Nous n’aurons jamais vu un règlement européen être accepté aussi rapidement par les gouvernements européens (en moins de 3 mois !), et ce malgré les inquiétudes exprimées par divers États. Macron les a manifestement convaincu que, les élections européennes approchant, ils pourraient maintenir leur pouvoir en agitant l’inaltérable prétexte terroriste. En résulte une censure et une surveillance généralisée de l’Internet.
Le Conseil de l’Union européenne vient donc d’acter, à l’instant et sans le moindre débat sérieux, un projet de loi qui obligera tous les acteurs du Web à se soumettre aux outils de surveillance et de censure automatisés fournis par Facebook et Google, tout en permettant à la police d’exiger le retrait en une heure des contenus qu’elle jugera « terroriste », sans l’autorisation d’un juge.
Deux mesures aussi délirantes qu’inédites, qui conduiront à soumettre tout l’écosystème numérique européen à une poignée de géants que l’Union prétend cyniquement vouloir combattre (lire notre analyse), tout en risquant de remettre en cause la confidentialité de nos correspondances… Et tout ça alors que ni la Commission européenne ni les gouvernements n’ont jamais réussi à démontrer en quoi cette loi serait utile pour lutter contre le terrorisme.
Le débat sur ce texte se poursuivra maintenant devant le Parlement européen. Celui-ci votera mercredi prochain, le 12 décembre, un premier « rapport sur la lutte anti-terroriste » qui, sans avoir l’effet d’une loi, promeut peu ou prou les mêmes mesures absurdes que celles prévues dans le « règlement de censure anti-terroriste », que le Parlement examinera dans les semaines suivantes.
Ce premier vote de mercredi sera l’occasion pour chaque député européen de révéler sa position face au projet totalitaire d’Emmanuel Macron, et ils devront en rendre compte alors que s’amorce la campagne électorale pour les élections européennes de 2019.
- Lire également le CP - Défenseur des droits - Déontologie
Vendredi 7 Décembre 201 8
Le Défenseur des droits, autorité constitutionnelle indépendante chargée de défendre les droits et libertés, a notamment pour mission de veiller au respect de la déontologie des professionnels de la sécurité et de défendre et de promouvoir l’intérêt supérieur de l’enfant.
En conséquence, le Défenseur des droits a décidé d’ouvrir une enquête sur les conditions dans lesquelles se sont déroulées des interpellations de lycéens à Mantes-la-Jolie. Il mettra en œuvre ses pouvoirs d’investigation pour instruire ce dossier dans le respect du contradictoire, comme il le fera également dans plusieurs saisines qui lui ont déjà été adressées suite aux manifestations récentes.
Dans ce contexte, le Défenseur des droits rappelle qu’il avait, en décembre 2017, à la demande du Président de l’Assemblée nationale, fait un rapport général sur le maintien de l’ordre qui contenait plusieurs recommandations parmi lesquelles :
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le retrait des lanceurs de balles de défense de la dotation des forces chargées du maintien de l’ordre au cours des manifestations ;
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la réalisation d’une expertise sur les armes dites de force intermédiaire, notamment la GLI-F4, visant à mieux encadrer leur usage ;
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le renforcement de la communication et du dialogue dans la gestion de l’ordre public, avant et pendant le déroulement des manifestations, afin notamment de rendre plus compréhensible l’action des forces de sécurité ;
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la conduite d’une étude sur la mise en œuvre en France de la doctrine dite de la « désescalade de la violence ».
-la suite de l'empêchement du débat public ,à l'Européenne:
Le texte européen le plus liberticide de cette décennie est en approche
Hors un certain nombre de pays qui se sont opposés à ce texte, le Conseil de l’Union européenne vient d’acter un projet de loi au parfum pour le moins désagréable pour ce qui concerne les libertés publiques. Poussé par la gouvernance actuelle française, ce texte – peu médiatisé – pourrait s’avérer l’un des coups les plus violents jamais portés à la liberté d’expression dans les pays « démocratiques » de l’Union européenne. Le débat autour de ce texte va maintenant se poursuivre au parlement européen.
Il convient de préciser que le 12 décembre 2018 un premier rapport sur la lutte antiterroriste a été adopté à une très large majorité : sur 661 votants, 474 ont voté en faveur de ce dernier tel qu’il a été amendé, 112 voix contre, 75 votants se sont abstenus. Cette adoption était prévisible. Il faut toutefois noter qu’elle s’est déroulée dans un contexte très particulier : au lendemain du terrible drame de Strasbourg à proximité du marché de Noël. Ce rapport sur « les observations et les recommandations de la commission spéciale sur le terrorisme » est dans la même ligne. Ce rapport désormais adopté est un marchepied qui vient appuyer le texte à venir, texte qui recommandera entre autres mesures la sous-traitance de la censure aux géants de l’Internet.
De quoi s’agit-il ?
Usant toujours de la même argumentation – a priori- louable : la lutte contre le terrorisme, ce texte – que vous retrouverez sous l’intitulé : « Règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif à la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne » obligera tous les acteurs du Web à se soumettre aux outils de surveillance et de censure automatisés fournis par Facebook et Google. Quand la Quadrature du Net qui soulève le problème s’interroge : « Une loi européenne pour censurer les mouvements sociaux sur Internet ? » La réponse apparaît tristement contenue dans la question au regard des éléments exposés ci-après et des mouvements sociaux qui se déroulent en France depuis quelques semaines.
Nonobstant un projet réalisé dans un timing empêchant tout débat public, ces alliances contre-nature associant des géants du Net à des États dans l’exercice de la censure sont préoccupantes.
Pourquoi est-ce une dérive dangereuse ?
Si le règlement européen franchit ici un nouveau cap, c’est qu’au-delà d’une exigence de retrait dans l’heure sous peine de sanctions financières des prestataires, ce projet de loi prévoit d’intégrer également des « mesures proactives ».
Il s’agit donc d’avoir recours à de la censure automatique préventive ! Pour faire simple, cette censure serait alors paramétrée par les autorités concernées et les géants du web.
Voici ci-dessous quelques extraits de ce que propose ce projet de règlement en terme de mesures proactives (article 6). Un règlement que je vous encourage à lire attentivement et dans son ensemble (Bruxelles,le 7 décembre 2018 : Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne).
Mesures proactives
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Les fournisseurs de services d’hébergement prennent, selon le risque et le niveau d’exposition aux contenus à caractère terroriste, des mesures proactives pour protéger leurs services contre la diffusion de contenus à caractère terroriste. Ces mesures sont efficaces et proportionnées, compte tenu du risque et du niveau d’exposition aux contenus à caractère terroriste, des droits fondamentaux des utilisateurs et de l’importance fondamentale de la liberté d’expression et d’information dans une société ouverte et démocratique.
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Lorsqu’elle a été informée conformément à l’article 4, paragraphe 9, l’autorité compétente* visée à l’article 17, paragraphe 1, point (c), demande au fournisseur de services d’hébergement de soumettre, dans les trois mois suivant la réception de la demande, et ensuite au moins une fois par an, un rapport sur les mesures proactives spécifiques qu’il a prises, y compris au moyen d’outils automatisés.
Lorsque il est évoqué la notion « d’autorité compétentes » qui seront habilitées à superviser ces mesures proactives elles sont « précisées » dans le point (37) :
« (37) Aux fins du présent règlement, les États membres devraient désigner des autorités compétentes. L’obligation de désigner des autorités compétentes n’impose pas nécessairement la création de nouvelles autorités ; il peut en effet s’agir d’organismes existants chargés des fonctions prévues par le présent règlement. Celui-ci exige la désignation d’autorités compétentes chargées d’émettre les injonctions de suppression et les signalements et de superviser les mesures proactives, ainsi que d’imposer des sanctions. Il appartient aux États membres de décider du nombre d’autorités qu’ils souhaitent désigner pour remplir ces tâches ».
De la contestation à la sédition… jusqu’au terrorisme : le poids des mots, le choc de la censure !
Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, quand le ministre de l’Intérieur dénonce « les séditieux » parmi les gilets jaunes, on peut s’inquiéter fortement sur l’usage futur et dévoyé qui pourrait être fait par la gouvernance actuelle (et d’autres) d’une telle loi.
Les mots ont un sens, et les mots ne sont pas innocents ! Ils le sont d’autant moins lorsque l’on est aux responsabilités. Je rappelle donc qu’une sédition « est une forme d’émeute face à un pouvoir ou une autorité établie, dont le but ne serait pas uniquement de renverser les détenteurs d’une puissance, mais de rompre définitivement tout lien avec ce système ».
La problématique est que de « sédition » à « criminel » puis à « terroriste » il n’y a qu’un pas qui pourrait être vite franchi pour justifier une censure totalement outrancière en cas de mouvement social contestataire s’exprimant demain sur Internet.
Aussi, et au regard du type de qualificatif qui a été utilisé lors du mouvement de contestation sociale massif qui se déroule actuellement en France, que ce qualificatif soit supposé désigner quelques individus ou un collectif est en définitive peu important… Le mot a été lâché ! Il laisse sous-entendre que sous une telle loi un mouvement de contestation du type des « gilets jaunes » – en France comme ailleurs – pourrait être traité comme un mouvement potentiellement séditieux et de fait être censuré au plus tôt par les autorités et leurs nouveaux alliés de la censure.
Cela entraînerait ipso facto (par exemple) une impossibilité d’usage du Net pour l’organisation de rassemblements. Que ces rassemblements soient pacifiques ou non, ils pourraient être rapidement mis « dans le même panier » ! Le couperet de la censure pourrait alors s’abattre de façon généralisée et préventive pour “tuer dans l’œuf” ce type de mouvement contestataire. Il sera nécessaire et suffisant de s’appuyer sur les comportements de quelques illuminés réellement dangereux… pour brandir le terme sédition et co-actionner la censure algorithmique adaptée ! Pour le bien de la sécurité nationale, évidemment…
« Puisque le peuple vote contre le Gouvernement, il faut dissoudre le peuple ». (Bertolt Brecht)
-« L’essayiste Nick Srnicek souligne combien la monopolisation des données fait prospérer Google et Facebook. »
Fruits des progrès de l’informatique, des multinationales rendues célèbres par le moteur de recherche Google, le réseau social Facebook ou même le covoiturage Uber auraient fait accéder le capitalisme à un stade « supérieur ». Ce que conteste Nick Srnicek, spécialiste de l’économie numérique. Selon lui, « nous sommes encore et toujours enchaînés à un système qui repose essentiellement sur la concurrence et la rentabilité », mais qui connaîtra son déclin.
Dans Capitalisme de plateforme, son essai percutant sur « l’hégémonie de l’économie numérique », le chercheur britannique montre que, pour remédier à l’affaiblissement du secteur manufacturier, des affairistes se sont tournés vers l’exploitation des données de l’information dans tous les domaines. Il s’agirait d’une activité plus « intelligente », plus « cognitive », plus démocratisée que l’industrie de jadis, du moins en apparence…
Les relations entre consommateurs et entrepreneurs s’y fondent sur un pivot numérique en constituant ce que les observateurs du nouveau modèle économique appellent une « plateforme ». Mais Srnicek ne se laisse pas leurrer par l’attrait de la nouveauté. Il établit qu’en fait « les plateformes se sont vite avérées la manière la plus efficace de monopoliser » les données, comme s’il s’agissait d’une matière première dans la vraie tradition du capitalisme.
L’essayiste souligne combien cette monopolisation des données fait prospérer Google et Facebook. Au premier trimestre de 2016, 89 % des revenus du premier et 96,6 % de ceux du second, précise-t-il, « provenaient des annonceurs publicitaires ». Il s’agit d’une concurrence que certains jugent déloyale, avec la traditionnelle presse d’opinion imprimée en quête, elle aussi, de revenus publicitaires…
De plus, les plateformes, note-t-on, bénéficient d’une gigantesque aubaine : la présence de la main-d’œuvre gratuite des internautes, qui leur fournissent innocemment nombre de précieuses données ! Elles ont beau se piquer d’apporter au capitalisme un sens social inédit, en réalité, pour ne pas trop contribuer aux finances publiques, elles pratiqueraient allègrement l’évasion fiscale. Srnicek ne craint pas de classer Google, Apple, Facebook, Amazon et Uber parmi les champions en la matière.
L’essayiste démystificateur conclut en analysant le phénomène spectaculaire des plateformes défendu par les partisans retors d’une accessibilité superficielle : « Nous n’assistons pas à la fin de la propriété mais bien à sa concentration. » Or, cette évolution typique et sournoise du capitalisme n’échappe pas aux graves fluctuations historiques de ce système. Même l’économiste en chef de Google, Hal Varian, en est conscient.
Srnicek n’est peut-être pas si rêveur lorsqu’il imagine qu’à l’avenir on pourra « collectiviser les plateformes » rendues à bout de souffle.
Extrait de «Capitalisme de plateforme»