éventuellement, régler ses propres  ardoises posthumes  avec par exemple :un grand Charles   de Gaulle  ayant couvert notoirement  un préfet de police assassin  ,(et ami pourri de  Mitterrand).

Papon ,c'est un de ces officiels de la République   qui avec  d'autres ,n'a encore jamais été jugé pour les atrocités de Paris en 1961( Le massacre du 17 octobre 1961 à Paris : "ici on noie les Algériens ) bien que pour d'autres méfaits, Maurice Papon a été condamné à dix ans de réclusion criminelle

 Des gens pourraient trouver  nécessaire  de se réapproprier leur héritage ,pour faire de sorte que puisse se faire l'instruction judiciaire  de ces bavures et exactions  nationales et internationales (Rwanda) , et que l’État Français soit incriminé pour sa participation et/ou ,l'ordonnancement de ces  meurtres de masses  .

Les citoyens ne devraient  pas oublier  de demander l'inculpation de leurs propre chefs d’État même ceux qui sont disparus .Car aujourd'hui  c'est la question du rôle de Charles de Gaulle qui se pose dans  l'opération du  17 février 1961  qui va être commémorée .

Tout les responsables (morts ou vivants),de fait de massacres historiques  et des catastrophes humaines et environnementales doivent etre mis  face à leurs  leurs fautes .De 1966 à 1996 par exemple ,les atolls de Mururoa et Fangataufa ont été le théâtre de 193 essais nucléaires français .  Lors des essais atmosphériques pratiqués en Algérie alors Française, la pratique des expositions forcées aux  radiations  relève de la  traite humaine  .En effet  lors des  Essai nucléaire à Reggane : 150 prisonniers algériens utilisés comme cobayes humains on péri.

Ces expérimentations militaires qui  ont eu des effets sur la santé des populations polynésiennes ,comme algériennes,sur celle des soldats,et qui qui ont de surcroit contaminé l'environnement mérite l'attention de de la CPI.Aujourd'hui encore ,l’actualité  est nucléaire car  La Polynésie porte plainte contre l'État pour crimes contre l'humanité

Pour ce et qui des faits passés de criminels décédés,voici encore  :

 
Mercredi, 4 Décembre, 2013

Dans un livre paru en mai 2001, l'ancien coordinateur des services de renseignements à Alger en 1957, dont la mort a été annoncée ce mercredi, a reconnu avoir assassiné le dirigeant du FLN Larbi Ben M'Hidi et l'avocat Ali Boumendjel. Il dit avoir agi à la demande de Massu et des autorités gouvernementales de l'époque.

Nous republions le décryptage de Lucien Degoy, dans l'Humanité du 3 mai 2001.

" Une fois dans la pièce, avec l'aide de mes gradés, nous avons empoigné Ben M'Hidi et nous l'avons pendu, d'une manière qui puisse laisser penser à un suicide... " L'aveu tient en une phrase, courte, explicite, sans appel. On pourrait dire sobre s'il ne s'agissait d'évoquer la sordide mise à mort, ce soir du 4 mars 1957, dans le secret d'une ferme isolée au sud d'Alger, du premier responsable du FLN de l'époque. Un assassinat prémédité et organisé par des officiers de l'armée française. Le témoin du meurtre et son principal exécutant, celui qui parle quarante-quatre ans après, est le général de brigade Paul Aussaresses à l'époque commandant parachutiste, détaché à l'état-major de Massu. L'ouvrage qu'il signe, Services spéciaux, Algérie 1955-1957 - Mon témoignage sur la torture, ajoute l'éditeur-, rendu public, hier, fait déjà l'effet d'un brûlot.

Implications à haut niveau

Car à propos de cet épisode dramatique et de quelques autres de toute première importance, telle la mort de l'avocat Ali Boumendjel - autre grande figure nationaliste, dont on apprend qu'il a été lui aussi " suicidé " par les militaires - ou, encore, l'utilisation de la torture, le " nettoyage " par les commandos parachutistes de la sous-préfecture de Philippeville en juin 1955 (bien avant la bataille d'Alger), Aussaresses confirme ce que nombre d'historiens supputaient mais qu'aucun de ses complices de l'époque, et surtout ce qu'aucune autorité militaire ou civile n'a reconnu jusqu'ici: l'implication directe et personnelle de nombre de cadres et dirigeants de la République dans la torture, l'assassinat, l'exécution sommaire et leur complicité dans les mensonges officiels fabriqués pour dissimuler ces forfaits pendant des décennies aux yeux de l'opinion française.

À quatre-vingt-deux ans donc, Aussaresses parle. Ce n'est pas la première fois. On se souvient qu'après Massu, fin novembre dernier - alors que se développait la campagne des Douze avec l'Humanité, pour la reconnaissance de la responsabilité de la France dans la torture - il avait donné à Florence Beaugé du Monde, une interview dans laquelle il reconnaissait avoir lui-même pratiqué la torture et mis à mort 24 personnes. Cette fois, il précise et va plus loin. Donne des lieux, des dates, des noms et ceux d'autres témoins.

Aussaresses l'a pendu

Larbi Ben M'Hidi, c'est Aussaresses qui l'a pendu, a vérifié qu'il était mort, avant de faire porter le cadavre à l'hôpital. Boumendjel, c'est lui, Aussaresses, qui ordonne à l'un de ses lieutenants de le jeter dans le vide du haut d'un 6e étage. Il ne fallait surtout pas, explique-t-il, que ces combattants nationalistes soient jugés par un tribunal - dans les règles donc -, ce qui " aurait entraîné des répercussions internationales ", voire, dans le cas du " brillant avocat " algérien accusé par les militaires d'avoir commandité un assassinat, " lui aurait assuré l'impunité ".

La défenestration n'était-elle pas, aussi, le moyen de dissimuler les traces compromettantes de tortures? Aussaresses assure que son prisonnier y aurait échappé... Contrairement à Bigeard, il ne respecte pas ses adversaires, les qualifie au passage et suivant les cas de " petits truands ", " trafiquants " ou " proxénètes".

 

Audin livré au "docteur"

Il se montre un peu moins insultant à l'égard des Européens, membres du Parti communiste algérien, affirmant avoir été " naturellement prévenu " de l'arrestation de Maurice Audin par les hommes du 1er RCP puis de celle d'Henri Alleg, qu'il a " croisé " au moment de son arrestation. Il dit aussi avoir livré ces deux hommes au lieutenant Charbonnier - celui qu'on surnommait le " docteur " pour sa fascination du scalpel - afin qu'il les interroge. Dans ce livre, comme dans les deux heures d'émissions que consacre à Aussaresses Pierre-André Boutang, l'ancien " liquidateur " de la bataille d'Alger, chef de l'" escadron de la mort ", expression qu'il reprend à son compte, réaffirme ne rien savoir des circonstances de la disparition d'Audin - ce qui à l'évidence ne tient pas. D'autant moins, que le général donne beaucoup à voir et à comprendre sur sa tâche de " coordinateur " du sale boulot - entre autres à la villa des Tourelles où " il était rare que les prisonniers interrogés la nuit se trouvent encore vivants au petit matin " - ou comme éminence grise de Massu, superpréfet d'Alger, montrant par le détail comment il parvient à court-circuiter le fonctionnement normal des institutions démocratiques, juges, avocats et procureurs ou parlementaires en mission d'enquête.

3024 exécutions sommaires

C'est d'ailleurs ce pourquoi Massu avait, confirme-t-il, reçu les pleins pouvoirs du gouvernement Guy Mollet de l'époque : être efficace quels que soient les moyens employés. Si la torture n'était pas " banalisée " précise-t-il encore, " elle a été largement utilisée ". En s'accusant, Aussaresses prend bien soin de ne revendiquer de forfaits dont il ne puisse partager avec d'autres la responsabilité politique ou morale : les ordres précise-t-il toujours (et contrairement à ce qu'il avait affirmé en novembre au Monde) " venaient d'en haut ". Lacoste ministre résident était quotidiennement informé par le détail. Aussaresses affirme que les liquidations de personnalités furent réclamées par Massu, accuse le juge Bérard - correspondant direct à l'état-major du garde des Sceaux, François Mitterrand - de lui avoir demandé d'empoisonner Larbi Ben M'Hidi, confirme de nouveau, les 3 024 exécutions sommaires effectuées parmi les Algériens assignés à résidence et qu'en langage codé on appelait " évasions manquées".

Réseau Jeanson

Les seuls crimes monstrueux qu'il prenne pour lui tout seul n'ont pas dépassé le stade de l'intention: l'assassinat de Ben Bella qu'il se faisait fort d'éliminer dans la prison où il était secrètement maintenu en France, "dans un accident dû au gaz", ou la "neutralisation" d'une douzaine de sympathisants de la cause algérienne, membres du réseau Jeanson - il cite Olivier Todd, Hervé Bourges, Gisèle Halimi, qu'il "manque de peu d'intercepter" alors que l'avocate venait de rencontrer secrètement à Alger Suzanne, la femme du général Massu, laquelle se donnait, semble-t-il, un rôle modérateur.

Quel crédit accorder à ces allégations qu'on peut toujours mettre sur le compte de la gloriole militaire ou de la provocation politique d'un personnage qui, au fil des pages, règle des comptes avec d'anciens collègues ou complices dont il dit qu'ils " savent " mais auraient préféré qu'il se taise? Que vaut le témoignage d'un spécialiste du contre-espionnage, expert en coups tordus et fausses nouvelles, l'ancien para qui côtoyait au 1er RCP des légionnaires ayant fait leurs armes sous l'uniforme nazi?

Absence totale de regrets

Est-ce l'ancien adhérent des Jeunesses étudiantes chrétiennes, qui se livre à examen de conscience au soir de sa vie - mais alors comment défendre son absence totale de regrets ou de remords? Veut-il, lui le gaulliste de la première heure - ce qui lui valut, explique-t-il, de lourdes inimitiés dans une partie de la caste militaire qui complota contre la République - mettre les gouvernants d'aujourd'hui en demeure de réagir plus qu'ils ne l'ont fait, à des actes confirmant l'implication étroite du pouvoir politique de l'époque dans la sale guerre?

Sans doute, il y a un peu de tout cela. Mais peu importent, finalement, les motivations: le fait gravissime n'est-il pas que cet homme portait comme d'autres l'uniforme de la République, qu'il agissait au nom de la France : c'est cela qui, aujourd'hui, est insupportable.

  • A lire aussi:

Notre dossier: Mort de Paul Aussaresses, général tortionnaire pendant la guerre d'Algérie

 

À propos de : Catherine Lu, Justice and Reconciliation in World Politics, Cambridge Studies in International Relations, Cambridge


par Magali Bessone , le 27 septembre

Comment penser nos responsabilités face aux crimes du passé dont les conséquences continuent de peser sur les conditions d’existence des victimes ou de leurs descendants ? Un premier pas, pour la philosophe Catherine Lu, serait d’admettre et de théoriser les racines coloniales de l’ordre mondial.

 

En 1904, sur l’actuel territoire de la Namibie, les troupes coloniales allemandes, en réponse à un soulèvement de Hereros mené par Samuel Maharero contre les conditions du régime colonial allemand, s’engagent dans un programme d’extermination systématique contre les Hereros et les Namas : ce massacre, reconnu publiquement comme « un crime de guerre et un génocide » par le ministre des Affaires étrangères allemand en 2015, a donné lieu à un important travail d’histoire et de mémoire, mais également de demandes de justice. Ce cas, parmi d’autres liés à l’histoire et aux pratiques des guerres coloniales et du colonialisme notamment, pose des questions compliquées à la philosophie politique et éthique et aux théories des relations internationales qui se préoccupent de proposer des cadres normatifs pour la justice et la réconciliation à l’échelle mondiale. Avec quel cadre normatif penser les crimes du passé ? Comment évaluer et mesurer les responsabilités actuelles ? Comment identifier ces injustices du passé qui pèsent toujours sur la structure et l’organisation de l’ordre mondial et sur les relations interétatiques ou transnationales ? Quels principes de redistribution ou de rectification formuler pour redresser ces injustices ? Dans son livre récent, Catherine Lu offre un cadre théorique et normatif puissant, appuyé sur une analyse historique et historiographique précise, qui lui permet de souligner la dimension structurelle des injustices internationales et de promouvoir, à partir de leur diagnostic, des principes de transformation pour un ordre international juste.

Le cadre théorique : une matrice à quatre termes

Catherine Lu distingue analytiquement deux concepts majeurs des relations internationales, les concepts de justice et de réconciliation, puis analyse chacun d’eux selon deux dimensions différentes, interactionnelle et structurelle.

D’une part, il faut fermement distinguer sur le plan analytique justice et réconciliation ; mais si les deux concepts ne coïncident pas, ils sont en jeu dans des pratiques qui ne sont ni contradictoires ni opposées. Concevoir leur différence théorique permet précisément de saisir comment il est possible de viser un ordre international à la fois juste et réconcilié. Il est question de justice, dit Lu, lorsqu’on se préoccupe de redresser des torts ; il est question de réconciliation lorsque l’enjeu est de mettre fin à différents types « d’aliénation », que ce soit celles qui ont produit les torts et que les torts ont révélées, ou celles que les torts eux-mêmes ont produites. Faire justice et promouvoir la réconciliation à l’issue de conflits ou de crimes de masse sont deux objectifs différents et indispensables de l’ordre international. Identifier les concepts dans leur spécificité permet ainsi d’éviter deux erreurs symétriques : soit, dans une veine idéaliste, estimer que l’une se produira nécessairement lorsque l’autre sera accomplie (rendre justice étant censé entraîner de facto la réconciliation des parties opposées ou réconcilier les anciens ennemis satisfaire en soi les demandes de justice) ; soit, dans une veine réaliste, les considérer comme des objectifs mutuellement contradictoires, comme si le caractère procédural de la justice exigeait la rigidification durable des oppositions entre victimes et criminels ou si la réconciliation ne pouvait reposer que sur l’amnistie, le pardon ou l’oubli.

D’autre part, ces deux concepts doivent être analysés selon deux dimensions différentes : une dimension interactionnelle et une dimension structurelle.

La justice interactionnelle est celle qui règle les comptes entre des agents individuels ou collectifs (victimes et criminels [perpetrators]) à la suite de conduites dommageables ou préjudicielles, soit d’interactions injustes ayant entraîné des torts non mérités. L’objectif est de punir le criminel et de compenser la victime. La caractéristique principale de la justice interactionnelle est d’avoir une fonction de rectification « backward looking », tournée vers le passé : c’est le rôle traditionnel de la justice corrective, en particulier sous sa forme pénale.

La justice structurelle se préoccupe, elle, « des institutions, normes, pratiques et conditions matérielles qui ont joué un rôle causal ou conditionnel dans la production ou la reproduction des positions sociales, des conduites ou de leurs effets condamnables » (p. 19). Elle revêt à la fois une fonction backward looking et une fonction forward looking : rectifier les injustices structurelles consiste à la fois à corriger les torts qu’elles ont engendrés et à éliminer les effets durables que les structures injustes peuvent continuer à produire ou reproduire.

Lu précise ce qu’elle entend par injustices structurelles en différenciant ces dernières des injustices « structurées » qui peuvent être prises en charge par les procédures classiques de la justice interactionnelle. Les injustices structurées sont le fait d’agents individuels en tant que membres d’institutions qui, dans le cadre de systèmes politiques spécifiques, ont été impliquées dans des violences ou crimes de masse. Ce sont, par exemple, les individus à différents niveaux hiérarchiques d’un appareil militaire qui a pris part à une guerre de conquête durant laquelle des crimes de guerre ont été commis. À ce titre, les injustices structurées peuvent être traitées dans le cadre du droit international pénal, dans une perspective interindividuelle ou interétatique. Au contraire, les injustices structurelles n’impliquent pas immédiatement d’agent moral (individuel ou collectif) aisément identifiable et obligent donc à conceptualiser la question de la responsabilité des agents d’une manière qui n’est prise en charge ni par le droit pénal ni par le droit civil internationaux. En particulier, l’approche structurelle permet de répondre aux nombreuses difficultés auxquelles se heurtent la notion de responsabilité collective et celle de responsabilité contemporaine pour des actes du passé. Là où l’analyse interactionnelle achoppe sur l’attribution de responsabilité causale ou sur la nature de la relation entre passé et présent, l’approche structurelle que construit Lu à partir des travaux de Iris Marion Young [1] permet de fournir une réponse :

C’est parce que tous les agents contemporains subissent le poids de [are burdened by] l’injustice historique – sous la forme d’injustice structurelle – qu’ils ont des responsabilités. (p. 148)

Hériter des injustices historiques aujourd’hui, c’est continuer à vivre dans un monde où se reproduisent les schémas structurels de domination, d’exploitation, de marginalisation mis en place dans le passé de manière criminelle. Il relève donc de la responsabilité des agents contemporains (individus, États, structures internationales… à différents niveaux ou échelles de justice) de reconnaître et rectifier les institutions, discours et pratiques qui se sont historiquement développés de manière injuste et qui perdurent.

Analysée sous ce double aspect, la justice dans l’ordre international implique ainsi des devoirs de réparations pour les injustices interactionnelles et des devoirs de correction des injustices structurelles.

La réponse à ces dernières injustices est étroitement associée à la lutte politique pour la réconciliation comme réponse aux différents types d’aliénation sociale et politique qui ont entraîné les catastrophes politiques et crimes de masse ou qui en sont issues. La réconciliation s’analyse elle aussi d’abord en termes interactionnels et structurels : en tant qu’idéal régulateur, elle désigne à la fois la qualité morale des relations interpersonnelles entre agents et l’affirmation ou la reconnaissance mutuelle des agents quant à la pertinence et à la valeur des structures politiques et sociales qui organisent leurs interactions à l’échelle locale, nationale ou internationale (p. 19). Assurer la réconciliation structurelle est ainsi une exigence fondamentale, sur le plan normatif, pour promouvoir la réconciliation interactionnelle : c’est la première qui fournit la grille d’interprétation partagée des formes d’aliénation et permet que s’installe une communication « authentique » (genuine) entre groupes en conflit. Les relations historiques coloniales reconduites aujourd’hui entre États (anciens colonisés et colonisateurs) mais également, à l’intérieur des États dits postcoloniaux, entre certains groupes, produisent notamment une condition « d’indignité structurelle » (p. 184) pour certains des colonisés, empêchant ainsi que les conditions minimales d’un dialogue commun puissent être réalisées. C’est l’accord sur cette structure coloniale reconduite qui pourra permettre la réconciliation. En outre, le schéma d’analyse de la réconciliation est compliqué par l’introduction d’un troisième niveau d’analyse, indispensable pour appréhender l’ensemble de ses enjeux politiques — ce que Lu nomme la réconciliation existentielle, « la désaliénation des agents dont la liberté subjective a été déformée par l’injustice [coloniale] » (p. 20). Cette troisième forme vise tout particulièrement à remédier à l’auto-aliénation des agents qui accompagne les deux formes précédentes et qui est, comme l’a montré Frantz Fanon que cite Lu (par exemple p. 184, 204), l’un des effets les plus destructeurs du colonialisme.

L’ordre international comme ordre colonial

Cette matrice théorique déploie une double force, descriptive et normative : elle est mise au service d’un dévoilement des structures injustes de l’ordre international actuel, comme effet majeur des injustices issues du colonialisme ; et elle est mobilisée pour formuler les insuffisances des théorisations traditionnelles de la justice internationale, qui demeurent interactionnelles, et pour proposer des réorientations normatives et politiques appropriées.

Dans chacun des huit chapitres du livre, le cadre théorique éclaire une étude de cas où l’échec à produire de manière durable un ordre international juste prend un nouveau sens, qu’il s’agisse de traités de paix échouant à garantir un monde pacifié, d’institutions judiciaires dénoncées pour leur partialité, ou de relations de domination internationalement admises et légalement reconnues. La fragilité du traité de Versailles, la guerre entre le Vietnam du Nord et les États-Unis, les limites de la Cour Pénale Internationale, le colonialisme japonais en Corée, le colonialisme allemand en Namibie, les relations entre l’État canadien et les nations indiennes, ne s’interprètent ni comme des anomalies interactionnelles (l’effet ponctuel de la volonté de puissance d’un agent, d’une nation ou d’un État, s’exerçant sur un autre), ni comme le produit des interactions « naturelles » d’agents collectifs coexistant dans un état de nature anarchique et a-normé, auquel le droit international s’efforcerait de fournir des normes de justice et d’égalité transposées de l’ordre national. Lu montre que ces échecs doivent se comprendre comme les conséquences de l’aveuglement aux injustices coloniales qui traversent et organisent structurellement l’ordre international depuis plus de quatre siècles, et ce en dépit du rejet officiel, dans les années 1960, de la structure coloniale des relations internationales.

L’appareil théorique permet en effet de soutenir une thèse historique et substantielle importante, qui se construit au fil de l’analyse de ces cas et de leurs effets : l’ordre international contemporain est un ordre interétatique colonial reposant sur des injustices structurelles qu’on ne s’est jamais efforcé de rectifier, parce qu’on ne s’est même jamais efforcé de les théoriser comme telles.

La démonstration s’ouvre sur l’analyse brillante, menée dans le premier chapitre, des causes de l’échec du Traité de Versailles et de ses effets durables. L’échec spectaculaire de la politique de justice et de réconciliation à l’issue de la Première Guerre mondiale ne saurait simplement s’analyser dans les termes des théoriciens réalistes : selon eux, Versailles a assuré la paix au prix de la réconciliation, mais étant donnée la réalité des rapports de pouvoir interétatiques, ce choix était inévitable. L’échec ne saurait toutefois se comprendre non plus dans les termes des théoriciens libéraux qui y voient les prémisses d’un ordre international fondé sur les droits de l’homme mais entaché par les excès de la « justice des vainqueurs » empêchant l’Allemagne de se reconstruire après la défaite, et dont les défauts, correctement perçus, auraient ensuite été corrigés après la Seconde Guerre mondiale. L’échec majeur du traité de Versailles et de la Ligue des Nations a été en réalité de continuer à valider le colonialisme comme un marqueur fondamental de pouvoir – dont l’Allemagne, par ailleurs, était privée selon les termes imposés par le traité de paix – et de ne pas modifier la structure injuste du système international.

Cet échec a poursuivi et renforcé l’aliénation des groupes et peuples colonisés vis-à-vis de l’ordre interétatique établi et dominé par les pouvoirs occidentaux ; il a provoqué et façonné le cours des luttes politiques anticoloniales et anti-impérialistes qui ont occupé l’essentiel de la politique mondiale au XXe siècle et continuent d’infléchir les conflits politiques mondiaux contemporains au XXIe siècle. (p. 62)

L’aveuglement à ces injustices structurelles continuées a pesé sur les développements ultérieurs du droit international, qui s’est exclusivement préoccupé des injustices interactionnelles (interindividuelles et interétatiques), selon deux principes d’action : identifier les responsables des violations massives des droits de l’homme et réparer les victimes. Or comme le montrent les chapitres suivants, le cadre interactionnel est, quoique nécessaire, insuffisant pour identifier la nature réelle des injustices internationales et transnationales et pour conceptualiser les responsabilités qu’engendrent ces injustices (p. 23), y compris celles de l’ensemble de la communauté internationale. Il demeure incapable d’appréhender les injustices structurelles qui continuent de fournir le cadre normatif des aliénations contemporaines et qui proviennent de l’ordre mondial colonial reçu en héritage.

C’est pourquoi dans les deux derniers chapitres, Lu montre en quoi les politiques de réparations usuellement adoptées en droit international sont insuffisantes et, prolongeant les analyses d’Iris Young sur le type d’engagement qui doit être le nôtre une fois que l’on a admis la nature de notre responsabilité dans la perpétuation des injustices structurelles, propose trois types de stratégies pour réorienter la manière de promouvoir un ordre international juste. Il faut se préoccuper de décoloniser (les structures politiques, sociales et normatives de l’ordre international et transnational), de décentrer (la connaissance, les institutions et les pratiques de gouvernement) et de désaliéner (la capacité d’agir des opprimés). Ces stratégies doivent être menées à tous les niveaux d’institutions formelles et informelles et nous engager individuellement et collectivement. Lorsque nous avons pris la conscience critique de la nature de nos responsabilités, il est de notre devoir de les assumer – ou nous nous rendons coupables aujourd’hui de ne pas modifier les conditions de l’ordre colonial hérité du passé.

À propos de : Catherine Lu, Justice and Reconciliation in World Politics, Cambridge Studies in International Relations, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2017, 309 p.

 

 

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5 septembre 2017 2 05 /09 /septembre /2017 11:18
Ni statue, ni avenue ! Bugeaud ? Une insulte permanente à l’émancipation des peuples et aux Algériens en particulier, et à la République qu’il a toujours combattue et haïe. Si scandale il y a, il n’est pas dans le fait d’exiger que ses statues disparaissent et que son nom soit effacé de l’avenue parisienne qui l’honore encore, mais dans l’existence même de ces hommages toujours rendus au bâtisseur sanglant de la France coloniale et à l’ennemi de l’égalité, de la liberté et de la fraternité.

A la mémoire de François Nadiras

A droite comme gauche, certains de ceux qui prétendent défendre vaillamment les valeurs républicaines se sont émus de la proposition faite par Louis-Georges Tin, président du Conseil représentatif des associations noires (Cran), de remplacer les « statues de la honte », notamment celles de Colbert à qui l’on doit le Code noir de 1685. Celui-là même qui a organisé juridiquement la traite et l’esclavage des « nègres » jusqu’à son abolition par décret de la Convention, le 4 février 1794, presque cinq ans après la glorieuse Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 août 1789). Singulières lenteurs, n’est-il pas ? Passons sur les atermoiements des révolutionnaires et sur les limites de leur décision, laquelle épargne les îles Mascareignes où les Noirs ont été maintenus dans les fers. Entre la défense des intérêts des colons et l’émancipation des esclaves, la République a tranché en faveur des premiers. Immarcescibles beautés de l’universel !

Après Colbert, le général Bugeaud ? Assurément. Elevé à la dignité de maréchal de France en juillet 1843, grâce aux “exploits” militaires qu’il a réalisés en Algérie, ce dernier est l’homme de la “pacification” de ce territoire où il fut nommé gouverneur général trois ans plutôt. Nomination saluée avec enthousiasme et emphase par Victor Hugo en personne qui écrit : « c’est la civilisation qui marche sur la barbarie (…). Nous sommes les Grecs du monde », « notre mission s’accomplit.[1] » Par des moyens singuliers, pour le moins. En effet, Bugeaud est le théoricien, et le praticien, d’une guerre qui doit être qualifiée de totale puisqu’elle débouche sur l’effondrement de deux distinctions majeures, liées entre elles et constitutive des guerres réglées, comme on les nomme alors. La distinction entre civils et militaires, destinée à préserver autant que faire se peut les premiers de la violence des combats, et celle entre sanctuaire et champ de bataille, indispensable pour permettre aux populations de trouver refuge en des lieux qui doivent être épargnés par les affrontements.

Tenus pour des ennemis non conventionnels, dès lors qu’ils sont réputés soutenir ceux qui, à l’instar de l’émir Abd El-Kader, résistent aux offensives de l’armée d’Afrique commandée par Bugeaud, les « indigènes » d’Algérie, hommes, femmes et enfants désarmés, peuvent être anéantis en certaines circonstances. Plus précisément, de telles pratiques s’inscrivent dans une stratégie de la terreur destinée à refouler les « Arabes » des terres sur lesquelles ils vivent. C’est cela que les contemporains nomment pacification. Elle est jugée indispensable à la colonisation effective du territoire par des Français et des Européens qui ne pourront s’y installer durablement que si la sécurité de leur personne et de leurs biens est assurée. Pour ce faire, les militaires déportent les populations civiles, torturent ceux qui n’ont pas été tués et ravagent le pays de façon méthodique.

Autre moyen de cette politique et de cette guerre totale ? Les enfumades recommandées par Bugeaud à ses officiers en des termes qui ne laissent aucun doute sur ce qu’ils doivent faire et sur le but poursuivi : la destruction physique des « indigènes » assimilés à des animaux nuisibles qu’il faut éliminer. « Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, fumez-les à outrance comme des renards », déclare le général aux officiers qui s’apprêtent à partir en mission. Saint-Arnaud, Montagnac et Pélissier, pour ne citer que ceux-là, se sont exécutés avec zèle en suivant le mode opératoire établi par leur chef. En particulier le colonel Pélissier qui, le 18 juin 1845, détruit une tribu entière – celle des Ouled Riah - dont les membres désarmés s’étaient réfugiés dans les grottes du Dahra, proches de Mostaganem. Bilan : sept cents morts, au moins.

A l’attention des esprits forts qui prétendent incarner les rigueurs de l’objectivité et de la science historique, et condamnent les anachronismes supposés de ceux qui tiennent de tels actes pour des crimes de guerre et/ou des crimes contre l’humanité, rappelons les paroles de Napoléon Joseph Ney, fils du célèbre maréchal et prince de la Moskowa. Précisons qu’ils ont été tenus dans l’ambiance feutrée de la Chambre des pairs qui, jusqu’à plus ample informé, ne fut pas le refuge de la radicalité politique sous la monarchie de Juillet. « Meurtre » commis avec « préméditation » sur « un ennemi sans défense » ; tels sont les propos de celui qui exige un démenti du gouvernement ou la condamnation des actes perpétrés et de leur auteur. Démentir ? Impossible, les faits sont établis et ils sont de notoriété publique. Désapprouver Pélissier ? Inconcevable, ce serait s’en prendre à Bugeaud en personne qui se mobilise immédiatement pour défendre son subordonné et menace de démissionner. Couvertes à Alger comme à Paris, les enfumades ont continué d’être employées et Pélissier d’être promu, y compris sous la Seconde République cependant que l’Empire le fera maréchal. Admirable carrière ! Ah que la France est généreuse pour ses brillants militaires.

Bugeaud : bourreau des « indigènes » algériens qu’il a soumis à une guerre totale, aux massacres, aux déportations, aux razzias et aux destructions parfois complètes d’oasis et de villages livrés aux flammes par ses armées ? Assurément. Ennemi de la République prêt à tout pour défendre Louis-Philippe et la monarchie de Juillet ? Pareillement. Nommé commandant des troupes de lignes et de la garde nationale aux premières heures de l’insurrection de février 1848, il déclare : « Eussé-je devant moi cinquante mille femmes et enfants, je mitraillerais. Il y aura de belles choses d’ici à demain matin.[2] » Mâles paroles prononcées par celui qui affirmait peu avant qu’il « n’avait jamais été battu » et que si on lui laissait « tirer le canon », l’ordre serait rétabli et les « factieux » vaincus.

La suite est connue. Les insurgés triomphent et le 24 février 1848, la République est proclamée. Vaincu, le maréchal ne renonce pas à combattre la « tyrannie de l’émeute » et les « novateurs barbares » qui conspirent contre « la nation française » mais il troque le sabre pour la plume, et rédige, en 1849, ce qui est sans doute l’un des premiers traités de la guerre contre-révolutionnaire en milieu urbain : De la Guerre des rues et des maisons[3]. Objectif de cet opuscule précis et circonstancié : penser à nouveaux frais, et à la lumière des dernières insurrections, la défense des villes en général et celle de Paris en particulier. Populeuse et donc dangereuse, la capitale doit être sanctuarisée et les lieux du pouvoir politique, militaire et financier protégés au plus vite. Quant à la guerre contre les ennemis intérieurs, il faut la mener sans répit pour les vaincre rapidement et éviter ainsi la propagation de l’émeute. Cela fait, des dispositions d’exception seront appliquées et « l’état de siège » proclamé afin de châtier les coupables et de tenir le reste de la population par la peur. Lumineux.

Bugeaud ? Une insulte permanente à l’émancipation des peuples et aux Algériens en particulier, et à la République qu’il a toujours combattue et haïe. Si scandale il y a, il n’est pas dans le fait d’exiger que ses statues disparaissent et que son nom soit effacé de l’avenue parisienne qui l’honore encore, mais dans l’existence même de ces hommages toujours rendus au bâtisseur sanglant de la France coloniale et à l’ennemi de l’égalité, de la liberté et de la fraternité. Responsables politiques nationaux et locaux, encore un effort. Vous voulez être fidèles au triptyque inscrit sur les bâtiments publics ? Agissez promptement pour mettre un terme à cette situation. Et dites les raisons de cette décision pour rappeler à toutes et à tous cette histoire écrite, certes, mais trop souvent tue ou délicatement euphémisée par les adeptologues du grand roman national.

  1. Le Cour Grandmaison, universitaire. Dernier ouvrage paru : L’Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies, Fayard, 2014.

 

 

[1]. V. Hugo, Choses vues 1830-1848, Gallimard, 1997, p. 168.

[2]. V. Hugo, Choses vues, 1830-1848, op. cit. , p. 619.

[3]. Maréchal Bugeaud, La Guerre des rues et des maisons, manuscrit présenté par M. Bouyssy, Paris, J-P. Rocher, Editeur, 1997.

 
 
-"Aujourd'hui aurais-tu vu la casquette du  père Collomb?" 
 
Observations sur les conditions d’accès au centre de la Porte de la Chapelle ,qui sont destinées à servir de témoignage sur la violence et l’arbitraire que subissent les exilé·e·s à l’entrée d’un dispositif inscrit dans un contexte de sous-dimensionnement structurel des solutions d’accueil.
Sans une véritable politique d’accueil dotée de moyens suffisants, les situations décrites sont amenées à se répéter si le « modèle CPA » est reproduit à l’identique [...]"
GISTI - Non, le centre « humanitaire » pour migrants de la porte de la Chapelle à Paris n’est pas un modèle [Actions collectives]
 

-Suite de l' Histoire:au  présent ,le genre,et au passé ,la restriction de la liberté de circulation

Écrire et penser le genre en contextes postcoloniaux

https://www.peterlang.com/view/product/79341?tab=toc&result=3&rskey=Mufbo2

 Anne Castaing and Élodie Gaden
À l’heure où se banalisent les discours féministes et, avec eux, une conception universelle de l’émancipation ; à l’heure où les questions de différence et d’intégration deviennent cruciales pour penser les sociétés contemporaines dans le Nord comme dans le Sud, il est urgent de conserver une réflexion dynamique sur la diversité comme sur l’hétérogénéité du genre et de ses formulations. Cet ouvrage propose donc une réflexion sur les corrélations et les négociations entre genre et nation (coloniale comme postcoloniale), sur la représentation fantasmé ... Lire la suite

"Restrictions à la liberté de circulation et condition des "indigènes "dans l'empire "

 

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11 août 2017 5 11 /08 /août /2017 08:59

L'avancée scientifique majeure sur la correction de gènes publiée hier dans la revue Nature n'aurait pas été possible sans une découverte capitale en génétique réalisée par une Française, il y a cinq ans : Crispr-Cas9. Autrement appelée «ciseaux à découper l'ADN», la technique Crispr-Cas9 (du nom d'un système immunitaire bactérien) a, en effet, été découverte en 2012 par Emmanuelle Charpentier. Cette microbiologiste, généticienne et biochimiste, en collaboration avec l'Américaine Jennifer Doudna, a mis au point des ciseaux constitués d'un brin d'ARN (de l'ADN à une seule branche) contenant une séquence qui va venir se fixer sur l'ADN à un endroit précis. Un enzyme (Cas9) va ensuite découper l'ADN. Le système permet alors d'inactiver un gène, le remplacer ou modifier son expression. La technique est non seulement révolutionnaire – elle a d'ailleurs reçu de nombreux prix – mais elle est aussi moins chère que tout ce qu'on utilisait jusqu'à présent.

Recréer des espèces disparues, soigner des maladies… ou créer des virus

Et surtout, elle dessine des développements génétiques fulgurants… et inquiétants. Alors que Crispr-Cas9 est utilisé par quelque 3 000 laboratoires dans le monde, certains chercheurs imaginent déjà pouvoir recréer des espèces disparues en combinant leur ADN congelé avec l'ADN d'une espèce proche, par exemple recréer un mammouth à partir d'un éléphant… Certaines sociétés génétiques sont d'ailleurs passées à la pratique en créant des vaches sans cornes aux États-Unis ou en améliorant la vision de rats atteints d'une forme de cécité.

Ces modifications génétiques, qui vont bien au-delà de ce que l'on fait pour les OGM, soulèvent bien sûr d'importantes questions éthiques. Le 25 décembre dernier, 170 organisations ont lancé un appel commun en faveur d'un moratoire mondial sur le forçage génétique obtenu par génie génétique. Peut-être en pure perte car la technologie est déjà disponible pour le grand public qui peut acquérir des kits Crispr sur internet et modifier à domicile une bactérie. Une activité de biohacking inoffensive ... ou dangereuse si des personnes mal intentionnées voulaient créer un virus. C'est la raison pour laquelle Crispr-Cas9, formidable avancée scientifique, a été rangée par la CIA dans la catégorie… des armes de destruction massive.

Le Conseil national consultatif pour la biosécurité estime que les avancées sur la synthèse de génomes pourraient servir des intentions belliqueuses.

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 07.02.2017  Par Hervé Morin

 

Il y a tout juste un an, James R. Clapper, directeur du renseignement américain, classait les nouveaux outils d’édition du génome parmi les « armes de destruction massive ». S’il n’était pas nommément cité dans le rapport annuel sur les menaces mondiales, le système Crispr-Cas9 était clairement dans sa ligne de mire : dérivé d’un mécanisme de protection des bactéries contre les virus, il a, depuis sa découverte en 2012, envahi quasiment tous les laboratoires de biomédecine, où il est utilisé pour désactiver et modifier des gènes à volonté, rapidement et à moindre coût.

Révolutionnaire, Crispr-Cas9 pourrait-il vraiment devenir, dans de mauvaises mains, une arme de destruction massive ? En France, le Conseil national consultatif pour la biosécurité (CNCB) ne le pense pas. Créé en 2015 pour réfléchir aux détournements d’outils biologiques à des fins belliqueuses ou terroristes, le CNCB vient de remettre au gouvernement un rapport sur le sujet qui restera classifié mais dont les conclusions et les recommandations ont été rendues publiques mardi 7 février.

« Notre avis est assez différent de celui des services secrets américains, souligne le microbiologiste Antoine Danchin, qui a coordonné le rapport. Crispr-Cas9 n’est rien d’autre qu’une amélioration de techniques disponibles depuis des décennies. De plus, c’est intéressant pour manipuler les cellules eucaryotes [dotées d’un noyau], mais cela n’accroît pas le risque concernant les micro-organismes pathogènes – virus ou bactéries. »

En revanche, le CNCB s’inquiète des progrès de la biologie de synthèse, qui permet de reconstituer des génomes et « pose la question de la possibilité de recréer de novo des micro-organismes déjà existants dans la nature, notamment des virus (…) qui pourraient présenter de réels risques pour la sécurité sanitaire des populations ». « On ne peut pas dire qu’une maladie est éradiquée dès lors que le génome de l’agent est connu », résume Antoine Danchin : il est désormais possible de reconstituer de toutes pièces le génome qui peut assurer sa renaissance.

Plusieurs parades ont été imaginées, rappelle-t-on au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), où on souligne que la réponse ne peut être qu’« universelle ». Quarante-deux Etats se sont ainsi associés, formant le Groupe Australie, par exemple, pour contrôler l’exportation d’équipements biologiques sensibles. Les synthétiseurs de gènes devraient prochainement en faire partie. Mais ni la Russie ni la Chine ne participent au Groupe Australie.

Risques de détournement des travaux

Autre initiative, l’International Gene Synthesis Consortium (IGSC), qui rassemble 80 % des sociétés offrant des services de synthèse de gènes : elles contrôlent systématiquement que les commandes ne comportent pas d’éléments permettant de reconstituer des agents pathogènes. Ce qui laisse 20 % du marché potentiellement ouvert à de tels détournements… Même si la France ne compte aucun industriel faisant de la synthèse à façon de gènes, le CNCB appuie ces stratégies. Il souhaite aussi que les requêtes des bases de données publiques et privées répertoriant les séquences d’agents pathogènes fassent l’objet d’une surveillance automatisée.

Philippe Marlière, spécialiste de la biologie de synthèse, doute de l’efficacité de tels embargos face à la volonté d’Etats voyous. « La fabrication de segments d’ADN peut s’effectuer sans synthétiseurs, dit-il. Kim Jong-un pourrait ordonner à une armée souterraine de laborantins la synthèse totale d’une version “anti-impérialiste” du virus HIV en une année, par exemple. » La prolifération nucléique serait plus difficile à contrôler que la prolifération nucléaire

Philippe Marlière pointe aussi le rôle de Crispr-Cas9 dans la mise en œuvre effective du « forçage génétique », qui permettrait d’introduire dans une espèce une modification permanente et transmissible. « Des initiatives d’interventions génétiques par des bio-hackers pourraient déjà commencer », estime-t-il, même si elles nécessiteraient une logistique lourde, d’élevage notamment. Plusieurs programmes de recherche officiels portent actuellement sur l’éradication du moustique, vecteur de nombreuses maladies, mais on mesure mal les conséquences de sa disparition au niveau d’un écosystème. Le CNCB estime que « cette capacité pose de nombreuses questions éthiques » et travaille sur ces questions en liaison avec le Haut conseil des biotechnologies (HCB).

Lire aussi :   Bioingénierie : un appel contre le « forçage génétique »

Chapeauté par le SGDSN, le CNCB est composé de six chercheurs habilités secret-défense et de six représentants de ministères régaliens. Sa naissance a été « un long périple », rappelle le neurobiologiste Henri Korn, coauteur en 2008 d’un rapport à l’Académie des sciences, Les Menaces biologiques. Biosécurité et responsabilité des scientifiques, qui a inspiré sa création. Le sous-titre sur la responsabilité est toujours d’actualité : la prochaine mission du CNCB, indique-t-on au SGDSN, « sera de mettre en place une charte déontologique des chercheurs, qui soulignera le risque de détournement de leurs travaux ». La Direction générale de la sécurité intérieure a entamé des actions de sensibilisation des jeunes chercheurs et des laboratoires « communautaires ». Les logiques de transparence et de secret risquent de s’affronter. « A titre personnel, insiste Antoine Danchin, je suis convaincu que toute vérité n’est pas bonne à dire. Que si on découvre une technologie qui peut être détournée, une forme d’autocensure est utile. »

-Article complémentaire d'Inf'OGM:

 
 

Le coordinateur déjà le premier en 2013 à créer des cellules souches humaines par clonage

Ce succès, le professeur Shoukhrat Mitalipov, de l'Oregon Health and Science, peut s'en prévaloir. Coordinateur de cette équipe, ce chercheur d'origine kazakh n'est pas un inconnu, loin de là, dans le domaine de la recherche biomédicale, précise le quotidien espagnol ABC. Il a été le premier en 2013 à créer des cellules souches humaines par clonage, en utilisant la même technique que celle qui avait permis de mettre au monde la célèbre brebis Dolly, en 1996. Sauf. Sauf qu'il ne s'agit pas de clonage reproductif, mais de clonage thérapeutique.

 

Mais, surgissent les questions éthiques

C'est pourquoi il est important de préciser qu'il n'est pas encore question d'implanter un embryon modifié dans un utérus. Il ne s'agissait que d'une expérience scientifique pour prouver que c'est possible. D'ailleurs, les scientifiques n'ont pas laissé ces embryons se développer au-delà de quelques jours seulement. Le Huffington Post résume la problématique : "Si cette technique peut permettre de corriger des gènes défectueux responsables de la maladie, elle pourrait aussi, théoriquement, produire des bébés dotés de certains traits physiques : couleur des yeux, force musculaire et aussi plus intelligents."

Ce qui ouvre bien sûr la porte sur le sombre corridor de l'eugénisme, l'amélioration artificielle du patrimoine génétique des individus. Entre 2015 et mars dernier, l'évolution de la position de l'Académie américaine des Sciences est tout à fait significative. Elle estimait il y a encore deux ans qu'il serait "irresponsable" d'utiliser cette technique Crispr, tant que les problèmes de sûreté, d'efficacité, n'auraient pas été résolus. Eh bien, changement de cap il y a six mois à peine : elle estime maintenant que les avancées réalisées dans cette technique "ouvrent des possibilités réalistes qui méritent de sérieuses considérations". Position d'ailleurs partagée par un rapport parlementaire en France.

Interrogé par la revue Nature, le biologiste britannique Robin Lovell-Badge estime lui que l'expérience américaine ne constitue pas une étape vers la création du bébé à la carte. Il suggère plutôt que l'on ne peut rien ajouter qui ne soit déjà là. Des propos qui se veulent rassurants.

La France craint une utilisation malveillante des nouveaux OGM

Le Conseil national consultatif pour la biosécurité (CNCB), mis en place en 2015 par le gouvernement français, vient de publier un rapport classé « secret défense » dans lequel il estime que les nouveaux outils de modification génétique, comme le fameux Crispr/Cas9, sont une menace réelle pour la sécurité nationale.

Créé en 2015, le Conseil national consultatif pour la biosécurité (CNCB) [1] a « pour mission de réfléchir aux détournements possibles d’usages des sciences du vivant et aux moyens de s’en prémunir, (…) il effectuera des travaux de prospective et de veille sur les recherches à caractère dual dans le domaine des sciences de la vie, il proposera des mesures propres à assurer la prévention et la détection d’éventuelles menaces (...), et formulera des recommandations visant à s’assurer que les progrès des sciences biologiques ne soient pas générateurs de nouvelles menaces » [2].

Ce Conseil réunit le Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, des personnalités scientifiques qualifiées proposées par l’Académie des sciences, des hauts fonctionnaires des ministères des Affaires étrangères, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, de la Santé, de la Défense et de l’Intérieur. Ceci est considéré comme « une structure unique dans le paysage français : pour la première fois, un conseil à vocation stratégique réunit en effet des personnalités scientifiques et des hauts fonctionnaires de l’État ». Les scientifiques en charge de l’utilisation de ces techniques, qui en vivent, sont-ils les meilleurs garde-fous pour la société ?

Aux États-Unis, le chef du renseignement, James R. Clapper, a inclus pour la première fois, dans un rapport publié en février 2016 consacré notamment aux armes de destruction massive, les nouvelles technologies de modification génétique : « La recherche sur [ces nouvelles techniques] effectuée par des pays ayant des normes réglementaires ou éthiques différentes de celles des pays occidentaux augmente probablement le risque de création d’agents ou de produits biologiques potentiellement dangereux. Compte tenu de la large distribution, du faible coût et du rythme accéléré de développement de cette technologie à double usage, son utilisation délibérée ou non intentionnelle pourrait entraîner des conséquences importantes sur le plan de la sécurité économique et nationale ». James Clapper ne nomme pas dans ce rapport spécifiquement la technologie Crispr/Cas9.

Même s’il cite nommément la technologie Crispr/Cas9, le CNCB est un peu plus réservé. Dans un communiqué de presse publié le 7 février 2017, on peut en effet lire que « Crispr/Cas9 est un nouvel outil de biologie moléculaire qui, certes facilite et accélère la manipulation des génomes, et particulièrement des génomes des cellules dotées d’un noyau, mais qui, en l’état de l’art, ne permet pas d’accroître fondamentalement le risque de prolifération d’armes biologiques. Il ne constitue donc pas à cet égard un saut technologique susceptible de générer de nouvelles menaces ». Autrement dit, pour le CNCB, Crispr/Cas9 n’est rien d’autre qu’une amélioration de techniques disponibles depuis des décennies. Crispr/Cas9 n’augmente pas le risque par rapport aux anciennes biotechnologies mais ce risque peut se produire plus facilement et à moindre coût. Et donc d’une certain façon, il peut aussi se produire plus fréquemment.

La mission du CNCB, définie par l’article 1 du décret, est très large : « éclairer les pouvoirs publics, la communauté scientifique et la population sur les enjeux de sécurité, les bénéfices et les risques que présentent les progrès de la recherche en sciences de la vie ». Des missions proches de celles du Haut conseil des biotechnologies (HCB). Interrogée par Inf’OGM, Christine Noiville, présidente du HCB nous répond : « De façon à articuler au mieux les missions du HCB et celles de ce Conseil, j’ai rencontré, avec Nils Braun (en charge au HCB des questions de biosécurité et de biosûreté), Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Ce dernier m’a « rassurée » sur les missions du CNCB qui seront restreintes à la biosécurité, au bioterrorisme, à la sécurité de l’État. Le HCB peut aussi travailler sur ces thèmes-là, rien ne nous l’interdit formellement, mais étant donnés les nombreux travaux en cours, nous n’allons pas élargir le spectre actuel de nos missions ». Christine Noiville nous précise aussi que Nils Braun a été mandaté par le HCB pour travailler avec le CNCB sur le rapport évoqué dans cet article, et de conclure « nous ne sommes pas concurrents, mais complémentaires ».

La sécurité sanitaire des populations en jeu

Mais derrière Crispr/Cas9, d’autres évolutions techniques se profilent, comme la biologie synthétique et le forçage génétique. Dans un rapport du CNCB, rendu en partie public le 7 février 2017 [3], la biologie de synthèse, qui permet de créer des génomes artificiels, « pose la question de la possibilité de recréer (...) des virus », ce qui représente un risque réel pour la sécurité sanitaire des populations.

Même son de cloche au HCB. Sa présidente Christine Noiville nous précise que , « à trop mettre le projecteur sur Crispr, on risque d’oublier les autres techniques, les autres questions ». Elle considère, elle aussi, que la biologie de synthèse semble plus facilement utilisable par des personnes ou des États malveillants que Crispr/Cas9 dont la mise en œuvre n’est pas « si simple que ça ».

Signe que cette technologie suscite aussi des débats au niveau international : la biologie de synthèse a été évoquée lors de la COP13 de la Convention sur le Diversité Biologique (CDB). Elle a fait l’objet d’une décision (XIII/17) [4] qui nous apprend entre autres qu’un groupe d’experts ad hoc avait été constitué pour se pencher sur la question (celui-ci a proposé une définition de la biologie de synthèse). Dans la décision, on peut aussi lire que la COP constate qu’en l’état, il n’est pas clair si les organismes de biologie de synthèse sont des Organismes vivants modifiés (OVM) au sens du Protocole de Carthagène et note qu’il y a des cas où le consensus n’existe pas sur le fait qu’un produit issu de la biologie de synthèse est « vivant » ou non.

Le CNCB souligne donc que « l’amélioration des techniques de construction de génomes par biologie de synthèse pose la question de la possibilité de recréer de novo des microorganismes déjà existants dans la nature, notamment des virus dont la virulence et la contagiosité pourraient présenter de réels risques pour la sécurité sanitaire des populations. (...) À cet égard, le développement de nouvelles technologies dans le domaine de la synthèse de l’ADN et la multiplication des sociétés privées maîtrisant ces technologies pour produire « à façon » des gènes de synthèse, pose une vraie question de sûreté et de prolifération potentielle ».

Quant au forçage génétique, « technique visant à obtenir chez une espèce vivante, une modification génétique permanente et transmissible », le CNCB reconnaît qu’il « pose de nombreuses questions éthiques, notamment sur la transmission des patrimoines génétiques et le maintien de la diversité biologique ».

Réduire les risques sans nuire à la compétitivité française

Pour le CNCB, face à cette menace, les États ne peuvent compter que sur une auto-régulation, à l’instar de l’International Gene Synthesis Consortium (IGSC) qui regroupe 80 % des entreprises impliquées dans la biologie de synthèse. Une parade somme toute légère.

Le but du CNCB « n’est (...) pas de régenter la recherche, mais d’accompagner son développement et de prévenir ses éventuelles retombées nocives ». Les recommandations sur la biologie de synthèse « visent à la prévention des risques liés à ce champ de recherche, tout en évitant l’adoption d’un cadre trop contraignant qui nuirait à la compétitivité des laboratoires français ».

Pour le CNCB, comme l’a rappelé Louis Gautier dans son allocution à l’Académie des sciences [5], « les bénéfices des avancées récentes dans le domaine des sciences de la vie sont indiscutables, notamment en termes d’environnement et de santé publique − meilleure compréhension d’une maladie, amélioration de la qualité de vie (…) [même si] ces progrès peuvent s’accompagner de risques résultants soit d’une dissémination accidentelle, soit d’un détournement d’usage des micro-organismes ».

-Après ce qui précède l'administration du blog  met en ligne ce lien vers UN TEXTE DE PMO ,qui fait un point sur  le thème approchant des nécro technologies  de l'Homme augmenté, suivit d'un autre lien qui redirige vers   des praticiens qui prétendrait expliquer comment l'éthique médicale va gérer cette nouvelle ère :Parution du Manifeste des Chimpanzés du futur contre le transhumanisme, début septembre 2017 France Inter soutient les inhumains  et sur fréquence médicale ,
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29 juin 2017 4 29 /06 /juin /2017 12:50
C'est il y a 23 ans qu'en juin 1994 l'investissement privé,main dans la main avec le  gouvernement socialiste, fut complice d'un génocide d'africains!

 

La revue «XXI» met une nouvelle fois en cause la France pour son rôle au Rwanda lors du génocide de 1994. Selon cette publication, une note signée d’Hubert Védrine, Secrétaire général de l’Elysée à l’époque, confirmerait le réarmement des tueurs après leur mise en déroute. Des révélations qui interviennent au moment où l’ancien chef de la diplomatie refait surface sur la scène politique.


Dans sa dernière livraison parue le 28 juin 2017, la revue XXI publie une enquête mettant une nouvelle fois en cause le rôle de la France au Rwanda au moment du génocide des Tutsis (et Hutus modérés) en 1994.

Une note d'Hubert Védrine: «S'en tenir aux directives fixées» 
Selon le journaliste Patrick de Saint-Exupéry, un haut fonctionnaire chargé d’examiner les archives de l’Elysée de 1990 à 1994 affirme que les autorités françaises ont bien donné l’ordre de réarmer les auteurs du massacre alors que ces derniers venaient d’être mis en déroute par le Front patriotique rwandais (FPR).
 
Dans son article intitulé «Réarmez-les», le cofondateur de la revue explique que le fonctionnaire anonyme, qui a eu accès aux archives au moment de leur ouverture par François Hollande en 2015, évoque un document faisant état d’une fronde de certains militaires français contre la décision des autorités françaises de réarmer les génocidaires.
 
C'est-à-dire les Hutus qui, repoussés par la progression des troupes du FPR de Paul Kagamé, tentaient de se réfugier dans l’ex-Zaïre.
 
En marge de ce document et concernant le trouble de ces militaires, une note manuscrite d’Hubert Védrine insistait sur la nécessité de «s’en tenir aux directives fixées».
 
Une mise en cause nominative de celui qui était à l’époque Secrétaire général de l’Elysée jusqu’au départ de François Mitterrand en 1995.
 
Ce n’est pas la première fois que celui qui allait devenir également chef de la diplomatie française sous la présidence de Jacques Chirac dans le gouvernement de cohabitation de Lionel Jospin est épinglé sur ce sujet.

Le démenti du Général Lafourcade, commandant de l'opération Turquoise 
Selon le spécialiste du Rwanda Jacques Morel, cité par le quotidien Libération, on retrouve la signature de Védrine en bas d’une note sur une dépêche de l’agence Reuters datée du 15 juillet 1994.
 
La dépêche était titrée: «Paris prêt à arrêter les membres du gouvernement intérimaire rwandais.» Ceux qui avaient orchestré le génocide et qui s’étaient repliés dans les zones sous contrôle français.
 
En marge de la dépêche, Hubert Védrine avait écrit: «Lecture du Président: ce n’est pas ce qui a été dit chez le Premier ministre.»
 
A l’appui des révélations de la revue XXI, un ancien militaire engagé dans l’opération française au Rwanda raconte à RFI qu’au début du mois de juillet, donc à la fin du génocide, on lui a demandé de distraire des journalistes présents sur sa base militaire, le temps de laisser passer un convoi d’armes vers la frontière congolaise.
 
Face à la nouvelle salve de XXI, l’ancien chef de la diplomatie française n’a pas souhaité s’exprimer. En revanche, le Général Lafourcade, commandant de l’opération Turquoise au Rwanda entre juin et août 1994, a démenti formellement avoir reçu les directives dénoncées par Patrick de Saint Exupéry.
 
Dans un communiqué publié par Mediapart, le général Lafourcade affirme n’avoir «jamais reçu d’ordre de quiconque, ni écrit ni oral, de livrer des armes à des personnes génocidaires».
 
«Aucune livraison d’armes n’est intervenue pendant l’opération Turquoise auprès de qui que ce soit, les militaires français ayant parfaitement respecté leur devoir de neutralité et leur mission de mettre fin au génocide, conformément au mandat de la résolution 929 de l’ONU», dit encore le Général Lafourcade dans son communiqué.

Une source d'inspiration pour Emmanuel Macron 
Démenti également de la part de Paul Quilès, ancien ministre socialiste de la Défense, qui avait dirigé la mission parlementaire sur le Rwanda. Cité par RFI, il assure n’avoir jamais vu de tels documents et s’interroge sur la fiabilité du témoignage de ce haut fonctionnaire dont on ne connaît pas le nom.
 
L’offensive de la revue contre Hubert Védrine, qui s’est déjà exprimé sur ces questions devant la Commission de défense de l’Assemblée nationale en avril 2014, intervient au moment où l’ancien Secrétaire général de l’Elysée semble refaire surface dans la vie politique française.
 
Président de l’Institut François Mitterrand depuis 2003, il bénéficierait d’une écoute attentive du président Emmanuel Macron, encore en rodage sur la vie politique internationale. Partisan pour l’Europe de s’asseoir autour d’une table avec la Russie, Hubert Védrine serait même source d’inspiration pour le jeune président français dans son virage sur la situation en Syrie.

 
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31 janvier 2017 2 31 /01 /janvier /2017 11:53

Populations « indigènes » soumises au travail forcé, dispositions racistes et d’exception – codes de l’indigénat, internement administratif, responsabilité collective, etc… - imposées aux colonisés qui, dans leur écrasante majorité, n’étaient pas considérés comme des citoyens mais comme des « sujets français » jusqu’à la Libération, déportations, exécutions sommaires et massacres ; autant de pratiques qui ont été constitutives de la construction et de la défense de l’empire colonial français. Les massacres de Thiaroye au Sénégal (décembre 1944), ceux de Sétif, Guelma et Kherrata en Algérie, qui débutent le 8 mai 1945 et leurs dizaines de milliers de morts, en témoignent sinistrement.

 

Il y a soixante-dix ans, au mois de mars 1947, la guerre d’Indochine et l’insurrection malgache débutaient. Le 1er novembre 1954, un conflit long et sanglant commençait en Algérie. Entre 1945 et 1962, la France a donc été presque constamment engagée dans des opérations militaires coloniales qui se sont soldées par près d’un million de morts. N’oublions pas la guerre longtemps occultée menée au Cameroun (1955-1971) et les répressions sanglantes des militants guadeloupéens et kanaks.

 

Si la loi Taubira et les initiatives de la société civile ont permis un début de reconnaissance sociale et politique de l’esclavage et de la traite négrière, il n’en est pas de même pour les crimes commis avant ou après la Seconde Guerre mondiale. Cette situation est inacceptable, car elle ajoute aux massacres, l’outrage aux victimes, à leurs descendants et leurs proches. 

 

Aussi, nous demandons aux plus hautes autorités de l’Etat et aux candidat-e-s à l’élection présidentielle qu’ils se prononcent pour la création d’un lieu du souvenir à la mémoire de celles et ceux qui furent assassinés, l’ouverture de toutes les archives relatives à ces différents événements et la reconnaissance de ces crimes de guerre et de ces crimes d’Etat. C’est ainsi que justice sera rendue aux héritiers de l’immigration coloniale et post-coloniale, et que les discriminations mémorielles qui les affectent toujours pourront être combattues. Enfin, de tels actes permettront à tous les Français-e-s de mieux connaître cette histoire singulière.

 

Achcar, Gilbert, sociologue. Alacarz, Nadia, écrivaine. Amar, Habib, écrivain. Aminot. Louis, co-président de Nautilus21. Aouina, Hamadi, artiste groupe Zyriab. Badie, Bertrand, politiste. Bantigny, Ludivine, historienne. Barbier, Michèle, présidente de la LDH Saint-Pons Hauts Cantons. Bavais, Francine, citoyenne du monde. Benaissa, Yourid, syndicaliste. Benatouil, Maxime, co-président de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP). Bennaï, Farid, membre du réseau Reprenons l’initiative contre les politiques de racialisation. Besancenot, Olivier, porte-parole du NPA. Bihr, Alain, sociologue. Bouamama, Saïd, sociologue et membre du FUIQP. Bouffartigue, Maylis, directrice de la Compagnie Monsieur Madame. Bouillon, Florence, sociologue. Boumediene, Alima, avocate. Braun, Henri, avocat. Briant, Jo, militant associatif. Brossat, Ian, PCF, maire-adjoint et élu du 18e arrondissement. Brossat, Alain, philosophe. Bruley, Bernard, (Fédération Anarchiste). Brun, François, militant NPA. Brunet, Philippe, sociologue. Boutault, Jacques, maire du 2e arrondissement de Paris, (Eelv). Candas, Viviane, cinéaste. Charansonnet, Alexis, historien. Clerval, Anne, géographe. Cluzel, Agnès, Mrap. Combes, Maxime, économiste, membre d’ATTAC-France. Cours-Salies, Pierre, sociologue. Daeninckx, Didier, écrivain. Dayan-Herzbrun, Sonia, sociologue. Desjardin, Alain, président de l’association Anciens Appelés en Algérie et leurs Amis Contre la Guerre (4ACG). Delphy, Christine, sociologue. Deltombe, Thomas, éditeur. Djardem, Fafia, psychanalyste. Domergue, Manuel, chercheur. Dreano, Bernard, président du CEDETIM. El Korso, Mohamed, professeur des Universités, (Algérie). Epsztajn, Didier, animateur du blog Entre les lignes. Entre les mots. Esquerre, Laurent, Alternative Libertaire. Farbiaz. Patrick Sortir du Colonialisme (SDC). Fassin, Eric, sociologue. Favre, Jean-Louis. Furon, Ferial, présidente de l’association Franco-Algériens Républicains Rassemblés (FARR). Ganem, Valérie, universitaire. Garcia, Marcela, sociologue. Gassa, Amelle, maire-adjointe en charge des affaires juridiques (Givors). Gaudichaud, Franck, historien. Geffrouais, Romain, enseignant d’histoire-géographie, Sud-Education, membre du BN du GFEN. Genestet, Vincent, consultant retraité. Gèze, François, éditeur. Grosdoy, Augustin, co-président du MRAP. Guichard, Serge, membre de l’Association de Soutien en Essonne aux Familles Roms. Hayat, Samuel, politiste. Hakima Houari, membre de l’association Malcom X. Hazemann, Yves, historien et journaliste. Hedna, Toufik, président de l’association Les Amis de l’Algérie (Rennes). Houdy, Philippe, physicien. Ivekovic, Rada, philosophe, Johsua, Samy, élu Front de Gauche, (Marseille). Journard, Robert, chercheur. Kahoul, Yamina, maire-adjointe au développement économique (Givors). Kaki, Mhamed, président de l’association Les Oranges. Khalfa, Pierre, co-président de la Fondation Copernic. Kipfer, Stefan, universitaire. Kodjo-Granvaux, Séverine, philosophe. Kupferstein, Daniel, réalisateur. Laffitte, Roland, chercheur indépendant. Lahmer, Annie, conseillère régionale Ile-de-France (Eelv). Laidoudi, Fahima, militante des Réseaux Interventions Réflexions Quartiers Populaires (RIRQP). Lallaoui, Mehdi, réalisateur. Lavignotte, Stéphane, théologien. Le Bigot, Brenda, géographe, Sud-Education. Le Cour Grandmaison, Olivier, universitaire. Le Maulf, Noëlle, conseillère municipale, Ville d’Ifs. Le Mignot, Renée, co-présidente du MRAP. Lesage, Jean-Yves, animateur du blog des Communistes libertaires de la CGT. Lowy, Elise, membre du bureau exécutif d’Eelv, déléguée aux relations internationales. Luste Boulbina, Seloua, philosophe. Maherzi, Aïcha, universitaire. Mahieux, Christian, cheminot syndicaliste. Mamère, Noël, député. Marlière, Philippe, politiste. Martelli, Roger, historien, co-directeur de Regards. Massiah, Gustavo, économiste. Mbembe, Achille, historien. Messaoudi, Samia, journaliste et responsable Au nom de la Mémoire. Meyer, Jean-Claude, membre du bureau national de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP). Meynier, Gilbert, historien. Mikou, Noufissa, universitaire retraitée. Monsillon, Gilles, Ensemble. Monville-De Cecco, Bénédicte, conseillère régionale Ile-de-France (Eelv). Morillas, Cindy, politiste. Nahori, Michèle, pédiatre. Natanson, Dominique, co-président de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP). Omani, Rania, artiste peintre. Oussedik, Fatma, sociologue. Pape, Elise, sociologue. Passevant, Christiane, Radio Libertaire. Pelletier, Willy, coordinateur général de la Fondation Copernic. Perreau Bezouille, Gérard, premier adjoint honoraire (Nanterre). Pfefferkorn, Roland, sociologue. Poupin, Christine, porte-parole du NPA. Prémel, Gérard, écrivain. Quintal, Yves, président de Egalité-Toulouse Mirail 31 et de Ecoles Tiers-Mondes 46. Raharimanana, Jean-Luc, écrivain. Riceputi, Fabrice, historien. Riot-Sarcey, Michèle, historienne. Rosevègue, André, UJFP Aquitaine. Rousset, Pierre, Europe Solidaire Sans Frontière (ESSF). Ruscio, Alain, historien. Sala-Molins, Lluis, professeur émérite de philosophie politique. Salakdji, Abdelhamid, président de la Fondation du 8 mai 1945 (Algérie). Salem, Jean, philosophe. Samary, Catherine, économiste. Senari, Ali, conseiller municipal (Givors). Sibony, Michèle, Union Juive Française pour la Paix (UJFP). P. Silberstein, Patrick, éditeur. Soncin, Jacques, journaliste, président de Fréquence Paris Plurielle (FPP). Spensky, Martine, historienne. Taraud, Christelle, historienne. Tarrit, Fabrice, co-président de Survie. Tatsitsa, Jacob, historien. Tin, Louis-Georges, président du CRAN. Tobner, Odile. Toulouse, Rémy, éditeur. Vanhoove, Jean-Paul, retraité. Vermeren, Pauline, philosophe. Vianna, Pedro, écrivain. Vollaire, Christiane, philosophe. Zemor, Olivia, présidente de CAPJO-EuroPalestine. Zimmer, Alfred, Mrap Strasbourg.

-Autres crimes;

 

Le Monde · Il y a 20 heures

 

La Vie des Idées ·

À propos de : Barak Kushner, Men to Devils, Devils to Men : Japanese War Crimes and Chinese Justice, Harvard University Press


par Victor Louzon , le 30 janvier

Comment la Chine a-t-elle conduit les procès des criminels de guerre japonais sur son territoire après 1945 ? Barak Kushner offre un éclairage nouveau sur les crimes de guerre du Japon impérial et le révisionnisme japonais, au centre de vives querelles mémorielles entre Pékin et Tokyo.

 
Recensé : Barak Kushner, Men to Devils, Devils to Men : Japanese War Crimes and Chinese Justice, Harvard, Harvard University Press, 2015.

Men to Devils, Devils to Men : Japanese War Crimes and Chinese Justice est le dernier livre de Barak Kushner, qui enseigne l’histoire de l’Asie orientale à Cambridge. Il traite des procès de criminels de guerre japonais tenus en Chine de 1946 à 1949, méconnus en Occident et presque autant en Asie, où ils ont été éclipsés par le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient (le « procès de Tokyo ») et la guerre civile chinoise (1946-1949).

La lente acceptation du droit international et les procès « BC »

Le procès de Tokyo, organisé par les Alliés – en pratique, essentiellement les Américains – visait en priorité les responsables japonais accusés de « crimes contre la paix » (ou de classe A), c’est-à-dire d’avoir fomenté une guerre d’agression. Cette catégorie se limitait par définition à une poignée de décideurs : 28 accusés, dont Tōjō Hideki est resté le plus célèbre, furent jugés à Tokyo, la plupart pour crimes de classe A. Beaucoup plus nombreux, car subalternes, étaient les criminels de classes B (crimes de guerre) et C (crimes contre l’humanité). Cette dernière catégorie avait été créée pour le tribunal de Nuremberg, le droit existant ne contenant aucune disposition propre à juger les pratiques génocidaires nazies. Les militaires japonais n’ayant pas entrepris d’extermination stricto sensu, c’est sous la rubrique générale « BC » que 5700 d’entre eux furent jugés.

La publicité qui entoura les jugements pour crimes de classe A relégua dès le départ les procès de classe BC à l’arrière-plan de la conscience collective. C’est regrettable, en raison de la gravité des faits qui y furent jugés mais aussi des acteurs impliqués. En effet, si les « crimes contre la paix » ne furent jugés qu’à Tokyo, des procès BC furent organisés en quarante-neuf lieux d’Asie par les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Australie et la France, mais également deux pays asiatiques, les Philippines et la Chine. La Chine, c’est-à-dire le régime du Guomindang, qui fit passer 883 Japonais en jugement, en déclara 355 coupables et en exécuta 149.

Les procès BC peuvent être considérés comme la première mondialisation effective de la poursuite des criminels de guerre – bien davantage que le procès de Tokyo, où les Chinois jouèrent un rôle marginal. Le Tribunal militaire pour l’Extrême-Orient, international sur le papier, était en réalité sous la domination sans partage des États-Unis. En dehors des sentences prononcées contre les responsables de la guerre japonaise, présentée (à tort) comme un plan de conquête du monde, une attention disproportionnée fut accordée aux crimes commis contre les prisonniers de guerre occidentaux. Seuls deux coupables furent mis à mort pour les exactions de l’Armée impériale en Chine, pourtant de bien plus grande ampleur : Doihara Kenji pour ses responsabilités en Chine du Nord et Matsui Iwane pour son rôle dans le massacre de Nankin (hiver 1937-1938). Le procès de Tokyo contribua ainsi à une mémoire mondiale du conflit en Orient centrée sur la « guerre du Pacifique » (1941-1945), inaugurant un long oubli occidental – et dans une certaine mesure japonais – du théâtre chinois. L’ouvrage de Barak Kushner s’inscrit dans un renouvellement historiographique global qui vise à lui restituer sa centralité.

La deuxième raison pour laquelle Tokyo fut une occasion manquée pour la Chine tient à la piètre performance de ses représentants. L’idée de poursuivre en justice des responsables des forces de l’Axe, d’abord proposée par les gouvernements polonais et tchèque en exil à Londres en 1943, intéressa d’emblée le gouvernement de Chiang Kai-chek réfugié à Chongqing. Mais celui-ci, croyant à une simple opération de propagande, ne constitua pas ses preuves avec la rigueur nécessaire. Les juristes chinois présentèrent donc à Tokyo un réquisitoire mal étayé qui détruisit leur crédibilité. Leur manque de préparation tenait également pour partie à la méfiance entourant en Chine le droit international, qui y avait longtemps été instrumentalisé par les puissances impérialistes pour limiter la souveraineté du pays.

Pour la République de Chine, enfin pleinement souveraine, les procès BC furent donc une session de rattrapage, même si elle dut se contenter des criminels que les Américains avaient bien voulu lui laisser. On aurait tort, sachant le Guomindang condamné à court terme, de considérer l’entreprise comme dérisoire. Les tares du régime étaient incontestables, mais sa défaite était loin d’être courue d’avance en 1946. En outre, et surtout, les procès de criminels de guerre qu’il organisa importaient moins par leur issue que par leur symbolisme politique. La modernisation du droit – son alignement sur les normes promues, sinon respectées, par les puissances occidentales – était un enjeu majeur pour les nationalistes chinois, ne serait-ce que parce qu’elle conditionnait l’abolition des privilèges légaux arrachés par les puissances impérialistes. La participation du Guomindang aux procès BC s’inscrivait donc un effort de mise à niveau par rapport aux « nations civilisées ». L’appartenance de la Chine à ce cercle fermé, théoriquement acceptée par les Alliés – son siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU en témoignait – était en réalité contestée dans les milieux dirigeants occidentaux. Nankin devait faire ses preuves.

Quête de légitimité et compromission du Guomindang

Juger les criminels de guerre japonais permettait également au régime d’étayer sa légitimité intérieure. Dans la Chine de 1946, plongée dans la guerre civile et le chaos économique, la victoire de 1945, quoiqu’elle dût à l’allié américain, était le principal titre de gloire du Guomindang. La lutte contre les communistes, cependant, contraignit Chiang Kai-chek à des compromissions. Parmi le million de soldats japonais présents sur le sol chinois en août 1945, un certain nombre fut immédiatement réemployé pour combattre le Parti communiste, offrant à ce dernier un superbe matériau de propagande.

Entre autres objectifs, les procès BC étaient censés dissiper ces soupçons de collusion. Les tribunaux militaires chinois durent donc composer avec, d’une part, un fort désir populaire de vengeance et la nécessité de paraître intransigeant et, d’autre part, l’obligation de respecter les formes pour ne pas déchoir sur la scène internationale et s’aliéner l’allié américain. Les nécessités de la guerre civile entraînèrent parfois des incohérences flagrantes. Les Américains s’étant réservé Matsui Iwane à Tokyo, le général Tani Hisao fut jugé et exécuté par les Chinois pour sa responsabilité dans le massacre de Nankin. Mais Okamura Yasuji, commandant en chef des forces japonaises en Chine depuis 1944 et architecte d’une contre-insurrection meurtrière dans le nord du pays, fut déclaré innocent sur l’insistance du pouvoir politique pour s’être montré coopératif dans la lutte contre les communistes. Il fut même réemployé comme conseiller militaire par les nationalistes réfugiés à Taïwan après 1949. En 1952, après la signature d’un traité de paix entre Taibei et Tokyo, les derniers prisonniers japonais détenus par la République de Chine furent libérés.

La question de Taïwan, à laquelle Barak Kushner consacre un chapitre, illustre particulièrement bien la façon dont le démantèlement de l’Empire japonais précipita la redéfinition des appartenances nationales. L’île avait été une colonie de Tokyo de 1895 à 1945. On pensa d’abord juger les « collaborateurs » formosans de quelque importance en tant que traîtres, comme le furent une trentaine de milliers de Chinois. Les autorités y renoncèrent sur les prières de notables taïwanais proches du Guomindang : 200 000 de leurs compatriotes avaient certes servi dans l’armée japonaise, mais en qualité de sujets de l’Empereur ; on ne pouvait donc leur reprocher d’avoir trahi leur « nation ». Il était en revanche possible de les juger comme criminels de guerre : sur 883 Japonais condamnés pour crimes de classe BC en Chine, 173 étaient formosans. Et si la requalification des « traîtres » en « criminels de guerre » limita beaucoup le nombre d’exécutions (seuls 26 condamnés furent mis à mort), elle se paya d’un rappel gênant du passé japonais de Taïwan, qui confirma l’administration chinoise dans sa méfiance envers les insulaires.

La stratégie des communistes

L’auteur clôt son ouvrage par une étude des procès de criminels de guerre japonais organisés par les communistes après 1949. Des jugements expéditifs s’étaient tenus dans les zones libérées à la fin de la guerre. Après l’arrivée des communistes au pouvoir, toutefois, la poursuite judiciaire des crimes de guerre devint un terrain de compétition entre le nouveau régime et ses adversaires de Taïwan.

Les communistes organisèrent leurs procès moins à l’attention de la population chinoise – mise au pas et absorbée par les transformations révolutionnaires – qu’à celle de l’étranger. Pékin désirait en particulier éloigner le Japon de son patron américain. La Chine populaire détenait environ un millier de prisonniers de guerre japonais, gracieusement fournis par Staline pour l’essentiel. La plupart furent relâchés sans procès après quelques années, durant lesquelles ils furent bien traités et subirent une intense rééducation antimilitariste et socialiste. 45 furent jugés en 1956, avec un magnanimité ostentatoire et politiquement fort efficace. Tous les accusés passèrent aux aveux et exprimèrent leur repentir, ce que très peu avaient fait lors des procès organisés par le gouvernement nationaliste. Aucun ne fut exécuté, plusieurs furent libérés immédiatement et les derniers sortirent de prison en 1964, onze ans avant les derniers prisonniers politiques du Guomindang. À leur retour au pays, ils devinrent souvent de fervents partisans de la réconciliation sino-japonaise, bien que les soupçons de « lavage de cerveau » les aient parfois fait mal accueillir par leurs compatriotes.

Le révisionnisme japonais en ligne de mire

L’ouvrage de Barak Kushner fait la part belle aux sources et historiographies japonaises, chinoises et taïwanaises. Il dialogue également avec l’historiographie américaine et européenne sur la Seconde Guerre mondiale, sa fin et les démontages d’Empires qu’elle entraîna. Ce travail offre donc de riches possibilités de comparaison, d’autant qu’il est délibérément accessible aux non-spécialistes.

On peut juger que le livre a les défauts de ses qualités. La multiplicité des contextes et des points de vue impose à l’auteur des allers-retours et des clarifications qui interfèrent parfois avec la fluidité du récit. Le projet choral du livre entraîne également un effet collatéral qui tient aux enjeux actuels du sujet. Ceux-ci ajoutent à l’intérêt du livre : les crimes de guerre du Japon impérial sont au centre de vives querelles mémorielles entre Pékin et Tokyo. Barak Kushner intervient dans ce face-à-face de l’extérieur, mais non sans y apporter ses propres préoccupations, qui sont – pour simplifier – celles d’un intellectuel américain progressiste spécialiste du Japon.

À ce titre, et bien que le livre porte sur des procès chinois, sa cible principale est le révisionnisme japonais, et les Japonais constituent (avec les Occidentaux) les destinataire tacites du livre. Passer par les procès tenus en Chine permet à l’auteur de sortir des polémiques nippo-américaines sur le procès de Tokyo, que les apologistes du Japon impérial ont beau jeu de dénoncer comme un exemple de justice des vainqueurs. Le détour par la Chine, victime par excellence de l’agression japonaise, est l’occasion pour Barak Kushner de rappeler avec insistance la réalité des crimes commis – que nul lecteur occidental ne songe pourtant à nier – et la réticence du public japonais à les admettre, auquel tout un chapitre est consacré. Les distorsions politiques chinoises (particulièrement communistes) des procès et de leur mémoire sont traitées avec plus d’indulgence, de peur de donner du grain à moudre à l’extrême-droite japonaise.

Ces réserves n’enlèvent rien aux qualités de ce livre érudit et ambitieux, mais également lisible et extrêmement actuel. Les professions de foi sur la nécessité d’une historiographie de l’Asie prenant pleinement en compte le fait impérial et l’échelle transnationale sont désormais monnaie courante. Plus rares sont les réalisations convaincantes. Men to Devils, Devils to Men en est un exemple particulièrement réussi.

 
 
www.humanite.fr/viree-pour-avoir-trop-alerte-631418
Il y
Émilien Urbach
Mercredi, 1 Février, 2017
L'Humanité
 

Dans la Marne, une éducatrice risque le licenciement pour avoir pointé les dysfonctionnements de l’Aide sociale à l’enfance suite au suicide d’un mineur isolé.

Éducatrice depuis vingt ans, Ibtissam Bouchaara tient son métier à cœur. Elle travaille pour la Sauvegarde de la Marne, association prestataire des services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) pour la prise en charge de mineurs isolés étrangers (MIE) dans ce département. Récemment élue déléguée du personnel, elle vient pourtant d’être mise à pied « dans l’attente de la terminaison de la procédure de licenciement ». Sa faute ? Avoir publiquement dénoncé les mauvaises conditions d’accompagnement de ces enfants sans famille au sein du foyer Bellevue de Châlons-en-Champagne (Marne).

Ibtissam Bouchaara est sortie de sa réserve après le suicide de Denko Sissoko, un jeune résident qui s’est défenestré le 6 janvier dernier. Un drame que l’éducatrice met en lien avec certaines défaillances des services de l’ASE dans la Marne. « Nous lui apportons notre soutien total, confie Marie-Pierre Barrière, du Réseau éducation sans frontières. Nous dénonçons les mêmes dysfonctionnements depuis plus de trois ans. » Mais pour Jérôme Gorgeot, de la direction de la solidarité départementale, « on exploite une tragédie. La Sauvegarde se démène quotidiennement pour ces jeunes. Le département a des moyens restreints et, dans ces conditions, nous sommes satisfaits du travail de l’association. C’est normal qu’elle réagisse lorsqu’une employée la discrédite publiquement ».

Lors du rassemblement de solidarité avec Ibtissam Bouchaara, lundi dernier, le malaise était cependant palpable. « Le message c’est : vous travaillez et vous fermez vos gueules », s’insurge un délégué CGT venu soutenir sa collègue. « C’est une intimidation vis-à-vis de tous les salariés pour qu’ils ne dénoncent pas les conditions d’accueil des MIE », ajoute Michel Aubry, ancien directeur de l’association. L’éducatrice, pour sa part, ne baisse pas les bras. « À l’heure où il faut marcher au pas et faire du bénéfice, je décide de résister, assène-t-elle. Résister afin que le social reste imperméable aux dérives politiques. »

Journaliste
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14 décembre 2016 3 14 /12 /décembre /2016 11:48

Une fois de plus, l’ampleur du désastre donne le vertige, suscitant force commentaires affligés et autres déclarations vaines. Notre impuissance, notre inefficacité et notre lâcheté n’ont pas fini de nous hanter, à moins que, comme d’habitude, les soldes d’hiver et le comportement de Cyril Hanouna n’accaparent le peu de conscience qu’il nous reste.

Au milieu de ces ruines, nombreux, pourtant, sont ceux qui paraissent se réjouir, célébrant la victoire de puissances qu’ils nous présentent comme les remparts que nous ne serions plus contre les barbares. A ceux-là, il n’est sans doute pas inutile de rappeler quelques faits.

1/ Non, la Syrie n’est pas une muraille infranchissable contre le jihad, et encore moins contre le terrorisme. Le régime de Damas n’a cessé, tout au long de son existence, de manipuler avec une habileté impressionnante les mouvements terroristes nés des naufrages sociaux et politiques du Moyen-Orient. Dans les années ’60 et ’70, il a sans vergogne détourné les groupes palestiniens de leurs objectifs, a joué les uns contre les autres dans le cadre d’une diplomatie qui n’a jamais rien construit de positif dans toute son histoire. A partir des années ’70, il a occupé le Liban, à nouveau joué avec les innombrables forces politiques de ce pays, à tuer et fait tuer – y compris un ambassadeur et des soldats français – tout en soutenant des groupes terroristes qui frappaient sur notre sol. Dans les années ’80, démontrant un profond amour de son peuple, le régime a par ailleurs massacré ceux de ses citoyens qui réclamaient un autre modèle politique. Systématiquement vaincue, sinon humiliée, par l’armée israélienne, l’armée syrienne n’a jamais été bonne qu’à assassiner des députés libanais et à se reposer sur la Russie, garante de sa sécurité, de son économie, et même de sa stabilité. Farouchement engagée, comme chacun le sait, contre l’impérialisme américain, la Syrie a cependant jugé utile de participer à la coalition déployée contre l’Irak après l’invasion du Koweït. Admirable constance.

Dans les années ’90, le régime de Damas, officiellement laïc – puisque baasiste – mais aux mains d’une communauté religieuse minoritaire, a, avec le même front, favorisé les islamistes radicaux. Il a accueilli tant de sympathisants d’Al Qaïda que plusieurs services de renseignement occidentaux ont même vu, à cette période, Damas comme un des principaux foyers de radicalisation. En 2001, jugeant que le jeu n’était pas sans danger, le pays est soudainement devenu, pour la deuxième fois en une décennie, un partenaire zélé des Occidentaux, livrant des membres d’AQ, donnant des renseignements, tentant de redorer un blason terni par des années et des années de coups tordus.

En 2003, la catastrophique invasion de l’Irak a conduit à un nouveau revirement, Damas se souvenant d’un coup que l’Irak était un pays frère et décidant, quelle grandeur d’âme, de soutenir les groupes rebelles – et jihadistes, quelle ironie… – contre l’occupant américain. Ce nouveau revirement conduisit Washington à donner quelques coups de semonce à Damas, les services syriens soutenant alors ouvertement ceux qui allaient devenir moins de dix ans plus tard les petits gars de l’Etat islamique.

Tout cela est abondement documenté, par de nombreux chercheurs et journalistes, depuis des lustres. Ceux qui nous expliquent aujourd’hui que le régime syrien lutte sincèrement contre le jihad et le terrorisme et pour la stabilité de la région sont, au choix, des idiots ou des menteurs. Les plus doués sont les deux, et ils ignorent l’histoire du Liban, du conflit palestinien ou de la République arabe unie. La seule chose que le régime syrien défende sincèrement est sa survie. C’est son droit le plus absolu, tout comme c’est le nôtre de ne pas avaler les foutaises relayées par de faux chercheurs au regard humide.

2/ Non, la Russie n’a jamais été une alliée naturelle de la France. Le fait que la cour des Tsars ait parlé français ne devrait pas nous faire oublier quelques broutilles, comme les guerres de l’Empire (non, l’Abbé Résina n’est pas mon confesseur italien ou le surnom de mon dealer, ancien séminariste de son état), ou l’occupation du Champ de Mars par les Cosaques en 1814 et en 1815, ou la Guerre de Crimée, en 1853, ou la désastreuse alliance de revers qui s’achèvera par la paix séparée de Brest-Litovsk, en 1917, ou la coopération militaire clandestine entre Moscou et Berlin dans les années ’20, ou le traité germano-soviétique de 1939 (et le démantèlement, notamment, de notre alliée polonaise). Le fait d’avoir combattu le Reich ensemble (je pense ici aux héros de Normandie-Niemen) à partir de 1941 ne fit pas non plus de la Russie un partenaire fiable, l’Europe orientale devenant en 1945 un glacis de régimes autoritaires oligarchiques ironiquement nommés démocraties populaires, Moscou armant les Nord-Coréens (contre lesquels se battit le Bataillon français de Corée), le Vietminh, le FLN, et tous ceux qui, et on les comprend, en avaient leur claque de notre empire colonial. Mais, raison ou pas, ils se battaient contre nos soldats, et c’est Moscou qui payait.

De même que c’est la Russie, dont toute l’histoire montre l’amour désintéressé des peuples non slaves, qui a systématiquement financé nos adversaires pendant cinquante ans. Moscou a, plus que jamais, le droit d’avoir une diplomatie, mais il faudrait arrêter de nous prendre pour des lapins de six semaines. Et j’ajoute que la Première armée française ne devait pas envahir la Floride mais bien se porter en Allemagne contre les Soviétiques, que les missiles du Plateau d’Albion visaient les grandes villes soviétiques, et que ce sont bien les Américains qui ont vendu les KC-135 devant ravitailler les Mirage IV partis ravager l’URSS par le flanc sud. Tout cela, une fois de plus, est connu, étudié, documenté, et ceux qui prétendent le contraire sont des menteurs, pour ne pas dire des révisionnistes. J’ajoute pour les plus épais que rien de tout cela n’exonère le moins du monde les Etats-Unis du désastre vietnamien, de la tragédie cambodgienne, des crimes commis en Amérique centrale et toutes les erreurs que les Occidentaux ont commises durant la même période. Enfin, Le fait que nos propres alliés se comportent comme des brutes avinées au Yémen n’autorise pas la Russie à faire pire. La reproduction de crimes en invoquant les pires exemples du camp d’en face est un comportement navrant.

3/ Car non, rappeler des faits historiques ne relève pas d’une quelconque hystérie xénophobe. De même que dénoncer la tyrannie iranienne ou les excès du prosélytisme wahhabite au Sahel n’a rien d’islamophobe, rappeler le génocide amérindien n’a rien de l’antiaméricanisme primaire, se souvenir des guerres du Caucase ou des procès de Moscou ou de l’assassinat des opposants dans les rues de Moscou n’a rien de russophobe. Ceux qui prétendent le contraire sont les dignes héritiers d’une histoire qu’ils n’assument pas, de sniper ukrainien en fausse campagne aérienne contre l’EI. Puisque la Russie est notre supposée plus belle alliée contre les jihadistes, pourquoi n’est-elle pas foutue d’en tuer ? Est-elle trop accaparée par la destruction des hôpitaux d’Alep, la récupération de ses pilotes tombés à la mer ou la piteuse évacuation des bases aériennes proches de Palmyre ? #onseledemande

4/ Non, il n’existe pas de dictatures plus fréquentables que d’autres. A lire des commentateurs de plus en plus hystériques, ces jours-ci, on a pourtant l’impression que les morts importent moins que ceux qui les ont tués. La campagne de Mossoul, enlisée, voit la poursuite des crimes communautaires dans un pays qui n’avait pas attendu 2003 pour s’y livrer. De même qu’il ne faut pas oublier Hama, il ne faut pas oublier Halabja. En Irak comme en Syrie, les crimes actuels répondent aux crimes passés, et il ne saurait être question une seconde de considérer qu’il vaut mieux être assassiné par une milice chiite ou l’armée du régime que par des jihadistes. Les uns et les autres sont des assassins, défendant des projets politiques délirants. Une fois de plus, des scientifiques – sans doute payés par de puissants cosmopolites décadents et enjuivés – ont parfaitement documenté les morts de ces dernières années et ce n’est pas faire preuve d’ambiguïté idéologique que de noter que le régime syrien a bien plus tué que les jihadistes. Je précise ici que celui qui essaiera de faire de moi un partisan dissimulé de la violence islamiste radicale aura fort à faire.

5/ Non, les soutiens de Damas ou de Moscou ne défendent pas nos valeurs. Drapés dans un drapeau tricolore qui n’en demandait pas tant, les zélateurs du régime syrien, en plus d’avancer la misérable fable d’une Syrie farouchement mobilisée à notre profit, osent prétendre que Moscou et Damas sont des Etats laïcs. La plaisanterie serait tordante si on ne ramassait pas autant de cadavres, ces jours-ci. Le nationalisme russe, déchaîné, s’appuie en bonne partie sur le clergé orthodoxe, ce qui lui permet, par exemple, de jouer sur du velours avec la Grèce ou la Serbie. La Russie n’est évidemment pas plus laïque que les Etats-Unis. Quant à la Syrie, l’étiquette du baasisme ne cache rien d’un régime bâti sur le communautarisme et l’alliance de minorités – ce qui, me semble-t-il, n’a rien de français. Quant à l’alliance avec le Hezbollah ou l’Iran, elle ne semble pas dénoter une défense acharnée de la laïcité.

Il n’est d’ailleurs pas inutile de s’arrêter ici sur ceux de nos compatriotes qui voient dans la Russie ou la Syrie des modèles de gouvernance. On trouve parmi eux des affairistes dont toute la carrière a consisté à frayer, évidemment au nom de la République, avec les régimes admirables qu’étaient la Tunisie de Zine el-Abidine Ben Ali ou l’Irak de Saddam Hussein et qui jouent désormais avec une ferveur naturellement désintéressée les entremetteurs pour la glorieuse démocratie russe. La troisième voie qu’ils estiment incarner semble plus être celle de l’argent que celle du gaullisme. Ou alors peut-être faut-il comprendre qu’ils préfèrent l’homme du SAC, du Biafra et des barbouzeries africaines à l’homme de Londres. On les comprend, il est plus facile d’avoir les mains sales que la tête haute.

On trouve aussi des parlementaires, idiot(e)s utiles, capables de s’afficher avec des dignitaires religieux (Ah ! La belle laïcité intransigeante que voilà !) ayant appelé à des attentats en Europe au profit, troublante coïncidence, d’un Etat qui ne s’est jamais privé d’en faire. Ceux-là sont des complices satisfaits, dont la médiocrité et la veulerie rappellent les personnages décrits par Maurice Garçon dans son truculent journal de la Seconde Guerre mondiale. Il n’y a qu’un pas de la complicité à la trahison, et on ne s’étonnera pas que ceux qui le franchissent aujourd’hui le fassent pour les mêmes raisons que d’autres il y a soixante-dix ans : fascination pour la force, démagogie ruisselante, ignorance satisfaite, mépris pour des élites qui les ont rejetées et auxquelles ils rêvaient de se mêler. Ne rejettent les faits que ceux qui sont gênés par eux, et cette attitude, agrémentée d’insultes ou de menaces, est éminemment révélatrice.

Au milieu de cette attachante engeance émergent d’anciens hauts fonctionnaires, dont les pénibles essais sur l’islam évoquent de mauvaises copies de collège, des queues de promo de certains de nos services de renseignement, et même quelques disciples survivants de Jean-Pierre Chevènement, un homme de gauche dont l’admiration pour les potentats arabes dit tout de l’humanisme sourcilleux. Quant à Jean-Luc Mélenchon, autre étoile montante de l’analyse diplomatique-stratégique et stalinien born again, il ne semble pas bon à autre chose qu’à éructer au comptoir du père Bourdin, en face du stade.

6/ On trouve, à gauche – ou l’extrême-droite – des socialistes toute une bande de nostalgiques des expériences autoritaires du bassisme ou des systèmes militaires arabes qui oublient que les régimes de Damas, Bagdad, Tripoli, Tunis, Alger ou Le Caire ont tous été de sanglants échecs, et parfois même des tyrannies ubuesques. Ils oublient que ces échecs, bien plus qu’une fumeuse conspiration mondiale, ont été à l’origine des révolutions qui les ont secoués ou renversés. Loin de moi le projet de défendre les théocraties du Golfe, mais se pose à nouveau la question de la valeur des victimes : Mieux vaudrait être tué par des tyrans laïcs que par des tyrans religieux ? Certaines dictatures seraient plus fréquentables que d’autres ? Ces beaux esprits oublient aussi, étrangement, que la violence islamiste, bien qu’insupportable et injustifiable, a moins tué que les régimes qu’ils ont soutenus et qu’ils soutiennent encore. Ceux qui nous parlent de pragmatisme évitent ce fait, et montrent une troublante obsession pour l’islam. Ils s’allient d’ailleurs souvent avec d’autres idiots utiles, ici un ancien ambassadeur antisémite, là un écrivaillon bossant pour un service, dont ils reprennent l’hystérie et les formules creuses.

7/ D’une façon tragiquement ironique, ceux qui prétendent défendre nos valeurs en s’alliant sans réserve à Damas contribuent grandement, en réalité, à les fragiliser. Le sanglant naufrage de la révolution syrienne, en effet, ne révèle pas seulement l’infinie médiocrité de nos diplomaties, sans vision, sans moyens, sans stratégie, et sans même sans responsable. Non seulement il confirme aux jihadistes que nous ne sommes bien que ce que nous sommes, des démocraties fatiguées, médiocres, engluées dans le quotidien, mais il le montre surtout aux tièdes, aux hésitants, aux pas totalement convaincus et aux millions de déçus. Ceux-là viendront demain nous combattre en nous reprochant ce nouvel échec, cet énième naufrage collectif qui fait que nos valeurs ne sont des mots creux. Les parlementaires français qui s’exhibent à Damas aux côtés de criminels de guerre sans être inquiétés montrent bien que l’accusation de double-standard qui nous est régulièrement lancée est fondée. Oui, nous tolérons la répression égyptienne pour une poignée de chasseurs, oui, nous tolérons les raids saoudiens au Yémen pour des contrats, et oui, nous nous saoulons de discours brillants sans la moindre portée. Nous ne sommes que du vent.

On tremble, désormais, à l’idée que des responsables reprenant mot à mot des éléments de langage écrits dans des capitales étrangères soient aux portes du pouvoir dans notre pays. On tremble en les voyant nier l’évidence, mentir, accuser, menacer, rire du rire gras des beaufs d’Yves Boisset. On tremble en les entendant glorifier la hauteur de vue d’un régime qui massacre son propre peuple. On tremble en les voyant se vautrer dans un racisme de plus en plus assumé (« Les Arabes ne sont pas faits pour la démocratie », ou « Il faut dératiser Alep »). On tremble en les voyant rejeter les raisonnements argumentés ou la complexité minimale (Oui, parfaitement, je combats le jihad depuis vingt ans, à ma modeste façon, et oui, je souhaite ardemment la chute du régime de Damas. Ben oui.)

J’avais du mépris. Je suis désormais partagé entre la honte

-Note"de joyeuses fêtes de fin d'année à tous" par l'administration du blog :

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4 novembre 2016 5 04 /11 /novembre /2016 05:19
 Et en France !
Avant le papier d'El Watan avec l'avertissement d'Olivier Le Cour Grandmaison,voici deux extraits du ballet "LeS DisParuS" de la Cie No MaD,ce spectacle    en représentation actuellement est mené par le chorégraphe Mehdi Slimani :il constitue le premier et unique ballet sur les sombres événements du 17 octobre 1961.

La seconde vidéo a été tournée sur le pont Neuf Saint Michel en hommage aux victimes

-« J’ai souhaité rendre vie, le temps d’un spectacle, aux disparus d’octobre 1961, victime d’une barbarie amnésique ; pour la mémoire… contre l’oubli… leur prêter un corps, leur rendre un nom, pour l’intimité d’une danse, pour une dignité retrouvée. » Mehdi Slimani, octobre 2010

 
  En représentation le 5 nov au centre Culturel Jean Houdremont de la Courneuve. 

https://www.youtube.com/watch?v=6VmeJUbpPdY

https://www.youtube.com/watch?v=503fYU4vYhQ
Rappel :
 
-Olivier Le Cour Grandmaison
«Le retour de discours apologétiques de la colonisation» 
El Watan - le 01.11.1 6
La publication, il y a quelques jours, d’un texte révisionniste sur les tueries policières du 17 Octobre 1961 a suscité nombre de commentaires.

Olivier Le Cour Grandmaison, qui a travaillé sur cet événement de la Guerre d’Algérie et continue d’œuvrer à révéler les monstruosités coloniales, s’interroge : «Nouvelle écriture de l’histoire ? Non, c’est la poursuite d’une entreprise idéologique de réhabilitation des hommes qui ont combattu celles et ceux qui luttaient pour l’indépendance de l’Algérie dans un contexte politique français marqué aujourd’hui par le retour de discours apologétiques de la colonisation.»

Au sujet des centres historiques qui ont prêté leur concours à cette tentative de réécrire de l’histoire (lire notre édition du 25 octobre), il indique : «Il faut tout d’abord rappeler quelques éléments relatifs au Centre de documentation des Français d’Algérie de Perpignan, au Cercle algérianiste et à certains des signataires qui se présentent comme des historiens soucieux de la vérité et animés par le seul désir de la connaissance.

En effet, les responsables de cette première institution ont approuvé ce texte collectif en apportant à ces derniers une caution prétendument scientifique destinée à renforcer le supposé sérieux académique de leur communiqué portant sur le massacre, par la police française agissant sous l’autorité du préfet de police Maurice Papon, des manifestants algériens rassemblés pacifiquement à l’appel du FLN, le 17 octobre 1961 à Paris et dans la banlieue parisienne.»

Olivier Le Cour Grandmaison rappelle que le centre perpignanais, «dépourvu de tout comité scientifique, a été salué par certains comme ‘‘le conservatoire de l’Algérie française’’. On ne saurait mieux dire, et cet aveu, qui a le mérite de la sincérité, permet de comprendre les finalités véritables de cet établissement.

Sous une appellation apparemment neutre, destinée à faire croire qu’il s’agit d’un établissement ayant pour vocation de soutenir les recherches sur les Français d’Algérie, prospère une entreprise de réhabilitation du passé colonial de la France conformément aux revendications du Cercle algérianiste dont ce Centre est, en quelque sorte, la vitrine officielle.» Et de rappeler que «ce Cercle, créé le 1er novembre 1973 par d’anciens partisans de l’Algérie française, a notamment pour objectif de ‘‘conserver la mémoire d’une province française’’ et de lutter contre ‘‘l’officialisation du 19 mars 1962’’ ».

On sait qu’en cette année 2016, les Algérianistes ont fait partie de ceux qui ont conspué le président Hollande qui s’est recueilli le 19 mars dernier devant la stèle d’hommage du quai Branly à Paris. «Ses dirigeants ont soutenu l’action de Robert Ménard, maire de Béziers, pour renommer “la rue du 19 mars 1962” et lui donner le nom de “rue du commandant Hélie Denoix de Saint-Marc,” officier parachutiste qui a participé au putsch des généraux à Alger en avril 1961 et qui fut condamné à dix ans de réclusion criminelle.»

Enfin, Olivier Le Cour Grandmaison souligne que parmi les signataires du texte accusant le FLN d’être responsable de ce qui s’est passé le 17 octobre 1961, figure Maurice Faivre, «général qui a servi cinq ans en Algérie pendant la guerre. C’est le même qui, le 18 mars 2002, a signé le manifeste des 521 officiers généraux dans lequel on peut lire ce passage : ‘‘Nous tenons d’abord à affirmer que ce qui a caractérisé l’action de l’armée en Algérie ce fut d’abord sa lutte contre toutes les formes de torture, d’assassinat, de crimes idéologiquement voulus et méthodiquement organisés.’’ Stupéfiant et scandaleux négationnisme historique !

En des termes plus euphémisés, les signataires du communiqué minimisent le nombre de morts algériens lors des rassemblements du 17 octobre 1961, avec la caution de J-P. Brunet. De plus, ils entendent faire porter la responsabilité des affrontements et des victimes au FLN pour mieux dédouaner M. Papon et les policiers qu’il dirigeait.»

Walid Mebarek
 
 
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Du même auteur
De la difficulté d’être avocat dans l’Algérie coloniale
Christian Phéline. Historien, auteur de Les avocats «indigènes» dans l’Algérie coloniale : «Une montée progressive qui reste très minoritaire»
Henri Pouillot. Militant des droits de l’homme : «Le colonialisme n’a toujours pas été reconnu comme un crime contre l’humanité»
Gilles Manceron. Historien : «Une manœuvre d’arrière-garde à traiter par le silence et le mépris»
-Note "déclenchement à la Toussaint et documentaire Clémence / La sœur des frères/Hollande et les supplétifs"ajoutés par l'administration du blog:
 
www.slateafrique.com/6144
 

D’abord prévu pour le 15 octobre, le déclenchement de l’insurrection n’a finalement lieu que le 1er novembre et, fête des morts chez les Européens oblige, prendra vite le nom de «Toussaint rouge».

C’était il y a 62 ans. Le 1er novembre 1954, une poignée d’activistes algériens déclenche ce qui va devenir la Guerre d’Algérie, l’un des conflits de décolonisation parmi les plus longs et les plus meurtrier du XXe siècle.

Un peu partout dans ce qui représentait alors trois départements français (contrairement à la Tunisie et au Maroc qui n’étaient pas la France mais des protectorats français), des bombes éclatent, des récoltes sont incendiées, des poteaux électriques et téléphoniques sont sciées et quelques commissariats sont attaqués ou font l’objet de rafales d’armes automatiques. Au total, ces premiers actes armés, une trentaine au total, font sept morts, dont l’instituteur Guy Monnerot tué dans les Aurès en même temps qu’un caïd local, c'est-à-dire un représentant de l’administration coloniale auprès des «musulmans» (lesquels ne jouissaient pas de la citoyenneté française).

Sept années et demi plus tard, le 5 juillet 1962, l’Algérie devient indépendante et «awel novambar», le premier novembre, sera dès lors un jour férié pour les Algériens.

Défilés militaires, programmes télévisés spéciaux (dont des «opérettes révolutionnaires» ainsi que quelques films de guerre rediffusés à l’envie), commémorations en tous genres sans oublier les réceptions officielles organisées à Alger mais aussi à l’étranger (par les ambassades) marquent une journée particulière dans la longue liste des dates emblématiques de ce que les Algériens appellent «la Révolution» ou «la Guerre d’indépendance» et que les Français désignent par «Guerre d’Algérie».

Les «neuf historiques»

Pourtant, nombreux sont les Algériens, jeunes ou plus âgés, qui savent peu de choses de ce que fut l’acte liminaire de la Thawra (Révolution). L’une des raisons est liée au fait que l’insurrection fut organisée par neuf hommes, «les neuf historiques» dont ceux qui survécurent au conflit furent tous après l’indépendance, à une exception près, des opposants au régime de Houari Boumediene (au pouvoir de 1965 à 1978, date de sa mort) et même de Chadli Bendjedid (1979-1992). Difficile, en effet, de parler de l’action déterminante d’hommes dont le nom a longtemps été absent et interdit des manuels scolaires algériens…

 

Montage de photos d'archives de huit des neuf "chefs historiques" du FLN (Front de Libération nationale) initiateurs du déclenchement de l'insurrection en Algérie le 1er novembre 1954. AFP

Dans les faits, tout commence en mars 1954 quand Mohamed Boudiaf (dans l’opposition dès 1963, assassiné en 1992 à Alger) crée le Comité révolutionnaire d’union et d’action (CRUA) avec Hocine Aït Ahmed (actuel dirigeant du Front des forces socialistes, FFS), Ahmed Ben Bella (ancien président de l’Algérie entre 1963 et 1965, déposé par Boumediene, il sera longtemps interné avant de prendre le chemin de l’exil), Krim Belkacem (assassiné en 1970 à Francfort) , Mostefa Ben Boulaïd (mort au maquis en 1956), Larbi Ben M’Hidi (exécuté sans jugement par l’armée française en 1957), Rabah Bitat (plusieurs fois ministre sous Boumediene), Mourad Didouche (mort au maquis en 1955) et Mohamed Khider (assassiné en 1967 à Madrid).

À l’époque, le mouvement nationaliste est divisé. Un violent conflit oppose le leader historique Messali Hadj au Comité central de son parti, le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD). Pour les «neufs», l’objectif est de forcer le destin en renvoyant dos-à-dos les partisans de Messali, accusé de culte de la personnalité, et les «centralistes» menés par Hocine Lahouel. D’abord prévu pour le 15 octobre, le déclenchement de l’insurrection n’a finalement lieu que le 1er novembre et, fête des morts chez les Européens oblige, prendra vite le nom de «Toussaint rouge».

Les moyens militaires dont disposent les insurgés sont alors faibles pour ne pas dire insignifiants. D’ailleurs, nombre d’entre eux sont très vite arrêtés et certains resteront en prison jusqu’à l’indépendance. Il n’empêche, un brasier était allumé qui devait, entre autre, conduire à la fin de la Quatrième république et au retour du Général De Gaulle au pouvoir en 1958. Le 1er novembre 1954 constitue ainsi l’acte de naissance du Front de libération national (FLN) qui va mener l’Algérie à l’indépendance. Et il faut relire son appel au peuple algérien diffusé quelques jours après le début de l’insurrection. Dans ce texte fondateur, «l’indépendance nationale» fait figure d’objectif de même que le «respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions» et la «réalisation de l’Unité nord-africaine dans le cadre naturel arabo-musulman».

Un aveuglement français

 

 

 

Côté français, ces événements passent presque inaperçus. Il faut dire qu’ils vont aussi à l’encontre d’une certitude partagée par de nombreux hommes politiques et journalistes. Dans un contexte international et régional d’ébullition anti-coloniale (Vietnam, Tunisie, Maroc,…), tous sont persuadés que «l’Algérie ne bougera pas» et que les massacres de Sétif et Guelma pendant le Printemps 1945 (plusieurs milliers de musulmans tués après avoir réclamé l’indépendance et s’être attaqués à des Européens) dissuaderont pour longtemps les «musulmans» d’avoir recours à la violence pour améliorer leur sort et encore moins pour réclamer l’indépendance.

Un homme, pourtant, a vu venir cette insurrection. Il s’agit de Jean Vaujour, directeur de la Sûreté en Algérie. En poste dès 1953, bien informé, recoupant les rapports de police faisant état d’un activisme suspect de la part de «séparatistes», anciens membres de l’Organisation secrète (OS, à ne surtout pas confondre avec l’OAS) – mise en place par les nationalistes algériens à la fin des années 1940, elle préparait la lutte armée avant d’être démantelée par la police française – il alerte en vain ses supérieurs à commencer par François Mitterrand, alors ministre de l’intérieur.

Ironie de l’histoire, Jean Vaujour racontera plus tard que ses services avaient même fabriqué et fourni des bombes bruyantes et inoffensives à des réseaux qu’ils avaient infiltrés! Il faudra attendre plusieurs mois avant que les autorités françaises prennent la mesure de la gravité de la situation en engagent des moyens considérables pour en finir avec «la rébellion».

Une histoire que le cinéma n’a toujours pas racontée

Comme nombre d’épisodes de la Guerre d’Algérie, le 1er novembre 1954, et avec lui la crise politique qui a mené à l’éclatement du MTLD et à la naissance du FLN reste encore à raconter au cinéma (mais aussi à travers la littérature). On imagine une fresque historique mettant en présence les «neuf historiques», leurs doutes, leurs rivalités déjà naissantes, l’aveuglement et la désinvolture des autorités gouvernementales à Paris cela sans oublier le rôle influent de Nasser ou les calculs politiciens de Charles de Gaulle.

Un point de départ pourrait être la fameuse photo de six d’entre eux (les six historiques) prise quelques temps avant le déclenchement de l’insurrection. Pourtant rien de tel n’existe encore. Rien à voir avec les centaines de films américains qui traitent de la guerre au Vietnam (et qui commencent à raconter – certes, à leur façon - celle d’Irak).

Côté français, la Guerre d’Algérie reste un thème à manier avec précaution. On imagine mal, y compris en 2011, c’est-à-dire cinquante ans après l’indépendance, des producteurs prendre le risque de mettre en scène des personnages historiques du FLN. Et quand le 1er novembre est mentionné, c’est toujours de manière anecdotique, pour ne pas dire ridicule, comme en témoigne un passage du film «Le grand Charles» qui traite de l’itinéraire de Charles de Gaulle. La séquence consacrée au 1er novembre 1954 met ainsi en scène l’attaque du bus où se trouvaient le caïd et l’instituteur Monnerot.

Des têtes de Talibans

Les maquisards (qui s’expriment en arabe marocain…) y ont des têtes de Talibans, notamment leur chef, barbu et coiffé d’un chèche noire, ce qui, outre le caractère anachronique du raccourci, en dit long sur la manière dont, en France, on représente souvent le FLN…

Côté algérien, et malgré une profusion de scénarios, c’est une question de manque de moyens mais aussi de circuits de distribution quasiment inexistants. Longtemps considéré comme une priorité – à condition de ne pas aborder les thèmes déplaisants au pouvoir en place -, le cinéma algérien est dans un état d’agonie prolongée.

Peu de producteurs, des salles en déshérence et une disparition progressive du savoir-faire, ce cinéma a un besoin urgent de projets pour raconter à son peuple une autre histoire que celle qui peut lui parvenir du nord de la Méditerranée. Dans quelques années, peut-être, sera annoncé un film ayant pour titre, «les neufs historiques»…

Par Akram Belkaïd

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24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 09:32

Le Ministère cambodgien des Affaires étrangères et l’Ambassade de France à Phnom Penh ont organisé conjointement une séance académique pour marquer le 25e anniversaire des Accords de Paris, signés le 23 octobre 1991. La tonalité de la majorité des interventions relevait des propos convenus sur le « succès » de ces Accords. Toutefois, le Ministre cambodgien lui-même a tenu à indiquer :

« Pour celles et ceux qui, demeurés au Cambodge, survécurent à la tragédie du régime de Pol Pot et se réjouirent d’avoir été libérés de la tyrannie, les Accords de Paris constituent une étape dans un processus entamé le 7 janvier 1979. Pas une fin en soi. Une étape, parce que tout ce qui a précédé était incompréhensible à nos yeux : la négation par la communauté occidentale des crimes de masse commis dans notre pays, le maintien d’un dirigeant Khmer rouge comme représentant du Cambodge à l’ONU, la décision d’interdire toute aide au développement à un pays totalement détruit et à une société disloquée ayant perdu ses repères et ses élites, tout cela fut décidé dans le cadre des Nations Unies. Telle fut la réalité diplomatique des années qui ont suivi notre libération, de 1980 à 1991. J’ai eu l’occasion de le dire il y a quelques semaines devant l’assemblée générale de l’ONU, il y a pour nous un passé qui ne passe pas. Nous avons pris conscience de l’instrumentalisation du thème de la démocratie et de celui des droits de l’Homme selon les opportunités géopolitiques du moment. Et il est des Etats qui peuvent tout se permettre sans jamais être condamnés. Ce ne sont pas les principes qui guident les relations internationales, ce sont les intérêts du moment. C’est donc avec cette lucidité qu’il nous faut regarder, 25 ans après, ce qu’ont représenté les Accords de Paris ».

Pour ma part, j’ai proposé une lecture critique des Accords de Paris et de la manière dont ils ont été mis en oeuvre par l’Autorité Provisoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC) dont j’étais un consultant :

Les Accords de Paris furent, à de rares exceptions près, très positivement accueillis par la plupart des observateurs et leur mise en œuvre par l’APRONUC eut droit le plus souvent à des évaluations très positives. Aujourd’hui, des analyses plus nuancées ont été publiées en particulier dans le cadre de travaux comparant plusieurs opérations de maintien de la paix des Nations Unies.

Pour ma part, ce n’est pas comme politologue ou comme intellectuel, au sens que Malraux donnait à ce mot, mais c’est tout simplement comme être humain, que je ne peux partager ce degré de satisfaction que j’ai pu entendre.

 

J’ai bien entendu l’exposé de l’Ambassadeur Levitte. Il ne peut y avoir de malentendu. J’ai le plus grand respect, Ambassadeur Levitte, pour l’intelligence avec laquelle vous avez exposé votre analyse des Accords de Paris. De l’admiration même. Parce que tout votre propos exprime avec brio cette capacité qui est la vôtre de vous hisser au niveau où on se doit de prendre en compte toutes les données d’un problème, toutes les contraintes, parfois contradictoires, des situations et, souvent, toutes les contradictions des acteurs en présence.

Mon niveau, celui où je me suis tenu et où je me tiens encore, c’est celui que j’ai perçu comme étant le niveau des survivants de l’holocauste cambodgien. C’est aussi celui d’un Européen honteux d’avoir vu des pays qui me sont particulièrement chers, la Belgique et la France, punir avec d’autres les Cambodgiens d’avoir été libérés par les Vietnamiens en adoptant à l’ONU les positions que l’on sait. Si depuis 27 ans, j’entretiens avec ma troisième patrie – au sens où Cicéron entendait ce mot – un lien si intense, c’est comme une manière de demander pardon pour le mal que nous avons fait, pardon pour l’injustice que nous avons commise depuis le confort des chancelleries où on joue le sort des peuples comme des pions sur un jeu d’échec.  Ce qui vous a distingué de beaucoup d’autres, Ambassadeur Levitte, c’est que dans les négociations, vous avez apporté cette touche irremplaçable de l’humanisme français lorsqu’il entend s’exprimer. Et vous l’avez fait en vous efforçant d’écouter et de comprendre le point de vue exprimé par ceux qui venaient de Phnom Penh. Mais pour ce qui me concerne, jamais, je ne pourrai m’accommoder du cynisme d’un Henry Kissinger soutenant le coup d’Etat de 1970 ou d’un Zbigniew Brzezinski organisant une guerre par procuration.

Les ombres des disparus hantent les rizières devenues des charniers et les murs des pagodes et des écoles transformées en centres de torture. Elles nous interrogent, nous Occidentaux : « pourquoi avez-vous traité ainsi ceux que nous avons laissés derrière nous ? »

Alors oui, du niveau d’où je m’exprime, mon propos est sévère. Comme doit l’être celui de l’avocat qui défend ses victimes. Ce que je vais exprimer, je l’ai entendu si souvent de la bouche de Cambodgiens, trop contents qu’on s’occupe d’eux après avoir été si longtemps traités en parias,  pour oser critiquer la manière dont on s’occupe d’eux.

Je fus de ceux qui ne partagèrent pas l’enthousiasme diplomatique et médiatique lorsque les éléments essentiels des Accords furent résumés dans ce qui s’est appelé le document-cadre. Les analyses successives que j’ai publiées en 1990-1991, et que j’adressais à l’Ambassadeur Levitte alors directeur Asie au Quai d’Orsay, avaient pour titre « un pari dangereux », « revoir la copie », « donnez une chance à la paix », « seuls les Cambodgiens paieront le prix de nos erreurs », « le pari cambodgien », « vers une paix lourde de dangers »[1].

Comme le sort des Khmers rouges pendant la période allant du cessez-le-feu à l’organisation des élections n’avait pu faire l’objet d’un accord lors de la première session de la Conférence de Paris, à l’été 1989, les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU ont décidé de trouver un accord entre eux. Ce à quoi ils consacrèrent l’année suivante.

Nous étions en 1990. Le mur de Berlin était tombé. Dans ce club des Cinq, face aux quatre autres, l’URSS, qui allait être dissoute un an plus tard, était devenue le négociateur le plus faible. Elle était pourtant la seule qui résistait à l’idée d’une solution incluant les Khmers rouges, relayant en cela la position de ceux qui gouvernaient le Cambodge. Ce qui a donné le texte qu’on connaît. Avec des conséquences que je voudrais rappeler.

Première conséquence, ce ne sont pas des éléments réputés modérés, pour autant qu’il en existât, dont les noms figurent au bas des Accords au nom de la faction polpotiste, mais ce sont les noms de deux des plus grands criminels que le XXe siècle ait connu, le Président de l’Etat du Kampuchea démocratique et son ministre de la Défense, architecte du régime de terreur et grand ordonnateur des crimes de masse, un véritable Himmler cambodgien.

Deuxième conséquence, on ne trouve, dans le texte des Accords, aucune référence explicite aux crimes contre l’humanité, aux violations des Conventions de Genève, aux actes d’agression commis contre les Etats voisins, au génocide. Seule la formule « la politique et les pratiques du passé » était censée y faire référence. Les Accords de Paris sont, du point de vue du droit pénal international, un acte officiel de révisionnisme.

Troisième conséquence, l’Accord signifiait qu’une organisation politique et ses chefs, qui avaient commis des crimes dignes de ceux du régime nazi, étaient amnistiés et réintégrés dans la société cambodgienne. Si, d’aventure, ils avaient honoré leur signature, les Khmers rouges auraient pu participer aux élections, siéger à l’Assemblée nationale et bénéficier de la plus totale impunité. Ce fut d’ailleurs confirmé publiquement le 30 août 1990, à l’issue d’une réunion à Pattaya du Conseil National Suprême avec les Coprésidents de la conférence de Paris et les cinq membres permanents.

Jamais, dans l’histoire contemporaine, on n’a vu, dans des textes officiels de cette importance, une telle négation de crimes d’une telle ampleur. D’un passé de sang, les auteurs des Accords faisaient table rase. On agissait de la même manière que si les Alliés avaient imposé aux Allemands, en 1945, la participation des Nazis à l’édification d’une nouvelle démocratie allemande. Ce qu’il était impossible d’imposer aux Allemands, on l’a dicté aux Cambodgiens.

Il n’y avait, dans les textes, aucune disposition relative à un éventuel défaut d’une des parties, alors que le bon sens invitait à prendre de telles précautions, vu la nature du mouvement dirigé par Pol Pot. Mais cette nature fut systématiquement ignorée. Dès lors, une fois qu’il fut manifeste que la faction polpotiste renonçait à appliquer les Accords, cette situation nouvelle a considérablement modifié le contexte dans lequel les Accords ont dû être appliqués. Pourtant, cela n’a pas incité les Cinq membres permanents à reprendre le dossier, obéissant en cela à une funeste « diplomatie de la patience » proposée par le Secrétaire général de l’ONU. Ce sont les Cambodgiens qui en subirent les conséquences. Comme on l’a vu après 1993.

On se prend à rêver un instant à un Conseil de Sécurité prenant acte de l’attitude des Khmers rouges dès mars 1992 et proposant le processus de pacification qui fut mis en œuvre par la suite par Samdech Hun Sen, Premier Ministre, offrant la réintégration des troupes et de leurs familles dans la communauté nationale et envoyant devant un tribunal les principaux dirigeants dont presque tous étaient alors encore en vie. Que de souffrances et que de vies auraient été épargnées ! Que de chances accrues pour la réconciliation nationale entre les factions qui honoraient leur signature ! 

Un des grands paradoxes des Accords de Paris, c’est qu’ils voulaient imposer en même temps les Khmers rouges et un modèle parfait de démocratie. Dans un pays, cela a été dit, qui n’avait jamais pratiqué un tel modèle.

Alors, on a fait comme si. Comme si le pays était pacifié. Comme si les esprits étaient apaisés. Comme si la réconciliation entre ceux qui avaient libéré le pays de la terreur et ceux qui les combattaient était devenue une réalité. Comme si la démocratie s’instaurait par le seul fait d’organiser des élections. Comme si le principe d’une élection, avec ses vainqueurs et ses vaincus était compatible avec la culture dominante qui avait prévalu depuis l’indépendance et avant la tragédie et qui consistait à associer toutes les composantes politiques dans un même rassemblement. Comme si le niveau général d’éducation, l’existence suffisamment nombreuse d’élites partageant une même perception de ce que signifie un Etat de droit, les principaux acteurs politiques en présence, fournissaient la possibilité et les garanties d’une telle démocratie. Comme si, en fin de compte, la démocratie, cela se décrétait.

On en voit aujourd’hui les conséquences avec un climat politique où le discours de l’opposition est bien souvent, dans le chef de ses dirigeants en tout cas, un discours de guerre civile.

Au risque de déplaire, je dirai que l’APRONUC n’a pas offert le meilleur exemple de ce que doit être un processus électoral dans une démocratie apaisée. Faut-il rappeler que la loi électorale fut imposée par l’APRONUC contre l’avis du Conseil National Suprême ? Faut-il rappeler que tout au long de la campagne électorale, des responsables de l’APRONUC, et non des moindres, ont exprimé leur hostilité à l’égard du Parti de M. Hun Sen. Je fus effaré d’entendre à plusieurs reprises, de la bouche de responsables travaillant, en principe, pour les Nations unies, entendre dire, je cite, « écarter Hun Sen du pouvoir est l’objectif premier de la mission ». Ce qui donne de la pertinence à l’observation que m’a faite un jour M. Denis MacNamara, le directeur de la composante « droits de l’Homme », dont ce n’était pas la première mission au service de l’ONU, lorsqu’il m’exprimait sa surprise de voir cette opération des Nations unies à ce point affectée par les interférences des grandes puissances.

De plus, alors que la finalité d’une telle mission aurait été de contribuer à un climat de réconciliation et d’apaisement, au moins entre les parties qui respectaient les Accords, l’APRONUC n’a rien fait pour diminuer les tensions récurrentes au Cambodge dès qu’il s’agit du Vietnam et des Vietnamiens. Que du contraire, pour tenter de donner satisfaction aux représentants de Pol Pot au sein du Conseil National Suprême, elle a accordé une grande attention aux exigences des Khmers rouges relatives à la présence de forces étrangères, allant jusqu’à modifier à plusieurs reprises la définition même de la notion de « forces étrangères ». Comme si elle ignorait que plus on accorde aux totalitaires, plus ils en demandent. Lorsque des massacres de civils vietnamiens eurent lieu, l’APRONUC refusa de les protéger et organisa, sous le nom de « Safe Passage », une opération qui avait, vu le contexte, des relents de purification ethnique. S’agissant de favoriser l’apaisement, Radio UNTAC au contraire diffusait un discours carrément antagoniste, comme si on se trouvait dans une campagne électorale américaine d’aujourd’hui.

On l’a compris, je ne partage pas l’euphorie de ceux qui qualifièrent la mission des Nations unies, à la fin de celle-ci, de « triomphe international » ou de « modèle » pour l’avenir. Encore une fois, il me faut être clair. Je suis et je serai toujours un défenseur des Nations Unies car, comme je l’ai écrit dans un livre que je leur ai consacré, il vaut mieux un monde avec l’ONU qu’un monde sans l’ONU. Mais l’ONU porte en elle l’extrême faiblesse d’être subordonnée aux intérêts des grandes puissances. Faut-il y voir les raisons pour lesquelles l’APRONUC n’a pas atteint les 6 objectifs qui lui étaient assignés ? Je le crois.

Qualifié dans tous les documents de « premier et de plus important des objectifs », l’arrêt des hostilités et le désarmement des forces en présence fut un échec total. Le Secrétaire général de l’ONU avait pourtant déclaré lui-même que « la réalisation de cet objectif était une condition préalable à la bonne exécution de l’Accord ». Quinze mois après la signature des Accords, le territoire contrôlé par les Khmers rouges avait plus que doublé. Eric Falt, porte-parole de l’APRONUC, lors de sa dernière conférence de presse, reconnaissait que les Khmers rouges faisaient sauter un pont chaque jour. Ces Accords de paix n’ont pas apporté la paix.

Un autre objectif manqué fut le défaut d’exécution de la « Déclaration sur le relèvement et la reconstruction du Cambodge » qui est le troisième des Accords. Ce texte identifiait une phase de relèvement qui devait précéder la reconstruction, celle-ci étant renvoyée au moment où un gouvernement issu des élections serait en place. Les travaux menés à bien quinze mois après le début de la mission ne représentaient même pas 10% des montants promis par les donateurs à Tokyo en juin 1992. Un rapport présenté trois semaines avant la fin du mandat de l’APRONUC énumérait la longue liste des « besoins immédiats » en terme de relèvement. On ne peut pas trouver meilleure démonstration de ce que les objectifs assignés ne furent pas atteints.

Un troisième objectif concernait le deuxième des Accords, celui relatif à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité et l’inviolabilité territoriales, à la neutralité et l’unité nationale. Faut-il rappeler que l’APRONUC a échoué à maintenir l’unité nationale en créant le concept de « zone inaccessible » pour désigner la zone contrôlée par les Khmers rouges ? Faut-il rappeler que l’APRONUC s’est avérée incapable de maintenir l’inviolabilité territoriale en ne réagissant que très médiocrement aux multiples incursions d’éléments militaires et civils thaïlandais en territoire cambodgien. Des casques bleus furent capturés par des soldats Khmers rouges et détenus en territoire thaïlandais. Faut-il enfin rappeler l’absence totale d’intérêt de l’APRONUC pour les altérations et les déplacements apportés par les deux grands voisins du Cambodge aux bornes frontalières, altérations et déplacements pourtant dûment constatés par les rapports des unités frontalières de l’APRONUC ? Les déclarations du 30 juillet 1992, du 14 décembre 1992 et du 4 février 1993 du Prince Norodom Sihanouk, relatives aux violations de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Cambodge, signent le constat le plus pathétique de cette impuissance de l’APRONUC.

Avant d’aborder les aspects plus positifs du bilan de la mise en œuvre des Accords de Paris, je voudrais faire un sort à un argument qui m’a souvent été objecté selon lequel une mission de maintien de la paix ne peut réussir que si les parties y consentent. Et de me rappeler la différence entre « peace keeping » et « peace making » cette dernière notion devant être couverte par le chapitre VII de la Charte des Nations unies qui permet l’usage éventuel de la contrainte et de la force. Je sais cela. Mais encore une fois, dès lors qu’il fut manifeste que Pol Pot avait décidé de ne pas appliquer les Accords, pourquoi ne pas avoir mis les données nouvelles sur la table et repenser les Accords plutôt que d’avoir donné du crédit aux arguments de ses représentants au Conseil National Suprême ? Pourquoi cette désastreuse « diplomatie de la patience » ? Et pourquoi, dans le même temps, avoir pratiqué des méthodes qui relèvent du chapitre VII à l’encontre des autorités de Phnom Penh en imposant un nouveau code pénal, en nommant un procureur étranger et en réalisant de véritables opérations de commandos dans les administrations centrales ? Un deux poids-deux mesures qui a accru la suspicion des autorités de l’Etat du Cambodge qui n’avaient déjà pas, après les décisions prises à l’ONU entre 1979 et 1991, une confiance aveugle dans les représentants de cette organisation.

A l’inverse de ce qui précède, et donc dans l’évaluation positive de l’APRONUC, on retiendra que celle-ci a jeté les bases d’un environnement pluraliste : 20 partis politiques ont participé au scrutin de 1993, trente journaux ont été créés, quatre associations actives dans le domaine des droits de l’Homme ont commencé leurs activités, tous les prisonniers politiques ont été libérés, sauf ceux, s’ils vivaient encore, détenus par les Khmers rouges. Une véritable presse d’opposition, dont certains titres seront financés par des programmes gouvernementaux étrangers, s’est mise en place. De nombreuses ONG étrangères sont entrées sans le moindre contrôle dans le pays, les premières venant de la zone des camps de réfugiés en Thaïlande, porteuses d’un préjugé défavorable à l’égard des autorités en place. Depuis lors, des milliers d’autres se sont installées et pendant plus de vingt ans, elles ont pu agir dans la plus totale opacité sur leurs responsables, leur financement, leurs projets et leurs activités. Mais ceci est un autre sujet.

Un réel succès de la mission des Nations Unies fut le rapatriement de 372.000 réfugiés répartis dans huit camps dispersés en Thaïlande le long des 800 km de la frontière. Il s’agissait d’une opération gigantesque mobilisant des moyens logistiques considérables dans un contexte politique et militaire qui se dégradait de plus en plus. Ils sont tous rentrés à temps pour pouvoir s’enregistrer comme électeurs.

Je veux rendre hommage à celui qui fut le concepteur et le réalisateur de cette opération, M. Sergio Vieira de Mello, qui a disparu tragiquement en 2003 dans l’attentat de Bagdad contre le quartier général de l’ONU. Il appréciait le non conformisme de mes analyses dont il avait tenu compte pour le plan de rapatriement. Nous étions devenus amis et grâce à lui j’avais pu accompagner une famille depuis le camp de Site 2, près d’Aranyaprathet, jusqu’au lieu de son installation dans la province de Kandal, en utilisant d’abord un autocar pour franchir la frontière et ensuite ce que le HCR appelait le « Sisophon express », le train qui conduisait, très lentement malgré son nom, les rapatriés de Sisophon à Phnom Penh.

Par contre, si le rapatriement, dont le HCR avait la charge, fut un réel succès, la réintégration des rapatriés dans la société, dont les autorités locales et les familles avaient la responsabilité, fut un véritable désastre tant l’accueil réservé fut dérisoire et médiocre. Vus comme des ennemis par les autorités locales et comme des gens ayant échoué à trouver un pays d’accueil par leur famille, les rapatriés furent très mal traités. Deux ans et demi après leur retour, 120.000 d’entre eux étaient réduits à la mendicité.

Il demeure que, dans un climat d’extrême tension, alors qu’un bon tiers du territoire national échappait au dispositif électoral, des élections furent organisées auxquelles la population apporta un appui franc et massif, puisque 89,56% des électeurs participèrent au vote. Il faut rendre hommage aux 400 Volontaires des Nations unies qui avaient auparavant procédé à l’enregistrement des électeurs. Ils n’étaient pas dépendants d’un gouvernement étranger. Ils étaient très qualifiés et très motivés. Vivant dans des conditions précaires, prenant un maximum de risques pour visiter les villages les plus reculés, avec un minimum de protection de la part de la police de l’APRONUC, ils ont recruté du personnel dans chaque district ; ils ont formé 4.000 Cambodgiens aux techniques d’enregistrement et environ 50.000 aux techniques électorales ; ils ont participé aux opérations électorales dans plus de 1.000 bureaux de vote répartis à travers tout le pays. Très, très mal payés, avec l’idéalisme dont sont capables des volontaires, ils ont accompli une des rares missions qui ait été complètement menée à bien par l’APRONUC.

Conséquence d’un système proportionnel imposé par les Accords de Paris, à l’issue du scrutin, aucun parti politique ne disposait ni de la majorité absolue, ni de la majorité des deux tiers requise pour l’adoption de la Constitution.

Rien n’avait été prévu par les Accords pour le gouvernement du pays entre le jour de la proclamation du résultat des élections et l’adoption de la Constitution. Malgré une très forte opposition des Etats-Unis, dont une note verbale rejetait le principe, malgré une très vive hostilité de l’APRONUC, mais avec le soutien de la France et de la Russie et l’absence d’opposition de la Chine, le Prince Norodom Sihanouk réussit à imposer l’idée d’un gouvernement provisoire de coalition. Ce gouvernement provisoire ne fut jamais reconnu comme tel par l’APRONUC, en dépit du soutien massif de l’Assemblée élue. Pourtant, après la promulgation de la Constitution, son existence facilita la mise en place du premier gouvernement de la première législature.

Comme toutes les entreprises humaines qui obéissent à d’autres objectifs que les intentions avouées, les Accords de Paris n’ont conduit ni à un triomphe, ni à un échec total. Le résultat fut celui que nous avons connu. Il ne pouvait en être autrement lorsqu’une mission des Nations Unies est soumise à l’ingérence des grandes puissances et en particulier de la première d’entre elles. Leur agenda était guidé par d’autres considérations que le bien être des Cambodgiens. Mais de cela, ces derniers en avaient fait l’expérience depuis longtemps.

Je laisse, pour conclure, la parole à celui qui était alors encore le Prince Norodom Sihanouk lorsqu’il me confiait « Vous savez, ce qu’ils veulent, c’est être débarrassé du problème cambodgien. Mais à leurs conditions. » Ce propos lucide ne m’empêche pas de considérer, comme les précédents intervenants, qu’il y a un avant et un après les Accords de Paris et que sans cela, nous n’aurions pas le Cambodge d’aujourd’hui.

rmj

[1] Travaux consacrés aux Accords de Paris (1991) et à l’APRONUC par Raoul Marc JENNAR, dont toutes les citations sont tirées :

1.- Chroniques Cambodgiennes, 1990-1994.  Paris, L’Harmattan, 1995, 526 p.

2 – Cambodge : l’entreprise inachevée. Contribution à l’ouvrage collectif sous la direction de Marie-Claude SMOUTS, L’ONU et la guerre. La diplomatie en kaki.  Paris-Bruxelles, Complexe, 1994, 159 p.

3 – UNTAC : « International Triumph  » in Cambodia ?, Oslo, International Peace Research Institute, Security Dialogue, volume 25, number 2, June 1994 : p. 145-156.

4 –  L’ONU au Cambodge. Les leçons de l’APRONUC, Québec, Université Laval, Etudes Internationales, vol. XXVI, n°2, juin 1995 : p. 291-315.

5 – Après l’APRONUC, leçons à tirer. Contribution à l’ouvrage collectif sous la dir. du Général Jean COT, Opérations des Nations Unies. Leçons de terrain : Cambodge, Somalie, Rwanda, ex-Yougoslavie.  Paris, Fondation pour les Etudes de Défense, 1995, 390 p.

6 – Democratization in Cambodia. Contribution à l’ouvrage collectif sous la direction de Michèle SCHMIEGELOW, Democracy in Asia.  Frankfurt, Campus Verlag et New York: St. Martin’s Press, 1997, 555 p.

7 – The 1993 UNTAC Election in the Prospect of the 1998 Cambodian Election. Contribution à l’ouvrage collectif sous la dir. de Kao KIM HOURN et Norbert von HAUFMANN, National Elections: Cambodia’s Experiences & Expectations. Phnom Penh, Cambodian Institute for Cooperation and Peace, 1998, 172 p.

8 – Démocratie et citoyenneté en Asie : le cas du Cambodge. Contribution à l’ouvrage collectif sous la direction de Dominique ROZENBERG et Patrick ABEELS, Droits de l’Homme & Démocratie ; Relativité ou universalité ? Bruxelles, Ligue des Droits de l’Homme et Solidarité Socialiste, 1998, 135 p.

9 – International Co-operation in the Drafting of the 1993 Constitution. Contribution aux actes du symposium international consacré au « Constitutionalisme cambodgien » et organisé conjointement par la Faculté de Droit et de Sciences économiques de Phnom Penh et l’Université de Nagoya (Japon), à Phnom Penh, 10-11 janvier 2003.

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18 septembre 2016 7 18 /09 /septembre /2016 12:15
Israeli Soldiers Killed Dozens of POWs in Past War, Affair Was Hushed Up - Haaretz

(Les soldats israéliens ont assassiné des prisonniers de guerre lors d’une guerre passée, l’affaire a été étouffée)

Aluf Benn – Ha’aretz – 17 septembre 2016

Selon des témoignages obtenus par Haaretz, les prisonniers ont reçu l’ordre de se mettre en file et de se retourner, avant d’être abattus dans le dos. L’officier qui a donné cet ordre a été libéré après avoir passé sept mois en prison, et son supérieur a été promu à de hautes fonctions.

Les soldats israéliens ont assassiné des dizaines de prisonniers lors de l’une des guerres où combattaient les FDI, durant les premières décennies de l’existence d’Israël. L’officier qui a donné cet ordre de tuer les prisonniers a été jugé, mais il s’en est tiré avec une peine ridiculement légère. Son commandant a été promu à de hautes fonctions et toute l’affaire a été étouffée.

Ces dizaines de prisonniers étaient des soldats de l’une des armées ennemies. Ils s’étaient rendus après avoir combattu et posé leurs armes. Certains d’entre eux étaient grièvement blessés.

Les soldats israéliens, qui avaient auparavant pris le contrôle de l’endroit où ils se sont rendus, les ont rassemblés dans une cour intérieure entourée d’un mur, ils leur ont donné de la nourriture et ont parlé avec eux de leur vie et de leur service militaire.

Quelques heures plus tard, ces soldats ont été affectés à une autre mission, et une autre force israélienne a été envoyée pour les remplacer sur le site où les prisonniers étaient détenus. Ce changement de gardiens a soulevé des questions chez les officiers du site quant à ce qu’il convenait de faire des soldats ennemis captifs, parce que la force arrivante refusait d’en prendre la responsabilité, et que la force partante n’avait pas les moyens de transporter les prisonniers.

Le commandant de compagnie, qui était l’officier en charge du site, a alors ordonné à ses soldats de tuer les prisonniers. Selon un témoignage obtenu par Haaretz, les prisonniers ont reçu l’ordre de se mettre en file et de se retourner, avant d’être abattus dans le dos. Un officier ennemi qui avait servi de traducteur a voulu fuir, mais il a été abattu par les soldats de la force arrivante qui était en jeep. Après l’assassinat, un bulldozer de l’armée a empilé les corps dans une fosse improvisée.

Deux témoignages oculaires de l’assassinat des prisonniers ont été remis à un journaliste de Haaretz, il y a de nombreuses années. Selon l’un de ces témoignages, par un homme qui dit avoir refusé d’obéir à l’ordre, le commandant lui a ordonné de descendre de jeep et de tuer les prisonniers blessés. Il a refusé parce que peu avant, les prisonniers lui avaient demandé s’ils allaient être tués, et qu’il leur avait répondu non.

Le commandant l’a menacé alors de passer en cour martiale pour désobéissance à un ordre, mais il a maintenu son refus. Puis un autre homme – le deuxième témoin – s’est levé et s’est porté volontaire pour exécuter l’ordre.

La déposition du deuxième témoin, qui a avoué avoir participé à l’assassinat des prisonniers avec trois de ses camarades, concorde plus ou moins avec celle du premier témoin, bien qu’ils n’aient pas été mis en contact l’un avec l’autre et qu’aucun d’eux ne savait que l’affaire était discutée avec l’autre. Une différence est que le deuxième homme affirme qu’il a, lui aussi, d’abord refusé d’obéir à l’ordre, mais quand son commandant a insisté, il a accepté de l’exécuter. Il ajoute qu’après avoir tiré sur les prisonniers, il s’est approché d’eux et a tiré à nouveau sur eux à une distance de seulement cinq mètres pour s’assurer qu’ils étaient tous morts.

Les forces de défense israéliennes (FDI) ont lancé une enquête de la police militaire sur l’incident, et l’enquête a pris fin avec le passage en jugement du commandant de compagnie pour assassinat. Il a été condamné à trois années de prison, et il a été libéré après seulement sept mois.

Le commandant de compagnie a affirmé avoir reçu l’ordre de tuer les prisonniers par son supérieur, lequel supérieur a atteint par la suite un poste très élevé au sein des FDI. On ne sait pas si ce supérieur a fait l’objet d’une enquête, mais ce qui est certain, c’est qu’il n’a jamais été jugé. Le commandant de compagnie a travaillé comme guide touristique après avoir quitté l’armée, et quand il a été questionné sur le sujet par un journaliste de Haaretz, un an plus tard, il a répondu que « l’affaire était classée » et il lui a dit d’adresser ses questions aux « services de sécurité ».

Cet assassinat de dizaines de prisonniers est l’un des plus sérieux crimes de guerre de l’histoire des FDI, mais l’armée a été blanchie et elle s’est tue. En rendre public les détails reste important, même aujourd’hui, afin de comprendre l’histoire de l’éthique de combat des FDI, et d’en tirer les leçons sur son pouvoir, son enseignement et son commandement pour l’avenir.

http://www.haaretz.com/israel-news/.premium-1.742365

Traduction : JPP pour le Collectif Solidarité Palestine de la Région nazairienne

Comité Solidarité Palestine de la Région nazairienne
Agora, maison des associations
2 Rue Albert de Mun
44600 Saint-Nazaire

Un historien accuse Tsahal d'avoir massacré des soldats égyptiens en 1967

— 17 août 1995

  • Un historien accuse Tsahal d'avoir massacré des soldats égyptiens en 1967

Les forces israéliennes auraient liquidé des centaines de soldats

égyptiens qui s'étaient rendus durant la guerre de juin 1967: c'est l'accusation lancée hier par un chercheur militaire israélien, Aryeh Yitzhaki, qui avait été chargé par l'armée, à l'époque, d'étudier le comportement des troupes durant les hostilités. Selon cet historien de l'université religieuse de Bar Ilan, à Tel-Aviv, près de 900 Égyptiens ont été tués, alors que la plupart avaient jeté leurs armes. «Le massacre le plus important s'est déroulé dans la région d'El-Arish (Sinaï) où quelque 300 soldats égyptiens ou palestiniens de l'Armée de libération de la Palestine ont été liquidés par une unité d'élite», a-t-il affirmé à la radio. Cette unité d'élite, appelée le commando Shaked, était sous les ordres de l'actuel ministre de l'Habitat, Binyamin Ben Eliezer. «Pour se justifier, les soldats ont prétendu que des prisonniers avaient lancé des grenades après leur capture», a-t-il ajouté, précisant que six massacres de prisonniers se seraient produits «dans le feu de l'action», notamment au col de Mitla et à Khan Younes, dans la bande de Gaza.

Le chercheur affirme que le rapport qu'il avait remis en 1968 aux autorités n'avait eu aucune suite et que «l'affaire a été étouffée». Ses révélations interviennent après celles d'un colonel à la retraite, Arié Biro, qui avait reconnu début août avoir «personnellement ouvert le feu sur 40 à 49 soldats égyptiens» prisonniers de guerre en octobre 1956, car il n'avait pas assez d'hommes pour les garder. Biro était à la tête d'une unité de parachutistes commandé par Raphaël Eytan, lui-même dépendant d'Ariel Sharon, deux ténors de la droite aujourd'hui en Israël. (AFP)

commentaire :"L'information de Haaretz (...), n'a 
fait l'objet que de très peu de commentaires sur le site du journal, 12 
au total, 10 fois moins que la moyenne habituelle. Dont 4 pour dire 
qu'ils n'y croyaient pas ou qu'ils n'y croiraient pas tant que les 
circonstances exactes seraient publiées.

Pourtant même s'il y a des éléments nouveaux, des faits qui ont de très 
fortes chances d'être ceux évoqués dans l'article sont connus:

Le 21 août 1994, le New York Times publiait un article citant Ariel 
Biroh, ex Brigadier Général. Celui-ci, parlant des prisonniers égyptiens 
lors de la guerre franco-anglo-israélienne de 1956, déclarait : «Nous ne 
savions pas ce qu'il fallait faire d'eux [les prisonniers de guerre 
égyptiens en 1956]. Il n'y avait pas d'autre choix que de les tuer. Ce 
n'était pas une telle affaire si vous prenez en considération que je 
dormais bien après avoir échappé aux fours crématoires d'Auschwitz.»

La source originelle est : 
http://www.nytimes.com/1995/08/21/world/after-a-general-tells-of-killing-pow-s-in-1956-israelis-argue-over-ethics-of-war.html?pagewanted=all

Dans cet article où figure la citation, la description des assassinats 
est précise. Son commentaire sur Auschwitz peut aussi être cité en 
réponse aux commentaires fréquents (absurdes car il s'agissait rarement 
des mêmes personnes) disant "comment peuvent-ils faire ça après ce qu'on 
leur a fait subir?" : Même des personnes qui ont subi peuvent faire ça.

Notez que la répétition de meurtres de prisonniers est aussi probable en 
1967:
http://www.nytimes.com/1995/09/21/world/egypt-says-israelis-killed-pow-s-in-67-war.html


Jean-Pierre"
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4 septembre 2016 7 04 /09 /septembre /2016 07:15

Communiqué de presse

Depuis soixante-dix ans,et plus , les crimes de guerre commis par l’État Français dans toutes ses colonies ne sont toujours pas reconnus officiellement ,alors qu'ils font partie intégrante de l’histoire de la France.

Pour permettre à tous nos concitoyen(e)s, et notamment à celles et ceux issus de l'immigration de se construire toujours plus fraternellement ,la LDH Saint-Pons-de-Thomières/Hauts-Cantons tient ,en ce jour du 4 septembre, naissance de l'empire colonial,à rappeler au Président de la République François Hollande, qu'il s'était engagé à reconnaître tout les crimes coloniaux.

Notre section LDH demande de ce fait :

-la reconnaissance effective de tous les massacres d’État commis depuis 1870,

- l'abolition (suppression)de la loi sur les « bienfaits » de la colonisation ,(loi française n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ),

-et la mise en chantier de monuments et de lieux de mémoire dédiés à toutes les victimes « indigènes».

Nous interpellons aussi Monsieur Fillon,pour lui dire que :« Non monsieur,la colonisation n'est pas un "partage" » ,ainsi que l'ex-ministre l'a prétendu publiquement il y a tout juste une semaine .

La colonisation Française a ,selon notre section ,toujours imposé son idéologie ,qu'elle soit culturelle, économique ou territoriale.

Fait à Saint-Pons-de-Thomières , le dimanche 4 septembre 2016 .

Revue de presse sur La colonisation selon François Fillon. (www.jeuneafrique.com/ )

La colonisation, un partage de culture : le Cran réclame l'exclusion de Fillon des Républicains

FRANCE 24‎ -

-Modèle du vœu pris par la Mairie de Chalette sur Loing :

Conseil municipal de Chalette sur Loing du 27/06/2016

Voeu

Pour la reconnaissance des massacres du 8 mai 1945

Considérant que le 8 mai 1945, alors que le peuple français fêtait l’armistice, la paix retrouvée et la victoire sur le nazisme, commençaient en Algérie, à Sétif mais aussi à Guelma et Kherrata, des répressions sanglantes de manifestations nationalistes, indépendantistes et anti-colonialistes,

Considérant que ce 8 mai 1945, dans la rue principale de Sétif en Algérie, de nombreux Algériens s’étaient tout d’abord rassemblés pacifiquement pour fêter l’armistice mais aussi exiger la libération du dirigeant nationaliste Messali Hadj, et défendre « l’Algérie libre » pour laquelle ils avaient conçu un nouveau drapeau, symbole de leur lutte pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et pour l’indépendance,

Considérant que pendant plusieurs semaines, l’armée française et de nombreuses milices coloniales, composées de civils d’origine européenne, ont alors fait régner la terreur pour rétablir l’ordre colonial et défendre l’Algérie française,

Considérant que si le nombre des victimes algériennes, officiellement toutes françaises à l’époque mais qui ne l’étaient pas en fait et en droit, est difficile à établir, car encore sujet à débat soixante-dix ans plus tard, le gouvernement algérien avance le nombre de 45 000 morts et les travaux de la très grande majorité des historiens français attestent d’un bilan de dizaines de milliers de victimes arrêtées, torturées et exécutées sommairement,

Considérant que depuis soixante-dix ans, ces crimes de guerre commis par l’État et ceux qui le servaient, ne sont toujours pas reconnus officiellement, et font partie intégrante de l’histoire de France,

Considérant qu’une telle situation est inacceptable, car elle ajoute à ces massacres l’outrage aux victimes, à leurs descendants et à leurs proches,

Considérant que cette page de l’histoire est à fois française et algérienne et que la reconnaître contribuerait à consolider la fraternité entre le peuple Algérien et Français,

Considérant que reconnaître ce massacre commis par l’Etat français permettra à tous nos concitoyens, et notamment ceux issus de l’immigration algérienne, de se construire toujours plus fraternellement dans un avenir commun, celui de la communauté légale républicaine, où toutes les mémoires sont respectées,

Considérant qu’il ne serait être question d’oublier une partie des victimes de ces journées sanglantes et qu’il est important de rendre aussi hommage aux 102 victimes (selon les historiens) issues de la population dite « européennes », ayant perdus la vie au cours des émeutes provoquées par les massacres,

Considérant que le 27 février 2005 pour que, lors d’une visite à Sétif, M. Hubert Colin de Verdière, ambassadeur de France à Alger, a qualifié les « massacres du 8 mai 1945 » de « tragédie inexcusable » et que son successeur M. Bernard Bajolet a déclaré à Guelma en avril 2008 devant des étudiants algériens que « le temps de la dénégation des massacres perpétrés par la colonisation en Algérie est terminé »,

Considérant que M. François Hollande, lors de sa campagne électorale avait promis que l’Etat Français procéderait à la reconnaissance des crimes coloniaux,

Considérant que cette reconnaissance relève du devoir de mémoire, tout comme celle des massacres du 17 octobre 1961, qu’elle justifie la création d’un lieu du souvenir à la mémoire de celles et ceux qui furent assassinés, l’ouverture de toutes les archives relatives à ces terribles événements, et la reconnaissance par la République des crimes commis alors,

Le Conseil municipal émet le voeu que le Maire de Chalette sur Loing :

  • Interpelle le Président de la République M. François Hollande afin que l’Etat Français reconnaisse officiellement les massacres du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata, et sur l’ouverture de toutes les archives relatives à ces terribles événements,

  • Soutien l'instauration d'un lieu du souvenir à Paris à la mémoire de celles et ceux qui furent assassinés, comme se fut le cas en 2001 pour le lieu de mémoire des victimes du 17 octobre 1961,

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