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13 mars 2017 1 13 /03 /mars /2017 07:15

2017-03-13 (jp-ccl) Le Conseil d’Etat est saisi d’une requête en annulation du décret du 26 janvier 2017 relatif à l’UNAASS

Publié le : 11 mars 2017

Sur ce même sujet : 2017-02-08 (art-dp) (Hospimedia) Le décret du 26 janvier 2017 relatif à l’union nationale des associations agréées des usagers en santé va être attaqué devant le Conseil d’État

Décret du 26 janvier 2017 relatif à l’Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé (Legifrance) : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/…

Loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (Legifrance) : https://www.legifrance.gouv.fr/affi…


 
2017-03-13 Recours en excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat.

R

RECOURS POUR EXCÈS DE POUVOIR

CONSEIL D’ETAT
 

POUR :

1. - L’association Cercle de Réflexion et de Proposition d’Action sur la psychiatrie(CRPA),
Association régie par la loi de 1er juillet 1901, dont le siège social est
14 rue des Tapisseries – 75017 PARIS, prise en la personne de son Président, Monsieur André Bitton, domicilié en cette qualité audit siège.

2. - L’association Coordination Nationale des Comités de Défense des Hôpitaux et Maternités de proximité,
Association régie par la loi du 1er juillet 1901, dont le siège est 1 rue Jean Moulin – 70200 LURE, prise en la personne de sa Présidente domiciliée en cette qualité audit siège.

3. - L’Association GRANDIR, dite association des parents d’enfants ayant des problèmes de croissance,
Association régie par la loi du 1er juillet 1901, reconnue d’utilité publique, dont le siège est 24 rue Hector G. Fontaine – 92600 ASNIERES, prise en la personne de sa Présidente domiciliée en cette qualité audit siège.

4. - L’Association ACTIF SANTÉ,
Association régie par la loi du 1er juillet 1901, dont le siège est 47 rue Bisson – 75020 PARIS, prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège.

Ayant pour Avocat :
Maître Raphaël Mayet.
SELARL Mayet et Perrault
Avocat à la Cour – C 393 - 78000 VERSAILLES
 

CONTRE :

Le Décret n°2017-90 du 26 janvier 2017 relatif à l’Union Nationale des Associations Agréées d’Usagers du Système de Santé.
 

Requête déposée le 13 mars 2017, rédigée le 9 mars 2017.
 

La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé a inséré dans le Code de la Santé Publique les articles L 1114-6 et L 1114-7 ainsi rédigés :

Article L 1114-6 : « Il peut être créé une Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé, composée des associations d’usagers du système de santé agréées au plan national qui apportent à l’union leur adhésion.

Cette union est constituée sous le régime de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. Ses statuts et son règlement sont soumis à l’agrément du ministre chargé de la santé.

L’Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé est habilitée à :

1° Donner ses avis aux pouvoirs publics sur les questions relatives au fonctionnement du système de santé et leur proposer les mesures qui paraissent conformes aux intérêts matériels et moraux de ses membres ;

2° Animer un réseau des associations agréées d’usagers aux niveaux national et régional ;

3° Agir en justice pour la défense de ses propres intérêts moraux et matériels comme de ceux des usagers du système de santé ;

4° Représenter les usagers auprès des pouvoirs publics, notamment en vue de la désignation des délégués dans les conseils, assemblées et organismes institués par les pouvoirs publics ;

5° Proposer au ministre chargé de la santé une liste des associations mentionnées à l’article L. 1114-1.

Chaque association d’usagers du système de santé, dans la limite de ses statuts, conserve le droit de représenter auprès des pouvoirs publics les intérêts dont elle a la charge ».

Article L 1114-7 : « L’Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé est administrée par un conseil dont les membres sont élus selon les conditions définies dans ses statuts.

Ne peuvent être membre du Conseil d’Administration les personnes frappées par une mesure d’interdiction des droits civiques, civils et de famille.

Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de mise en œuvre des missions et le fonctionnement de l’Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé, notamment son organisation sous forme de délégation territoriale ».

En application de ces dispositions légales, a été publié le 28 janvier 2017 un décret n° n°2017-90 du 26 janvier 2017 relatif à l’Union Nationale des Associations Agréées d’Usagers du Système de Santé.

Les 4 associations requérantes qui sont des associations d’usagers du système de santé sollicitent l’annulation de ce texte pour les raisons qui vont être exposées.
 

I. - SUR LA RECEVABILITÉ DE LA REQUÊTE :

Les recours pour excès de pouvoir contre les actes des autorités administratives présentés devant le Conseil d’État sont exemptés de l’obligation du ministère d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de Cassation en application de l’article R 432-2 du Code de Justice administrative.

Au regard de leur objet, les associations requérantes ont qualité pour demander l’annulation du texte susvisé, puisqu’elles ont toutes pour objet de regrouper les usagers du système de santé.

A cet égard, la Coordination Nationale des Comités de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité a pour objet « garantir l’égal accès pour tous à la santé et aux soins de proximité de qualité en toute sécurité, en défendant, en promouvant, en exigeant le rétablissement des structures hospitalières de proximité nécessaires dans le cadre d’une mission de service public ». (pièce 2).

La Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité dispose d’un agrément national pour la représentation des usagers, par arrêté de la Direction générale de la santé du 11 juin 2013 (pièce n° 4)

L’association GRANDIR, association des parents d’enfants ayant des problèmes de croissance fondée le 5 mars 1979 (pièce 4) a pour but de :

— Contribuer à diffuser l’information sur le traitement par hormone de croissance afin que tous les enfants et adultes qui ont besoin d’être traités le soit et le plus tôt possible,
— Rompre l’isolement des parents, des adultes et des enfants concernés en créant des liens de solidarité,
— De promouvoir l’accompagnement psychologique auprès des enfants et des adultes concernés et les membres de leur famille,
— D’accroître et d’aider financièrement dans la mesure de ses moyens la recherche médicale dans le domaine de la croissance, y compris toutes les incidences éventuelles des traitements par hormone de croissance ou du manque d’hormone de croissance. (pièce 5)

L’association Grandir dispose d’un agrément national pour la représentation des usagers du système de santé par arrêté de la Direction générale de la santé du 28 avril 2016 (pièce n° 7).

L’association ACTIF SANTE a, quant à elle, pour but de constituer un réseau national de personnes vivant avec le VIH ou une ou plusieurs formes de l’hépatite ainsi que les personnes les soutenant.

Elle a pour vocation de collaborer aux travaux de réseaux nationaux, internationaux, en particulier européens et intervenir ou à participer activement dans le débat public sur la santé et le social afin de mieux faire entendre la parole des personnes concernées… ».

Cette association bénéficie d’un agrément national pour la représentation des usagers du système de santé (pièces 6 et 7).

L’association CRPA a, quant à elle, pour objet à titre principal :

— D’informer sur l’abus et l’arbitraire en psychiatrie,
— De promouvoir l’effectivité des droits de l’homme et des droits à la défense dans l’exercice de la psychiatrie, en partie dès lors qu’il s’agit de mesures de contrainte,
— De militer contre l’internement psychiatrique arbitraire contre toute extension de la contrainte aux soins psychiatriques, contre le détournement du soin psychiatrique à des fins répressives, contre les traitements inhumains et dégradants, contre les atteintes à l’intégrité physique et psychique des personnes dans le cadre des prises en charge psychiatriques.

Cette association bénéficie d’un agrément de représentation des usagers au niveau régional délivré par le directeur de l’Agence Régionale de Santé d’Île-de-France le 6 septembre 2016 (pièce 8).

Chacune des associations requérantes dispose d’un intérêt à solliciter l’annulation des dispositions attaquées.
 

II. DISCUSSION SUR L’ILLÉGALITÉ DES DISPOSITIONS DU DÉCRET N° 2017-90 DU 26 JANVIER 2017 :

II.1 Sur la violation du principe de liberté d’association :

Ainsi qu’il a été rappelé, le décret attaqué a été pris en application des articles L 1114-6 et L 1114-7 du Code de la Santé Publique issus de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016.

L’article L 1114-6 prévoyait la possibilité de créer une Union Nationale des Associations Agréées du Système de Santé qui revêtirait la forme d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901.

Or, il résulte de la lecture du décret attaqué, et plus particulièrement des dispositions de l’article R 1114-18 du Code de la Santé Publique résultant de ce texte, que l’union des associations agréées d’usagers du système de santé est composé d’associations d’usagers du système de santé agréées au niveau national qui apportent librement leur adhésion.

Quant à elles, les associations non agréées au niveau national peuvent participer aux activités de l’union mais selon des modalités fixées par ses statuts et son règlement intérieur.

Ce texte constitue manifestement une entrave à la liberté d’association, puisque seules certaines personnes morales peuvent faire partie de l’union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé, à savoir les associations agréées au niveau national, les autres associations ou les personnes physiques ne peuvent en faire partie que selon des modalités fixées par les statuts et le règlement intérieur de cette union nationale, statuts approuvés par le ministre de la santé.

Ainsi, ce texte pose une entrave au principe de liberté d’association qui a une valeur constitutionnelle ainsi que le Conseil Constitutionnel a eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises (voir en ce sens décision n°71-44 DC du 16 juillet 1971 ; décision 2010-3 QPC du 28 mai 2010 ; décision 2011-138 QPC du 17 juin 2011).

Cette entrave à la liberté d’association ne saurait être justifiée par des garanties objectives relatives à la transparence de gestion, la représentativité ou l’indépendance de l’association telles que posées à l’article L 1114-1 du Code de la Santé Publique puisqu’à cet égard les associations qui présentent de telles garanties et qui bénéficient d’un agrément au niveau régional ne peuvent librement adhérer de plein droit à l’Union Nationale des Associations Agréées d’Usagers du Système de Santé.

Ce texte n’a en réalité pour effet, si ce n’est pour objet, que de conférer un monopole de représentation des usagers du système de santé à des associations d’usagers existant au niveau national, regroupées dans l’Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé, au détriment des autres associations qui ont également pour objet la représentation et la défense des intérêts des usagers du système de santé.

D’ailleurs, l’article R 1114-21 issu du décret du 26 janvier 2017 dispose que seules les associations agréées au niveau national ont au sein de l’assemblée générale une voix délibérative.

Ce décret met par ailleurs en œuvre, entre autres de par son article R 1114-36, une situation de monopole de fait en faveur de l’Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé, dans la centralisation des postulations aux fins de désignation des représentants d’usagers du système de santé dans les instances sanitaires. Cela au détriment de toute structure associative agréée qui ne serait pas adhérente à l’Union nationale ici mise en place, et qui entendrait proposer ses propres postulants aux fonctions de représentants des usagers du système de santé.

Cet état de fait revient à conférer graduellement in fine à l’union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé, une fonction d’interlocuteur unique des pouvoirs publics et des instances sanitaires en matière de représentation des usagers du système de santé. Ce qui revient à conférer à cette union un monopole de fait dans la représentation des usagers du système de santé.
 

II.2 Sur l’illégalité du décret attaqué au regard des dispositions de l’article L 1114-1 du Code de la Santé Publique :

L’article L 1114-1 du Code de la Santé Publique dispose que :

« I. - Les associations, régulièrement déclarées, ayant une activité dans le domaine de la qualité de la santé et de la prise en charge des malades peuvent faire l’objet d’un agrément par l’autorité administrative compétente soit au niveau régional, soit au niveau national. L’agrément est prononcé sur avis conforme d’une commission nationale qui comprend des représentants de l’État, dont un membre du Conseil d’État et un membre de la Cour de cassation en activité ou honoraire, des représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat et des personnalités qualifiées en raison de leur compétence ou de leur expérience dans le domaine associatif. L’agrément est notamment subordonné à l’activité effective et publique de l’association en vue de la défense des droits des personnes malades et des usagers du système de santé ainsi qu’aux actions de formation et d’information qu’elle conduit, à la transparence de sa gestion, à sa représentativité et à son indépendance. Les conditions d’agrément et du retrait de l’agrément ainsi que la composition et le fonctionnement de la commission nationale sont déterminés par décret en Conseil d’État.

Seules les associations agréées représentent les usagers du système de santé dans les instances hospitalières ou de santé publique ».

Ainsi, les associations d’usagers agréées au niveau régional disposent par le texte de l’article L 1114-1 du Code de la Santé Publique du pouvoir de représenter des usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique.

Or, aux termes de l’article R 1114-36 du Code de la Santé Publique c’est l’Union Nationale des Associations Agréées d’Usagers du Système de Santé qui propose les représentants des usagers du système de santé auprès des conseils, assemblées et organismes pour lesquels il est fixé réglementairement en leur sein une représentation des usagers du système de santé. Certes cette faculté est également conférée par le même article aux unions régionales, mais dans des conditions de stricte subordination des unions régionales par rapport à l’Union nationale.

En effet, selon l’article R 1114-21, 2e paragraphe, du décret ici attaqué, lors des assemblées générales de l’union nationale des associations agréées du système de santé, seules les associations d’usagers disposant d’un agrément national ont voix délibérative. Ce qui revient à conférer à celles-ci, et uniquement à celles-ci, un pouvoir de décision dans l’Union nationale.

Certes, les articles R 1114-28 et suivants du Code de la Santé Publique prévoient une organisation au niveau régional de la représentation des usagers, mais dans le cadre de cette organisation régionale les unions régionales sont composées des représentants régionaux d’associations agréées au niveau national, et au surplus les modalités de participation des associations agréées au niveau régional aux instances de gouvernance des unions régionales sont définies dans les statuts de l’union nationale.

Ainsi, alors que la loi, plus particulièrement l’article L 1114-1 du Code de la Santé Publique, prévoit que les associations agréées au niveau régional bénéficient du droit de représenter les usagers dans les instances de santé publique, le décret attaqué ne prévoit une telle possibilité que par l’intermédiaire de l’union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé puisque ce sont les statuts de l’union nationale qui déterminent dans quelle mesure les associations agréées au niveau régional peuvent participer aux instances délibératives.

Le décret ici attaqué viole ainsi le principe d’égalité des citoyens devant la loi, en instaurant une stricte minoration du droit de représenter les usagers du système de santé pour les associations ne disposant que d’un agrément régional. Cela sans parler des associations agréées nationalement ou régionalement qui refuseraient d’adhérer à l’Union nationale des associations agréées d’usagers en santé, et qui seraient ainsi marginalisées quant à la possibilité effective d’exercer leur mandat de représentation des usagers.
 

II-3 Sur l’incompétence de l’auteur du décret n°2017-90 du 26 janvier 2017 :

Le décret ici attaqué est illégal au regard du fait que dans le droit des associations régies par la loi du 1er juillet 1901, les associations se forment selon des règles contractuelles librement organisées et consenties par les parties liées au contrat d’association.

Dans le cas d’espèce c’est un décret - c’est-à-dire un texte réglementaire normatif - qui encadre l’organisation elle-même de l’union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé. Cela alors même que ce décret relève des prérogatives du pouvoir exécutif et de son administration, lesquels pré-fixent un cadre réglementaire, en vue que des statuts, qui sont eux contractuels, soient ultérieurement votés, qui fondent cette union, selon la loi du 1er juillet 1901.

Les associations requérantes concluent au plus fort à l’illégalité du décret du 26 janvier 2017 du fait de l’incompétence du pouvoir réglementaire, puisqu’en vertu d’un principe jurisprudentiel constant du droit des associations régies par la loi du 1er juillet 1901, ce sont les statuts qui font loi.

Le pouvoir exécutif et son administration ne sauraient régir et réglementer une association dont ils ont eux-mêmes structuré l’organisation pour pouvoir les imposer aux futurs contractants de l’association en jeu.

Pour l’ensemble de ces raisons, les associations requérantes sollicitent l’annulation du décret n° 2017-90 du 26 janvier 2017 relatif à l’Union Nationale des Associations Agréées d’Usagers du Système de Santé.
 

III. SUR L’APPLICATION DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE L 761-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE :

Il serait inéquitable de laisser aux associations requérantes les frais irrépétibles qu’elles ont dû engager en la présente instance.

Il sera alloué à chacune d’entre elles la somme de 1000 euros en application de l’article L 761-1 du Code de Justice Administrative.
 

PAR CES MOTIFS

Et tous autres à déduire, suppléer au besoin même d’office, les requérantes sollicitent qu’il plaise au Conseil d’État de :

— Annuler le décret n° 2017-90 du 26 janvier 2017 relatif à l’Union Nationale des Associations Agréées d’Usagers du Système de Santé,

— Condamner l’État à payer à chacune des requérantes la somme de 1.000 euros en application de l’article L 761-1 du Code de Justice Administrative.

SOUS TOUTES RÉSERVES
 

Signatures :

Maître Raphaël Mayet, avocat.

Monsieur André Bitton. Président du CRPA

Madame Hélène Derrien. Présidente de la Coordination Nationale des Comités de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité

Monsieur Marek Korzec. Président d’ACTIF SANTE

Madame Béatrice Demaret. Présidente de l’Association GRANDIR
 

LISTE DES PIECES JOINTES :

1. - Décret n° 2017-90 du 26 janvier 2017
2. - Statuts de la coordination nationale des comités de défenses des hôpitaux et maternité de proximité
3. - Compte rendu de conseil d’administration du 28 février 2017
4. - Arrêté portant agrément national pour la représentation des usagers du système de santé
5. - Statuts de l’association GRANDIR
6. - PV du conseil d’administration de l’association GRANDIR du 3 mars 2017
7. - Arrêté du 28 avril 2016 portant agrément national pour la représentation des usagers du système de santé
8. - Extrait des statuts publiés de l’association ACTIF SANTE
9. - PV du conseil d’administration de l’association ACTIF SANTE du 28 février 2017
10. - Statuts du CRPA.
11. - Décision du CRPA du 6 mars 2017
12. - Arrêté de l’ARS d’Île-de-France du 6 septembre 2016 portant agrément régional du CRPA pour la représentation des usagers du système de santé.


-autre ineptie  institutionnelle:

par Olivier Petitjean 1er mars 2017

 
Garant de la conformité des lois avec la Constitution, le Conseil constitutionnel est censé rendre des décisions souveraines, imperméables aux tentatives d’influence extérieures comme aux intérêts particuliers. Qu’en est-il dans les faits ? La censure par les Sages, ces dernières années, de nombreuses mesures législatives a priori bénéfiques à l’intérêt général, en matière fiscale ou de transparence des activités des multinationales, commence à attirer l’attention. La proximité de cette instance avec de grands lobbies économiques et l’opacité de son mode de fonctionnement, suscitent la critique. Au point qu’une réforme de ce pilier du système démocratique semble aussi urgente que nécessaire.

Le 21 février, la loi sur le devoir de vigilance des multinationales [1] est définitivement adoptée par les députés français. Elle vise à combler ce qui était jusque-là une lacune béante du droit face à la mondialisation : l’impossibilité de poursuivre une multinationale pour des atteintes graves aux droits humains ou à l’environnement occasionnées par leurs filiales ou leur chaîne de sous-traitance. Cette nouvelle législation suscite déjà un grand intérêt au-delà de nos frontières, et les parlementaires et associations qui l’ont portée en France se préparent à mener la bataille au niveau européen. Proposée dès 2012, elle n’a été définitivement adoptée que quatre ans plus tard, en troisième lecture, l’avant-dernier jour de la législature, au terme d’une laborieuse procédure, et malgré un contre-lobbying acharné des milieux patronaux.
« L’Afep à tous les tournants »

Pour autant, la cause est-elle vraiment entendue ? Un dernier obstacle au moins se profile : le Conseil constitutionnel. Celui-ci a immédiatement été saisi, à la fois par les députés et par les sénateurs de droite, avec une argumentation très similaire. Lors du dernier passage de la proposition de loi devant le Sénat, ces derniers avaient déjà voté une motion d’irrecevabilité au motif que le texte serait contraire à la Constitution : trop large et trop imprécis, trop punitif, trop stigmatisant, ou encore abusant du concept de responsabilité juridique [2]. Un argumentaire qui a été directement élaboré, dès 2013, par le lobby chargé de coordonner l’opposition patronale à la proposition de loi : l’Association française des entreprises privées (Afep), qui regroupe les plus grands groupes français.

« Nous avons trouvé l’Afep à tous les tournants, témoigne un représentant d’ONG. Ils ont mobilisé une armée de juristes pour démonter notre proposition de loi auprès de Bercy. » Ils ont convaincu Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, de refuser une première version de la loi, au motif qu’elle était « aux antipodes des grands principes juridiques qui gouvernent notre pays, y compris constitutionnels » [3]. Puis ils se sont attaqués à la seconde version de la loi, celle qui a été finalement adoptée, toujours sous le même angle. Cette même ligne d’attaque est aujourd’hui portée directement devant le Conseil constitutionnel, présidé depuis février 2016 par Laurent Fabius, qui a succédé à Jean-Louis Debré.
Précédents inquiétants

Les députés et militants associatifs qui ont porté la loi contre vents et marées ne cachent pas leur nervosité. Et on peut les comprendre, à considérer plusieurs décisions récentes du Conseil constitutionnel. Dans les dernières semaines de l’année 2016, les neuf « Sages » – d’éminents juristes mais aussi d’anciens politiques comme Lionel Jospin, Michel Charasse et Valéry Giscard d’Estaing [4] – ont censuré deux dispositions adoptées par les députés pour lutter contre l’évasion fiscale des multinationales. Tout d’abord, l’amendement dit « Google », présenté par le socialiste Yann Galut, qui visait à permettre au fisc de taxer les géants du net pour les profits réalisés en France mais redirigés vers des filiales situées en Irlande ou au Luxembourg. Le Conseil a jugé qu’il portait atteinte au principe d’égalité devant la loi.

Autre mesure censurée : le reporting public pays par pays, qui aurait contraint les multinationales françaises à publier des informations complètes sur leurs filiales, y compris leurs effectifs, leur chiffre d’affaires, leurs bénéfices et les impôts acquittés. La disposition aurait permis de faire toute la lumière sur d’éventuelles manœuvres d’évitement fiscal. Déjà en vigueur pour les banques, elle est actuellement envisagée au niveau européen. Le Conseil constitutionnel a jugé qu’elle était contraire à la « liberté d’entreprendre », au motif qu’elle forçait les firmes françaises à dévoiler des informations stratégiques dont pourraient profiter leurs concurrentes. Un argument que l’on trouvait déjà sous la plume de l’Afep, qui avait déjà mené la fronde des intérêts patronaux.
Au nom de la « liberté d’entreprendre »

C’est en fait l’ensemble du quinquennat qui a été marqué par des censures constitutionnelles ciblant des mesures emblématiques initiées par François Hollande ou par les parlementaires de la majorité. Et tout particulièrement en matière fiscale. Par exemple, la proposition de taxer les très hauts revenus à 75% sur la dernière tranche, retoquée dès décembre 2012. Ou encore la loi Florange de 2014, censée mettre fin aux « licenciements boursiers » en imposant des pénalités aux entreprises qui fermeraient des sites rentables. Le Conseil a censuré cette disposition en l’estimant ici encore contraire « à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété », parce que cela aurait privé « l’entreprise de sa capacité d’anticiper des difficultés et de procéder à des arbitrages économiques ».

Le Conseil constitutionnel aurait-il tendance à se poser en gardien des intérêts des entreprises, notamment contre les tentatives de régulation visant à répondre à la nouvelle réalité caractérisée par la financiarisation et la mondialisation des économies ? Une grande partie du droit qui régit aujourd’hui le monde des affaires et ses relations avec le politique date de plusieurs décennies, parfois de plus d’un siècle. Il a donc été conçu pour des conditions économiques et sociales radicalement différentes. Les grands groupes savent en jouer à merveille. Refuser l’évolution nécessaire du droit au nom d’une interprétation extrêmement conservatrice de grands principes constitutionnels revient à leur laisser le champ libre.
Un haut lieu de lobbying

Loin de son image – et de son statut théorique – de juge imperméable aux pressions extérieures, le Conseil constitutionnel est en fait un haut lieu du lobbying. Selon une enquête de Mathilde Mathieu pour Mediapart, celui-ci a pris de plus en plus d’importance. Il se traduit notamment par la pratique des « portes étroites », des contributions informelles envoyées au Conseil pour tenter d’influencer sa décision, qui restent secrètes et ne sont communiquées ni aux parlementaires, ni même au gouvernement. Ces contributions sont commandées à d’éminents professeurs de droit constitutionnel ou à des cabinets d’avocats spécialisés, moyennant rémunération de plusieurs dizaines de milliers d’euros [5], pour défendre le point de vue des entreprises ou d’autres lobbys auprès du Conseil. Selon nos informations, dès le lendemain de la saisine du Conseil sur le devoir de vigilance, le Medef a déjà déposé une porte étroite sur le sujet.

Selon des chiffres fournis par Jean-Louis Debré lui-même lorsqu’il était encore président du Conseil, un total de 47 portes étroites auraient été déposées au cours de l’année 2014. Puis en 2015, on en dénombre 21 sur la seule loi sur le renseignement, et 24 sur la loi Macron. L’Afep est une grande habituée de cette pratique. D’après les maigres informations disponibles, elle y a déjà recouru au début des années 2000 pour faire censurer un projet d’écotaxe, grâce à la plume de Guy Carcassonne, un prestigieux constitutionnaliste rocardien. En 2013, elle lui a à nouveau commandé une « porte étroite » visant à dénoncer le caractère « confiscatoire » de la fiscalité pesant sur les entreprises [6].
En toute opacité

Au-delà de ces notes discrètes, les rencontres informelles entre certains membres du Conseil constitutionnel et des représentants des entreprises semblent également devenues monnaie courante. Dans un livre publié suite à son départ de la rue de Montpensier [7], Jean-Louis Debré évoque ouvertement des rendez-vous réguliers avec le patron du Medef ou des groupes de grands patrons, où sont notamment évoquées les questions de fiscalité. « Nous attendons beaucoup du Conseil, aurait déclaré Pierre Gattaz à l’une de ces occasions. Nous n’avons pas été déçus par vos décisions précédentes. »

Le lobbying auprès du Conseil constitutionnel est moins médiatisé que celui exercé sur les parlementaires, mais il s’avère tout aussi redoutable. Le rapport de forces y est même beaucoup plus inégal qu’à l’Assemblée ou au Sénat : associations ou simples citoyens n’ont tout simplement pas les moyens de se payer l’expertise de constitutionnalistes, et ne bénéficient pas des mêmes voies d’accès privilégiées. Le processus est en outre très peu encadré, d’une opacité quasi-totale [8]. Société civile et parlementaires en sont exclus. Ni les délibérations ni les portes étroites ne sont rendues publiques. Enfin, la pratique des portes étroites est contraire à tous les principes d’un débat contradictoire, puisque le gouvernement n’en a pas connaissance et ne peut donc y répondre.

Le rôle croissant des saisines du Conseil constitutionnel permet aussi toutes les hypocrisies. Le député socialiste Dominique Potier, l’un des fers de lance de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales, a vu quelques jours auparavant une autre de ses propositions de loi, sur l’accaparement des terres, référée au Conseil constitutionnel par soixante parlementaires de l’opposition. Le texte a pourtant été adopté à l’unanimité en séance. Plus dérangeant encore : parlementaires et société civile étant tenus à l’écart du processus, il revient aux seuls représentants de l’exécutif de défendre les lois devant les Sages. Mais certains services ministériels, particulièrement du côté de Bercy, ne sont pas toujours très enthousiastes à défendre des législations initiées par les politiques. De quoi couler une loi, en toute discrétion.
Une nécessaire réformes des procédures

En février 2016, Laurent Fabius remplace Jean-Louis Debré à la présidence du Conseil. Depuis cette date, et pour la première fois depuis longtemps, cinq juges sur neuf ont été choisis par la gauche [9]. Cela ne semble pas avoir changé le rapport de force. Certaines voix s’élèvent cependant pour demander davantage de transparence sur les portes étroites, voire une mise à plat complète de la procédure et des moyens mis à disposition du Conseil, pour évoluer vers un modèle proche de la procédure publique et contradictoire de la Cour suprême américaine. D’autres voudraient un contrôle plus strict des éventuels conflits d’intérêts des membres de la juridiction. En vain.

Récemment, le Conseil constitutionnel a une nouvelle fois montré son conservatisme en matière d’encadrement du lobbying et des conflits d’intérêts. Plusieurs dispositions de la loi Sapin 2 sur la transparence et la lutte contre la corruption n ont ainsi fait les frais : les Sages ont estimé que les hauts fonctionnaires souhaitant passer dans le secteur privé ne devaient pas être obligés de solliciter l’avis de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ; ils se sont également opposé aux sanctions contre les lobbyistes qui ne respecteraient pas les obligations liées aux registres imposant un minimum de transparence de leurs activités à l’Assemblée ou au Sénat ; et ont censuré la disposition prévoyant une aide financière aux lanceurs d’alerte.
Pour les ONG, deux poids deux mesures ?

Certes, les associations et la société civile ont elles aussi la possibilité de faire passer aux membres du Conseil leurs propres « portes étroites » – ce qu’elles font généralement de manière publique. Les associations de défense des migrants l’ont fait pendant la présidence Sarkozy. La Quadrature du Net, French Data Network et la Fédération des fournisseurs d’accès à Internet associatifs y ont procédé pour la loi Renseignement. Plus récemment, plusieurs dizaines de parlementaires ont saisi le Conseil, encouragés par collectif d’associations, pour qu’il se penche sur la constitutionnalité du Ceta, l’accord de libre-échange conclu entre l’Union européenne et le Canada. Ils accusent celui-ci de porter atteinte aux « conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale », notamment en raison des mécanismes d’arbitrage international investisseurs-États qu’il inclut.

Pour cette saisine inédite, ils ont sollicité trois professeurs de droit constitutionnel. Les associations qui défendent la loi sur le devoir de vigilance réfléchissent à une démarche similaire. Mais rien, dans la procédure actuelle, ne leur garantit que ces contributions seront effectivement lues et prises en compte, et qu’elles ne partiront pas directement à la poubelle. C’est bien pour cela que la signature d’un éminent constitutionnaliste, plus à même d’attirer l’attention des Sages, est si utile, et qu’elle se monnaie si cher.
La justice sociale et fiscale plutôt que les privilèges des multinationales

Principe de légalité, de proportionnalité et de nécessité des peines, principe de clarté de la loi, principe de responsabilité… Les opposants au devoir de vigilance des multinationales ont multiplié les arguments juridiques pour convaincre les parlementaires, et désormais les Sages, de l’inconstitutionnalité de la loi. Mais l’expérience passée montre que c’est sans doute aux arguments économiques que le Conseil constitutionnel est le plus sensible. S’il a censuré le reporting pays par pays et la loi Florange, c’est au nom du droit de propriété, de la liberté d’entreprendre et du secret des affaires.

Officiellement, le rôle du Conseil constitutionnel est de prévenir les atteintes excessives à ces grands principes économiques par le législateur. Mais les Sages disposent d’une grande latitude pour décider du bon équilibre entre intérêts économiques et intérêt général. Ils décident seuls, sans rendre de comptes à personne. Ces dernières années, ils semblent avoir souvent fait primer la défense de l’ordre économique établi, et donc des privilèges des multinationales, sur les objectifs de justice sociale et fiscale. Pourtant, la possibilité de réduire à néant, en quelques semaines, des années d’effort pour faire adopter une loi finit par vider le travail parlementaire de son sens et, en dernière instance, va à l’encontre des principes démocratiques les plus élémentaires.

En ciblant efficacement le Conseil constitutionnel, les lobbys patronaux auraient ainsi réussi à initier en France, à l’abri des regards, la même tendance à la « constitutionnalisation » de l’ordre économique néolibéral que l’on observe dans d’autres pays, comme l’Allemagne, mais cela sans avoir à modifier le texte de la Constitution. Dans l’hexagone, c’est davantage à une réinterprétation libérale du texte de 1958 par le juge constitutionnel, que nous semblons assister. Ceux qui cherchent à défendre une vision alternative devraient commencer à y prêter attention.

Olivier Petitjean

En photo : bureau du Président du Conseil constitutionnel
Notes

[1] Précisément, « Loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre ».

[2] Voir parmi les exemples récents ces tribunes de juristes dans Le Monde et dans Les Échos.

[3] Formulation d’une lettre de Pierre Pringuet, président de l’Afep, à Emmanuel Macron, publiée par Contexte.

[4] Ce dernier siège de droit en tant qu’ancien Président de la République, ce qui porte le nombre de membres du Conseil constitutionnel à dix. Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ont tous deux renoncé à leur siège.

[5] Entre 20 000 et 100 000, selon l’enquête citée de Mediapart.

[6] Guy Carcassonne est décédé le 27 mai 2013.

[7] Ce que je ne pouvais pas dire, Robert Laffont, 2016.

[8] Le contraste est frappant avec la procédure qui gouverne l’examen des Questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), introduite en 2008, qui est beaucoup plus transparente et contradictoire.

[9] Nommés pour neuf ans, les membres du Conseil sont désignés de la manière suivante : trois, dont le président, par l’Élysée, trois par le président de l’Assemblée nationale, et trois par celui du Sénat.

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