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14 décembre 2014 7 14 /12 /décembre /2014 07:45

Il est encore temps, mais il est déjà grand temps…

L’appel !

Reprenons l’initiative !

APPEL CONTRE LES POLITIQUES DE RACIALISATIONracialisation

Nous assistons actuellement à une régression idéologique : l’antiracisme se réduit trop souvent à un combat contre le racisme individuel à l’occasion de « dérapages » qui se multiplient effectivement. C’est minimiser la réalité du racisme systémique, c’est-à-dire, au-delà des idéologies racistes, des discriminations au quotidien, mais c’est aussi occulter le rôle du racisme institutionnel : le traitement étatique et municipal des populations rroms venues de Roumanie ou de Bulgarie, pays membres de l’Union européenne, en est l’illustration la plus brutale.

En France, depuis dix ans, des familles rroms ont subi une quinzaine d’expulsions qui les rejettent toujours davantage dans la misère la plus extrême. Les démantèlements à répétition de bidonvilles continuent sous François Hollande comme sous Nicolas Sarkozy, à la demande de municipalités de la majorité gouvernementale d’hier comme de celle d’aujourd’hui. Ce n’est que la partie la plus visible de pratiques non seulement scandaleuses, mais aussi illégales, qui se banalisent : refus de domiciliation au CCAS ici, entraves à la scolarisation des enfants là, non-ramassage des ordures ménagères ici et là, etc. Il s’agit d’un processus massif de marginalisation, d’exclusion et de stigmatisation d’une population.

Pour justifier ces actes inhumains, à l’instar de Manuel Valls, les responsables prétendent tantôt qu’ils agissent pour le bien des Rroms en détruisant un habitat insalubre, tantôt que ceux-ci « ne souhaitent pas s’intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ». En réalité, comme on l’a vu pendant les élections municipales, les politiques n’hésitent pas à faire campagne en promettant une véritable chasse aux Rroms.

Nous sommes bien en présence d’une « politique de la race » : on assigne les Rroms à une différence supposément culturelle pour justifier en retour de les traiter de manière discriminatoire. Cette persécution se déroule dans l’indifférence générale, voire avec une approbation presque consensuelle : en effet, les majorités successives semblent avoir réussi à dépolitiser la « question rom », en donnant l’impression que les élus, tant locaux que nationaux, ne font que gérer un problème – et non mener une politique à laquelle on pourrait opposer une autre politique.

Si le traitement des Rroms est un exemple extrême, les politiques de racialisation concernent pareillement d’autres catégories de la population. C’est le cas depuis longtemps avec l’injonction d’intégration adressée, non seulement aux immigrés, mais aussi à leurs enfants, voire à leurs petits-enfants, comme si certains Français devaient éternellement faire la preuve de leur « identité nationale ». C’est aussi le cas avec le déchaînement d’islamophobie qui s’autorise de la laïcité pour jeter une suspicion a priori sur les musulmans dans leur ensemble, tout en récusant le terme même d’islamophobie. Et alors que les discriminations raciales en même temps que les idéologies racistes ont pour effet sinon pour visée de produire une opposition entre « eux » et « nous », le déni va parfois jusqu’à reprendre les attaques de l’extrême droite contre un supposé « racisme anti-blanc » au nom d’une rhétorique universaliste qui invisibilise les rapports de domination raciale.

Nous affirmons que la politique de la race qui vise les Rroms est un révélateur des politiques de racialisation qui touchent de larges pans de la société française : elle amplifie la logique qui se déploie pour l’ensemble des populations issues de l’immigration postcoloniale – et qui fait écho à une histoire marquée par l’esclavage, le colonialisme et le nazisme. Mais ce passé rencontre l’actualité d’une France et d’une Europe néolibérales où s’accroissent les inégalités declasses ces politiques de stigmatisation servent ainsi à en distraire .

Il ne suffit plus de dénoncer les racistes, ni même les partis racistes. Il faut s’en prendre aux politiques de racialisation. Nous refusons d’accepter l’inacceptable, et d’être les complices ou même les témoins de l’organisation politique de la concurrence généralisée entre les victimes d’un même système inégalitaire. Les signataires appellent à une reprise collective de l’initiative, dans le respect de la diversité des opinions et analyses politiques au sein des mouvements antiracistes – à condition de se retrouver dans le constat que nous faisons ici.

Nous allons mener une campagne nationale (affiches, vidéos, débats, initiatives publiques, actions de mobilisation, etc.) contre la banalisation des pratiques discriminatoires touchant les Rroms comme les populations héritières de l’immigration postcoloniale ou de religion musulmane. Nous organiserons au printemps 2015 un vaste forum d’échanges et d’analyses politiques afin de contribuer au renouvellement d’un antiracisme politique. Enfin, nous nous engageons à soutenir les initiatives d’auto-organisation de celles et ceux que visent ces politiques de racialisation, précisément parce que ces politiques rendent plus difficiles de telles initiatives.

Il est encore temps, mais il est déjà grand temps.

Pour voir les signatures

jesigne

 

Droit d’asile et République: mythologie et propagande

Lundi 1er décembre 2014. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, qui a beaucoup à se faire pardonner depuis la mort de Rémi Fraisse, publie dans le journal Libération une tribune pour défendre une « réforme ambitieuse de l’asile » conforme, selon lui, à la tradition et aux valeurs républicaines. Pour illustrer cette proposition générale par des exemples précis et flatter tout à la fois sa faible majorité à l’Assemblée nationale et un électorat socialiste qui, élections après élections, se dérobe toujours plus, le ministre brosse le tableau avantageux d’une France depuis longtemps terre d’accueil ; celle-là même qu’il prétend défendre grâce au projet de loi présenté par le gouvernement. « Patriotes italiens et polonais », « Arméniens, juifs persécutés, résistants antifascistes et républicains espagnols » en témoignent pendant l’entre-deux-guerres. Relativement à ces derniers, c’est ignorer l’histoire et le sort indigne qui leur fut réservé par les autorités de la Troisième République.

Le 12 novembre 1938, en effet, le gouvernement Daladier adopte un décret-loi applicable aux étrangers résidant sur le territoire français. Elaboré par le ministre de l’Intérieur, le très radical-socialiste Albert Sarraut, ce texte invoque classiquement les impératifs de la « sécurité nationale » et ceux de la « protection de l’ordre public » pour justifier le placement « dans des centres spécialisés » des allochtones jugés « indésirables » alors qu’ils n’ont commis aucune infraction. D’origine coloniale, l’internement administratif, appliqué aux « indigènes » des possessions françaises, est ainsi importé dans la législation métropolitaine. Depuis longtemps déjà, des spécialistes de l’immigration mettaient en garde les pouvoirs publics contre la présence de nombreux ressortissants étrangers perçus comme la cause de maux multiples susceptibles de porter atteinte « à la raison, à l’esprit de finesse, à la prudence et au sens de la mesure qui caractérisent le Français. » Qui est l’auteur de ces lignes écrites en 1932 ? Un plumitif marginal qui s’exprimerait dans une obscure publication de l’époque à laquelle nous accorderions une importance démesurée ? Non. Il s’agit de Georges Mauco dans la thèse qu’il a soutenue en la prestigieuse Sorbonne avant d’être nommé secrétaire général du Comité français de la population puis d’exercer les fonctions de sous-secrétaire d’Etat chargé des services de l’immigration et des étrangers au début de l’année 1938. Belle consécration assurément pour celui qui, en quelques années, est devenu un expert connu et reconnu. Commune xénophobie aussi partagée alors par de nombreux contemporains et responsables politiques. En février 1939, les premières victimes de ces dispositions sont les 350 000 républicains espagnols qui, fuyant les troupes du général Franco, ont gagné la France où ils sont internés dans les camps de Saint-Cyprien, d’Argelès et de Gurs, notamment.

Quant aux Syriens aujourd’hui accueillis et qui témoigneraient de la « générosité de la France », selon Bernard Cazeneuve, rappelons quelques chiffres propres à répondre à ce mensonge par omission. Où se trouvent les trois millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont fui les ravages matériels et humains de la guerre civile, les crimes de Daech et ceux commis par les séides du dictateur Bachar el-Assad ? Dans les riches pays d’Europe ? Là où les conditions de la protection sociale seraient autant de « pompes aspirantes favorisant une immigration incontrôlée » et « l’engorgement de notre système d’asile » ainsi que le répètent les responsables de l’UMP et du Front national qui, sur ces sujets, parlent un langage commun ? Non dans les Etats limitrophes puisque ces réfugiés sont plus d’un million au Liban, soit près d’un cinquième de la population totale, 600 000 en Jordanie, 815 000 en Turquie et 100 000 en Irak. D’après le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), ils ne sont que 112 170 dans l’U.E et ils résident principalement dans cinq pays – la Suède, l’Allemagne, la Bulgarie, la Suisse et les Pays-Bas - qui ont reçu 70% d’entre eux. De plus, l’Allemagne a accepté de recevoir 10 000 syriens à titre humanitaire et la Suède 8000 où ils se sont vu accorder une carte de séjour permanente puisque le « conflit »est « appelé à durer un temps indéterminé » a déclaré Anders Danielsson, le directeur de l’Office de l’immigration. Et la glorieuse France, dirigée par un président et un gouvernement socialistes ? Elle n’en a accepté que 500 soit 0,02% du nombre total de personnes ayant quitté la Syrie. Tant de générosité laisse pantois, en effet.

Au-delà des formules ronflantes et des éléments de langage mobilisés par le ministre et ses conseillers pour entretenir le mythe d’un pays fidèle au triptyque républicain et pour défendre un projet de loi prétendument audacieux, prospèrent une pusillanimité réformatrice et une interprétation très restrictive de la Convention de Genève sur les réfugiés. A preuve, le taux de rejet des demandes d’asile par l’OFPRA est de 87% au deuxième semestre 2013 alors qu’il s’établit à 67% en Allemagne, 64% en au Royaume-Uni et 51% en Suède (Source Eurostat). Pis, de dangereuses concessions ont été faites aux droites parlementaires. En témoigne l’instauration d’un juge unique pour accélérer l’examen de certains dossiers, entre autres ceux déposés par des requérants originaires de pays considérés comme sûrs par les autorités françaises. Au principe de cette nouvelle disposition : une opinion partagée par de nombreux responsables politiques, la lenteur et le laxisme supposés des formations collégiales de jugement à la Cour nationale du droit d’asile. En vérité, toutes décisions confondues, la CNDA n’a reconnu comme réfugiés que 14% des demandeurs qui l’ont saisie. Même Le Figaro,qui a complaisamment donné la parole aux députés de l’UMP Eric Ciotti et Pierre Lellouche, doit reconnaître qu’au terme de la procédure quatre demandes d’asile sur cinq sont rejetées. Ces brillants résultats placent la France au 21ème rang pour l’octroi du statut de réfugié. « Restauration du droit d’asile » comme le prétend la députée socialiste Sandrine Mazetier, rapporteure à la Commission des lois lors du débat à l’Assemblée nationale ? L’esprit et la lettre de cette loi, les décisions de l’OFPRA et de la CNDA prouvent qu’il n’en est rien.

O. Le Cour Grandmaison, universitaire. Dernier ouvrage paru L’Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies, Fayard, 2014.

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