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17 avril 2015 5 17 /04 /avril /2015 08:01

Quatorze ans après le G8 de Gênes, la justice européenne condamne l'Italie

15 avril 2015 | Par salvatore palidda

Quiconque a eu une connaissance directe ou indirecte de ce qui est arrivé au sommet du G8 de Gênes ne peut qu’être ahuri par les différents commentaires après la condamnation de l'Italie par la Cour européenne des droits de l'homme pour des « actes de torture » commis au cours de ce sommet néfaste. Pire est ce que dit le préfet De Gennaro, défendu par Renzi mais aussi par le député PD Mucchetti et M. Cantone (Haute Autorité contre la corruption), qui ferait bien d'apprendre à parler de ce qu'il connaît plutôt que de défendre les force de police en disant aussi une chose très grave : « Elles sont très populaires ». Même Mussolini, Hitler et bien d’autres dictateurs étaient populaires, et puis où a-t-il mesuré cette popularité ? Il est utile de rappeler certains aspects, renvoyant aussi à quelques recherches déjà publiées (voir la bibliographie à la fin).

Lors du G8 de Gênes fut établie une suspension de l’Etat de droit démocratique qui n'a aucun fondement juridique (cela a été déclaré même par Amnesty International et nombre d'éminents juristes). Bien évidemment, on ne peut pas assimiler cet événement à une sorte d'état de guerre, que, de fait, les autorités américaines auraient imposé à l'Italie, comme toujours servile. L’alors secrétaire d'Etat Condoleezza Rice, dans son rapport au Congrès sur l'attaque du 11-Septembre, disait que déjà au G8 de Gênes, les Etats-Unis craignaient des attaques terroristes. De là, une campagne médiatique monstrueuse a forgé un climat de terreur. La population de Gênes a été invitée, sinon forcée, de s’en aller, du moins les jours désignés « chauds ». Les policiers étaient bombardés des plus terrorisantes pseudo-informations venant des services secrets (voir Infra) et encouragés à donner une « leçon finale aux poux rouges ». Pour cette « guerre contre les rouges» à Gênes, furent sélectionnés des personnels de polices pour leurs inclinations personnelles fascisantes et n’ont pas manqué ceux habitués à endosser une tenue et des armes illicites (rappelons-nous les tortures des garçons à la Diaz et à Bolzaneto ou même dans la rue en criant des slogans fascistes - lire ici). Le dispositif de la police, et encore plus du renseignement, non seulement italien, a été modelé sur les caractéristiques du théâtre de guerre. Comme dit aujourd'hui M. Sabella, alors à la tête de l’Administration des prisons et envoyé à Gênes:

« Bien avant, on m’a convoqué pour m'expliquer le plan des arrestations préventives. L'objectif, m'a-t-on expliqué, étaient double: rejeter à la frontière le plus possible de méchants; commencer à arrêter dès le 15 juillet (5 jours avant le début du sommet) tous les manifestants qui auraient été pris avec des cagoules ou casquettes noirs, des battes de baseball et toutes sortes d'armes. Et les maintenir en garde à vue ... jusqu'à la fin du sommet avec interdiction de s'entretenir avec un avocat. Un plan fou d'abord parce qu’on ne peut pas mettre des gens en prison sans preuve ... ils avaient décidé de fermer les deux prisons de la ville et de créer deux prisons temporaires à Forte San Giuliano et Bolzaneto ... J'ai eu l'idée que derrière il y avait une direction politique... Je ne sais pas laquelle. Il est possible que quelqu'un à Gênes voulait la mort, mais c'était sans doute un flic, pas un manifestant, pour pouvoir criminaliser la place et la faire taire une fois pour toutes. » A la question: «Au lendemain des massacres, vous avez défendu vos hommes », il répond: « Je pensais qu'ils avaient été corrects. Quand j’ai découvert ce qu'ils ont fait, j’était dégouté de moi même ».

La suspension de l’Etat de droit démocratique toucha donc les autorités judiciaires, l'Université et le gouvernement local; mais, tout le monde l'accepta passivement. D’après ce qui disent quelques anciens dirigeants de la police, l'opération Diaz ne fut pas du tout une action improvisée, décidée par les dirigeants sur place. Elle a été effectuée sur directive du sommet de la police, preuve en est que M. Sgalla, bras droit du chef, le préfet De Gennaro, fut le premier à sortir de la Diaz quand l'assaut était encore en cours, pour lire en direct sur RaiNews24 (à minuit) le communiqué déjà pré-imprimé; dans ce communiqué de presse on affirmait qu’ils avaient découvert que dans l'école il y avait des black blocs avec des armes et que quelques-uns avait des blessures et du sang séché des combats du matin, etc. (voir les images de M. Sgalla qui lit le communiqué dans le documentaire Genova per noi etle film DIAZ/Don't Clean Up this Blood).

Le but de l'opération était de racheter l'image de la police, dégradée en particulier par les nombreux reportages télé du monde entier et les déclarations de différentes personnalités italiennes et étrangères. Fini, alors chef adjoint du gouvernement Berlusconi, afin de promouvoir ses amis carabiniers, arrive à déclarer à la presse que De Gennaro aurait dû démissionner pour ne pas avoir su maîtriser le désordre. Avant l'assaut à la Diaz, peu d’arrestations avaient été réalisées et la police n'avait presque rien en main en termes de preuve pour justifier la violence contre des manifestants non armés vu sur les télés. Et arriva alors l'idée “géniale” de quelques “conseillers du Prince” pour y remédier: un bel assaut, l'arrestation d'un grand nombre de black blocs – et voilà que quelques-uns dans les services suggèrent que ceux-ci dorment à la Diaz. En effet, on savait que peut-être deux ou trois soi disant Black bloc étaient passés par la Diaz, mais on savait aussi que tous ces black blocs avaient quitté Gênes à la sauvette, tout comme ils étaient arrivés. Mais personne n'a jamais expliqué comment les deux ou trois cents blacks blocs ont pu arriver à Gênes sans problème, malgré l'énorme déploiement de forces de police et encore plus les milliers d’agents des services secrets de tous les huit pays du sommet. Qui a joué au jeu classique de foutre le bordel ? Voici ce qu'a écrit un carabinier qui était à Gênes lors du G8 (pseudo: Grale) sur le site Militariforum:

« J’étais en train de faire mon service militaire chez les carabiniers à Gênes. Je suis profondément attaché aux carabiniers et aux forces de l’ordre en général ... ces jours-là, nous étions collés à la radio et à la télé pour suivre la situation. Et, bien sûr, il y avait une ambiance de stade de foot. Des charges, des canons à eau, blindés, perquisitions et fouilles. Tout nous semblait légitime et, même, il nous semblait qu’on tapait trop peu. Nous pensions qu’on devrait taper davantage. A la nouvelle de la mort de Carlo Giuliani, aucun signe de pitié, que du rire. Nous n’avions pas réalisé l'immense tragédie. Nous étions bourrés d'une manière incroyable. On nous avait dit que les manifestants auraient tiré contre nous des bouteilles et des seringues de sang infecté, qu’ils auraient tenté de nous séquestrer dès qu’ils nous croisaient isolément, qu'ils auraient utilisé des armes à feu! Vous ne pouvez pas imaginer de quelle humeur nous étions. Et je ne parle pas seulement de moi, tout notre bataillon. Tous les carabiniers avaient subi le même traitement, y compris le tristement célèbre CIRR [unité d’intervention et résolution rapide, créé par les carabiniers pour le G8 et guidée par les officiers de Tuscania, parmi lesquels le célèbre responsable de la formation des policiers irakiens, ancien commandant de la présente CIRR "Echo" à Gênes et place Alimonda –où fut tué Giuliani- avec "Betulla" / le journaliste Farina travaillant pour les services et ensuite élu dans les listes de Berlusconi car entre autres radié de la profession].

Seulement ensuite on a commencé à comprendre ... Et honnêtement ce qui est arrivé à Diaz, même sans avoir vu le film, on ne peut pas le définir comme une opération de manuel. L’alors dirigeant Fournier définit cette opération comme une “boucherie mexicaine” et dans un moment de défoulement, il dit à son commandant M. Canterini: “avec ces bouchers je ne veux plus travailler”. Comme dit le chef adjoint Vicaire de la Police le préfet Andreassi, la tâche était de rétablir l'équilibre: “ il y avait besoin de faire le plus possible d'arrestations afin de récupérer l'image des forces de l’ordre accusées de ne pas être capables d'arrêter le vandalisme et les affrontements de ces journées. On fait toujours comme ça dans ce genre de cas. C’est une façon de compenser les dommages et d'alléger la position de ceux qui n’ont pas pris la situation en main. La ville a été dévastée ? Et alors on répond avec une montagne d'arrestations ».

Rappelons qu'aucun manifestant, même parmi les black bloc, n'avait d'arme à feu. Et rappelons aussi qu’au nom d’une justice soi disant équilibrée, avec le procès de 25 manifestants accusés de tous les dégâts (y compris ceux provoqués par la police et bien visibles dans les reportages filmés) on leur a infligé un total d’environ 100 ans de prison, alors que les condamnations des policiers ont été très limitées et la plupart prescrites. Par ailleurs, presque tous les procès civils pour blessures et dégâts subis par les manifestants par les violences policières ont été archivés (dommages estimés à environ dix millions d’euros).

M. Sgalla, maintenant chef des écoles de police, fut le premier à sortir de Diaz mais n'a jamais été inculpé. Pourquoi? Je l’ai demandé le premier jour après la Diaz, dans un article sur il manifesto et même après, mais aucune réponse, même pas de la part d’amis avocats. Mais, quelques avocats et journalistes connaissent aussi des faits inquiétants: le magistrat de service cette nuit a refusé d'aller à Diaz en dépit des appels téléphoniques répétés des avocats de victimes encore saignantes prêtes à témoigner! Pourquoi? Certains d'entre nous savent qu'il y a eu un appel téléphonique, la nuit, de la part d'un personnage de premier plan qui a toujours défendu le préfet De Gennaro, pour dire précisément de ne pas le toucher et donc de laisser aller aussi M. Sgalla, qui du ministère de l'Intérieur à Rome s’était précipité à Gênes, envoyé par le chef pour suivre l'opération “magistrale” DIAZ qui aurait dû sauver la face de la police d'État. Dire que le distingué préfet De Gennaro n’a aucune responsabilité dans ces événements, n’est-ce pas presque comme dire que les dirigeants fascistes n’étaient pas responsables des déportations vers les camps de concentration allemands? Et pourquoi M. De Gennaro pris le soin de récompenser les gestionnaires du G8 leur donnant la promotion aux plus hautes fonctions de la police et des services secrets alors qu’ils étaient incriminés pour la Diaz?

Pourquoi même aujourd'hui, cet éminent préfet est tellement intouchable et si puissant? Comme disent quelques anciens dirigeants de police, la réponse réside dans sa capacité à accumuler les “cadavres dans les placards” de toutes les autorités de l'Etat, du secteur privé et même de l'église, comme l'ont toujours fait les chefs de police et les services de renseignement. Ce n’est donc pas une coïncidence s’il est défendu par Napolitano et Renzi ainsi que par les leaders de droite. De Gennaro vaut autant que ses protecteurs, il est maintenant président de Finmeccanica (la plus importante multinationale italienne, en particulier dans le secteur des armements) car il fait partie du lobby militaro-policier, qui a des soutiens dans tous les partis et surtout aujourd'hui dans le Parti démocrate (D'Alema, Violante, Minniti, Napolitano et hors du PD, Amato, qui l'a nommé chef de la police bien qu'il n’avait pas les qualités requises car il protégeait son intégrité lors des enquêtes sur Craxi –dont Amato était le dauphin- et parce que les deux font partie du cercle des amis de la CIA (De Gennaro non pas pour grands mérites professionnels de flic, mais pour les informations qu’il a passées).

Last but not least: l'Italie a été condamnée parce qu’elle n’a pas de loi contre la torture; mais, selon celle que le Parlement est en train de bricoler, à Diaz il n’y aurait pas eu de torture! La confirmation de l'impunité italienne ne fait pas de doute.

Biblio:
- Black block. La costruzione del nemico, a cura di C. Bachschmidt, Fandango Libri, 2011.
- Salvatore Palidda, Appunti di ricerca sulle violenze delle polizie al G8 di Genova in “Dei delitti e delle pene”, Vol. 3, Nº.1, 2008 , pp. 33-50.
Lorenzo Guadagnucci su: http://www.cornicerossa.com/la-legge-beffa-sulla-tortura-e-le-riforme-impossibili/#more-4438
Archives: documents et vidéos: http://www.processig8.org ehttp://www.piazzacarlogiuliani.org/
Yasha Maccanico/Statewatch: http://www.statewatch.org/analyses/no-77-genoa-aftermath.pdf

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