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19 décembre 2018 3 19 /12 /décembre /2018 13:00
 

Auteur avec son équipe en 2012 d’une étude sur la toxicité à long terme d’un maïs résistant au Roundup, le Professeur Séralini a fait l’objet depuis de plusieurs critiques de son travail. Dans cette tribune, il répond une nouvelle fois à ses détracteurs.

Le professeur Gilles-Éric Séralini est codirecteur du pôle Risques, Qualité et Environnement durable à l’université de Caen. Ses études sont téléchargeables ici. En 2012, le professeur et son équipe ont publié une étude sur les effets à long terme du maïs transgénique NK603 résistant au Roundup. Reporterre avait informé de cette publication et des réactions qu’elle avait provoquées.

Le 11 décembre 2018, Sylvestre Huet a mis en ligne un long article sur son blog affirmant que mon équipe de recherche a eu définitivement tort sur la toxicité à long terme du maïs OGM tolérant au Roundup, et du Roundup. Les plantes génétiquement modifiées tolérantes à ce principal herbicide du monde sont transformées pour pouvoir en contenir beaucoup sans en mourir. Ce caractère des OGM représente 80 % des cultures modifiées aujourd’hui. Nous avons confirmé nos travaux et, oui, ces OGM sont toujours des poisons.

Nous avons prouvé la toxicité très importante du Roundup lui-même, qui est le principal herbicide du monde, dont la prétendue matière active est le glyphosate tant débattu. Cette expérience avec le Roundup testé sur des rats à des doses minimes (autorisées dans l’eau) pendant deux années reste unique au monde et non répétée, mais on n’en parle pas. Le journaliste ne me contacte pas, comme l’éthique d’un débat correct le voudrait. Il préfère affirmer dès la deuxième ligne que nos rats auraient été atteints de « cancers envahissants » alors que nous avons souligné dans notre article la toxicité des tumeurs, même non transformées en cancers, les maladies graves rénales (néphropathies sévères) et du foie (stéatoses hépatiques) qui ont tué ces animaux soumis aux OGM et au Roundup.

Nous n’avons pas cessé de travailler depuis 2012 ni cessé de confirmer nos résultats

Nous l’avons bien détaillé, précisant que ce n’était pas une étude sur le cancer que nous faisions, mais bien plus générale. Une recherche centrée sur le cancer n’aurait pas été pertinente, et serait passée à côté de l’essentiel, comme certains disent l’avoir fait sans le publier encore. Les rats étaient nombreux, par groupe de 20, adaptés aux études car nos contrôles étaient nourris sans aucun pesticide, nos statistiques furent puissantes pour mesurer les variations sur l’ensemble des paramètres à la fois. Nous avons publié en open source [libre accès, Ndlr] nos données brutes. Les tumeurs n’ont pas été mesurées régulièrement par ceux qui ont voulu recommencer une partie des études que nous avons réalisées, hélas. Superficialité ou mauvaise intention journalistique de taire cela dans un débat sur la santé publique ?

Ce que M. Huet semble ignorer, c’est que nous n’avons pas cessé de travailler depuis 2012 ni cessé de confirmer nos résultats dans des journaux scientifiques d’envergure. En 2015, utilisant déjà des méthodes de « transcriptomique », nous avons montré dans Environmental Health la spécificité de nos résultats affectant les reins ; en 2016, par des méthodes poussées de « multiomics », comme le font aujourd’hui d’autres auteurs sur ce sujet, nous avons prouvé les modifications importantes dans ledit maïs transgénique lui-même ; et en 2017, toujours dans Scientific Reports du prestigieux groupe Nature, nous avons détaillé la toxicité à très petite dose du Roundup sur le foie. Chaque fois, les lobbys qui ont peur pour leurs intérêts, se sont déchaînés contre la revue, chaque fois, nous avons répondu. Les contenus du Roundup en dérivés de pétrole très mutagènes et d’arsenic, bien plus herbicides et toxiques que le glyphosate, qui n’est même pas un herbicide tout seul, nous l’avons publié de 2005 à 2018.

Tout le débat sur le glyphosate est décalé, à côté de la plaque, à cause de cela. Pas un mot de M. Huet sur tous ces résultats, pourquoi ? Comment et par qui s’informe-t-il ? Pourquoi alors cite-t-il les méthodes apprises dans les écoles de journalisme ? Il ne peut pas ignorer les sept procès en diffamation que nous avons engagés et gagnés contre les lobbys, infiltrés jusque dans les agences publiques recopiant les dires de la société Monsanto ces dernières années. Il ne peut pas ignorer les « Monsanto Papers » notamment sur mon « affaire » qui ont fait les colonnes et les pages du Monde en 2017 pour montrer les preuves flagrantes des soudoiements et organisations pour me diffamer, rétractation d’un article, pressions sur les journaux scientifiques et grand public, et listes de contre-vérités scientifiques assénées par cette entreprise mondiale, afin de réduire au silence ceux qui découvrent la toxicité de ses produits.

Nos études sur le Roundup (et les OGM en contenant) n’ont jamais été répétées à ce jour

M. Huet ne peut pas ignorer qu’en 2012, nos recherches avaient été passées au crible pendant quatre mois par les meilleurs spécialistes avant d’être publiées, qu’aucune fraude n’y a été trouvée par nos détracteurs scientifiques dans le journal scientifique qui nous a édités, et qu’elles n’avaient nul besoin de l’aval des « experts » ayant autorisé dans le commerce les OGM ou le Roundup pour paraître. Ces derniers, les journalistes les interviewaient pour apporter la contradiction, mais sans dire leurs rôles ni conflits d’intérêts. Les connaissaient-ils ? C’est pour expliquer ces manigances au plus niveau des Etats que j’ai écrit deux livres (Tous cobayes, Flammarion 2012 ; Poisons cachés, avec Jérôme Douzelet, Actes Sud, 2017) ; et le film de Jean-Paul Jaud a été inspiré par le premier. Pas pour les basses raisons que M. Huet a insinuées.

Nos études sur le Roundup (et les OGM en contenant) n’ont jamais été répétées à ce jour, car nous les avons réalisées sur deux années, mesurant les tumeurs, les hormones sexuelles (ces tumeurs étant hormono-dépendantes), et allant jusqu’à ce qui se fait de mieux pour les spécialistes, la microscopie électronique, la « métabolomique », la « transcriptomique », la « protéomique », pour les organes, ou la spectrométrie de masse pour les analyses du Roundup. Alors, affirmant gratuitement que nous avons tort, car certains publient des études bien plus courtes, de trois mois ou six mois, avec parfois un autre OGM et en tout cas une autre souche de rats moins sensibles, et surtout avec des témoins nourris avec des plantes recevant aussi des pesticides, ce qui masque les résultats, comme le font les industriels, n’est vraiment pas sérieux. Mettons tout sur la table avant que les populations du monde, cela commence à être prouvé aux États-Unis, ne soient malades avec ce Roundup contenant de l’arsenic, une honte à bannir avec les OGM transformés pour en contenir.

  • Voir aussi une vidéo de France 3 dans laquelle le Pr Séralini répond à propos de l’étude « GMO90+ » publiée le 10 décembre 2018 dans la revue « Toxicological Sciences ».
     

 

 

 


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-Revue de presse sur les agrotoxiques ultimes,leur allergènie , et leur lien avec de  l'extrémisme politique :

 
"Assermenté mardi à la présidence du Brésil, le leader d’extrême droite a ainsi désigné Tereza Cristina da Costa pour diriger le puissant ministère de l’Agriculture, un secteur qui constitue un jalon essentiel de l’économie du pays le plus vaste et le plus peuplé d’Amérique latine.

M. Bolsonaro, un ancien militaire qui a reçu le soutien du secteur agricole industriel durant sa campagne, a du même coup choisi de confier à la nouvelle ministre (partisane du recours aux pesticides) la gestion des territoires indigènes, qui recouvrent actuellement près de 15 % de la superficie du pays. Ces territoires protégés constituent, dans plusieurs cas, les seuls véritables remparts contre la déforestation ou l’exploitation des énergies fossiles et des ressources minières."

Un des insecticides synthétisés par plusieurs plantes transgéniques (OGM) pourrait faciliter voire provoquer des allergies. C’est ce qu’ont affirmé en août 2018 des chercheurs mexicains. Un travail que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA / EFSA) ne considère pas comme une preuve formelle qui pourrait remettre en cause ses propres avis.

Les OGM ont-ils des impacts sur la santé ? Peuvent-ils être toxiques, provoquent-ils des allergies ? Dans l’Union européenne, avant toute autorisation commerciale éventuelle d’une plante transgénique, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) donne son avis sur d’éventuels risques sur la santé humaine ou animale et sur l’environnement à partir d’analyses fournies par l’entreprise à l’origine de la demande d’autorisation. Une évaluation qui, malgré les nombreuses critiques portant sur ses lacunes, se réduit progressivement au strict minimum depuis cinq années [1] [2] [3].

Une étude mexicaine (re)lance le débat

L’équipe du Pr Moreno Fierros de l’Université nationale autonome du Mexique s’est intéressée au potentiel allergène de la protéine Cry1Ac. Une protéine insecticide choisie sciemment, de nombreuses plantes étant génétiquement modifiées par transgenèse pour produire une telle protéine de la famille de Cry [4]. Leurs résultats publiés en mai 2018 dans la revue International Immunopharmacology [5] confirment une série d’études déjà publiées par les mêmes chercheurs.

Dans les grandes lignes, l’expérience est assez simple : des souris ont ingéré la protéine Cry1Ac durant 42 jours, le temps que ces cobayes voués à éventuellement devenir allergiques développent les bases de cette allergie. Au bout des 42 jours, les chercheurs ont donné aux souris des doses plus importantes de protéine Cry1Ac. Ils ont ensuite comparé les paramètres biochimiques dans le sang et certains de leurs organes à ceux d’autres souris ayant ingéré une protéine au pouvoir allergène établi ou aucune protéine allergène. Tout en précisant que les quantités de protéines Cry étudiées sont supérieures à celles trouvées dans les plantes transgéniques, les chercheurs concluent que cette protéine Cry1Ac peut induire une réaction allergique mais également jouer le rôle d’adjuvant, c’est-à-dire faciliter une réaction allergique à d’autres protéines. Pour eux, des recherches complémentaires devraient donc être menées, que ce soit pour creuser les effets de cette protéine chez l’être humain ou pour étudier les autres protéines de la famille Cry.

Les experts européens demandent plus d’informations

La Commission européenne a donc demandé à l’AESA de lui indiquer si « cette nouvelle information scientifique contient des éléments qui pourraient amener l’AESA à reconsidérer les résultats de ses précédents avis sur les cultures génétiquement modifiées avec Cry1Ac ». Pour répondre, l’AESA a mobilisé son équipe salariée plutôt que ses experts et a donc publié un « rapport technique » et non pas un « avis ».

Dans ce rapport daté de novembre 2018 [6], et bien qu’expliquant être « conscient de la pertinence du sujet » et avoir même initié une collecte d’informations supplémentaires sur la question des adjuvants dans l’alimentation humaine, l’AESA conclut que cette étude mexicaine ne remet pas en question les précédents avis de son comité d’experts sur les OGM lesquels concluaient à l’absence d’un risque lié aux protéines Cry produites par des plantes transgéniques.

Ce rapport de l’AESA ne rejette pas en bloc les observations faites par les chercheurs mexicains, mais souligne qu’ils n’ont pas formulé leur question de base de manière assez précise. Ils auraient également usé de «  raccourcis dans le protocole suivi et l’interprétation des données ». Des biais qui, selon l’AESA, empêcheraient d’attribuer de manière non ambigüe un caractère allergène ou un rôle d’adjuvant à la protéine Cry1Ac. Des imprécisions d’unités de mesure, un protocole déficient notamment en ce qui concerne le nombre d’animaux utilisés (cinq au lieu de dix par groupes), leur âge trop avancé (sept semaines au lieu de quatre) ou encore des contrôles témoins insuffisants s’ajoutent à la liste des critiques. Pour l’AESA, il n’est donc pas possible de savoir si les effets observés « par Santos-Vigil et al. (2018) sont liés à la protéine Cry1Ac seulement ou si d’autres protéines, à savoir des protéines non allergènes, faiblement allergènes et fortement allergènes, se seraient comportées de la même manière dans les conditions testées ».

Recherche fondamentale versus analyses réglementaires

Interrogés par Testbiotech, les chercheurs mexicains contestent les critiques formulées [7]. Ils expliquent d’abord que leur travail est un travail de recherche fondamentale sur une protéine Cry et non un travail d’évaluation réglementaire sur des OGM. S’ils ne sont pas d’accord avec plusieurs critiques formulées par l’AESA sur leur protocole, les scientifiques renvoient, avec cette différence entre recherche fondamentale et réglementaire, à la nature même de travaux qui ne sont pas destinés à la même information, une recherche fondamentale fournissant des pistes, des indications à confirmer ou infirmer alors qu’une recherche réglementaire vise à fournir une réponse ferme, affirmative ou négative [8].

Mais l’intérêt de la réponse des chercheurs mexicains se trouve surtout dans la précision apportée sur les quantités de protéines Cry exprimées dans les OGM. Ils rappelaient déjà dans leur article les incertitudes existantes, les quantités de protéines Cry pouvant varier « considérablement » chez les plantes tout comme les mesures peuvent varier « grandement » d’un dosage à un autre [9]. Leur réponse à Testbiotech est l’occasion de rappeler également que certaines plantes transgéniques expriment aujourd’hui plusieurs protéines Cry. Des OGM pour lesquels les «  concentrations en toxines Bt [vont être] bien supérieures à celles que produisent des plantes à une seule toxine Bt  ». Mais les scientifiques mexicains se refusent à affirmer « qu’il existe des risques sanitaires liés à la consommation d’OGM contenant cette protéine » Cry1Ac. Ils suggèrent « simplement que l’évaluation des risques des produits OGM devrait être conduite en utilisant un modèle adéquat » car aujourd’hui, l’AESA rend de fait des avis pour des plantes exprimant une ou plusieurs protéines Cry sans être sûre des quantités présentes. Les chercheurs notent finalement avec malice qu’il « est bon de savoir que l’AESA est consciente de la pertinence d’une évaluation correcte de l’allergénicité des protéines Cry »...

Des biais dans l’avis de l’AESA ?

Dans son rapport, l’AESA n’aborde effectivement pas la possibilité que les quantités de protéines Cry soient mal connues, disparates au sein d’une plante ou entre deux plantes, ni la question de leurs quantités dans les OGM empilés produisant quatre, cinq voire, pourquoi pas, plus de protéines Cry. Cela fera-t-il partie des points qui seront discutés suite à la « collecte d’informations supplémentaires » ? Rien ne permet de l’affirmer aujourd’hui.

L’AESA opère surtout un tour de passe-passe intellectuel. Face à une question sur d’éventuels risques allergiques d’une protéine Cry renseignés par un travail de recherche fondamentale, elle se place en position attentiste voire de dénégation. Alors qu’on aurait pu attendre de la part de l’AESA une ouverture sur un besoin de travail supplémentaire, une audition des scientifiques mexicains ou une mission interne sur le sujet, ils rappellent simplement que l’AESA fera une collecte d’informations supplémentaires sur la question des adjuvants dans l’alimentation humaine. Certains pourraient s’en satisfaire, mais, a minima, les résultats de cette collecte d’informations devraient être attendus avant toute éventuelle nouvelle opinion sur les OGM concernés…

D’autant que l’AESA fait certains constats qui pourraient justifier une plus grande prudence de sa part. Elle constate ainsi que « des études similaires avec d’autres protéines Cry ne sont disponibles que pour Cry1Ab, mais pas pour d’autres protéines ». Mais, au lieu de demander des études sur d’autres protéines Cry (Cry1Ac...) utilisées dans des OGM, l’AESA conclut que « de ce peu de données scientifiques, le panel OGM de l’AESA n’a pas trouvé d’indications que la présence de protéines Bt [...] puisse avoir un rôle d’adjuvant »...

Pour l’AESA, l’absence de preuve d’un risque d’allergénicité et/ou d’adjuvanticité est donc une preuve de l’absence de risque, même avec des données scientifiques qui soulèvent la question. Pourtant, un ancien expert en allergologie de l’AESA, Jean-Michel Wal, avait par deux fois souligné ce problème d’allergénicité, citant notamment les précédents travaux de cette équipe mexicaine. Il avait d’ailleurs formalisé ses remarques dans deux opinions minoritaires, fait rare dans les avis publiés par l’AESA. Dans son rapport, il apparaît en tout cas clair que l’AESA n’envisage pas pour l’instant de demander l’approfondissement scientifique de ce problème. Une posture étonnante alors que les dossiers de demande d’autorisation d’OGM produisant plusieurs protéines Cry s’accumulent en Europe...

 

[4Tels que listés par l’AESA, ces avis sur des plantes GM exprimant la protéine transgénique Cry1Ac sont au nombre de neuf : six cotons 281-24-236*3006-210-23, Mon531, Mon531*Mon1445, Mon15985, 281-24-236*3006-210-23*Mon88913 et GHB614*LLCotton25*MON 15985, et trois sojas Mon87701, Mon87701*Mon89788 et DAS-81419-2

[5« Study of the allergenic potential of Bacillus thuringiensis Cry1Ac toxin following intra-gastric administration in a murine model of food-allergy », K.I. Santos-Vigil et al., International Immunopharmacology, 61 (2018), pp.185-196.

[6« Relevance of new scientific information (Santos-Vigil et al., 2018) in relation to the risk assessment of genetically modified crops with Cry1Ac », AESA, 9 novembre 2018.

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