- Déchéance institutionnelle janv. 201 par gilles.sainatI
Nous vivons bien une déchéance institutionnelle qui vise a supprimer les principes fondateurs de l’État de droit moderne à l’instar de pays comme la Pologne ou la Hongrie. Dans l'hexagone, la première préoccupation est de contourner l’autorité judiciaire. Ce n’est visiblement pas la lutte contre le terrorisme qui est privilégiée mais un autre programme qui est mis en œuvre .Il faut lutter contre les auteurs des attentats de terroristes des 7 janvier et 13 novembre 2015, les terroristes, leur(s) organisation(s), leur idéologie sectaire et barbare.La question est comment y parvenir de la manière la plus efficace.
De l’anti-terrorisme
En France, la lutte anti terroriste s’est caractérisée depuis 1986 par une centralisation parisienne aussi de l’investigation policière, de la poursuite pénale que du jugement voire même de l’application des peines avec la création d’un juge de l’application des peines spécialisé dans ce type de contentieux.
La proximité de cette justice spécifique avec le pouvoir politique a souvent brouillé les cartes, en témoigne les pratiques du juge Bruguière https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Louis_Brugui%C3%A8re ou l’affaire TARNAC https://fr.wikipedia.org/wiki/Julien_Coupat.
La réforme de la DGSI initiée par Nicolas Sarkozy a conduit à une désorganisation fonctionnelle en mélangent des cultures professionnelles souvent très éloignées..en renseignements généraux et contre espionnage, police judiciaire.
Bref, l’on ne peut pas dire que l’intervention politique fut toujours bénéfique à la lutte anti terroriste, mais compte tenu du caractère très politique du danger, ces interférences étaient inévitables.à l'anti-juge
Dans le même temps depuis les années 1990 s’est développé une armada de mesures sécuritaires renforçant les pouvoirs de la police en matière pénale mais toujours sous le contrôle d’un magistrat du parquet ou d’un juge des Libertés et de la Détention..
Il faut dire que l’article 66 de la constitution de 58 prévoit que « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »
Ce principe repose sur une évidence: On remet nos libertés individuelles entre les mains d’une autorité qui sera la plus indépendante vis à vis du pouvoir exécutif. Certes il reste encore beaucoup de progrès a faire pour que cette justice devienne indépendante: modifier le statut du parquet pour le rendre indépendant, approfondir la séparation des pouvoirs, transférer la police judiciaire sous l’autorité de juges indépendants.
Cette évolution est lente, on peut même dire que ces vingts dernières années chaque avancée s’est soldée par un recul, chez les partisans de Nicolas SARKOZY le but est de supprimer la fonction de juge d’instruction, dans les partis considérés comme plus progressistes, c’est plutôt un transfert des pouvoirs vers un parquet dépendant de l’exécutif qui est plébiscité…Les affaires URBAT, des frégates... sont passées par là…L’explication clamée haut et fort par tous les politiques c’est que les juges ne seraient pas légitimes, et puis tatillons, lents, laxistes.
Pourtant il n’y a jamais eu autant de personnes incarcérées qu’en 2015 avec des peines de plus en plus lourdes et des poursuites pénales en augmentation.…
Nouvelles stratégies de contournement judiciaire par l’arbitraire administratif
Suite à l’émotion suscitée par les attentats de 2015 la stratégie de l’exécutif reprend cette volonté de minoration des pouvoirs des juges judiciaires, non pas suite à une analyse précise des dysfonctionnements judiciaires éventuels dans la lutte anti terroriste mais simplement pour rendre « l’état efficace » face à l’urgence, alimentant en cela le discours caricatural de la droite forte ou extrême contre les juges laxistes..
Reprenant sans le dire le schéma déjà adopté lors des plans prévus en cas de pandémie il est mis en oeuvre la suspension immédiate de la justice judiciaire ( CF plan de pandémie grippale http://www.finistere.gouv.fr/Politiques-publiques/Securite/Securite-sanitaire/Prevention-et-lutte-contre-la-pandemie-grippale).
La loi sur le renseignement avait déjà donné tous pouvoirs au premier ministre en matière de surveillance, sans aucun contrôle effectif et sans transparence.
Au vu de l’état d’urgence de trois mois les préfets décident et coordonnent des perquisitions de nuit, des mesures de coercition comme l’assignation à résidence avec pointage au services de polices trois fois par jour.
Maintenant il n’y a plus de contrôle a priori de ces mesures de sûretés qui fonctionnent à l’identique des lettres de cachets sous l’ancien régime, en témoigne les militants écolo, les cultivateurs bio et bien d’autres encore, qui subirent ces mesures..
Pourtant ces pratiques administratives étaient mise en oeuvre après les attentats sanglants de novembre 2015, mais le projet de révision constitutionnelle prévoit un état d'urgence permanent sans recours ni contrôle de l'autorité judiciaire en cas de " de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique "...
La référence explicite au terrorisme est euphémisée et le nombre de cas dans lesquels ce type de définition va pouvoir s’appliquer augmente vertigineusement.
Le juge judiciaire est donc évacué et comme si ce n’était assez clair, le gouvernement prépare une reforme nommée réforme pénale qui transfère une grande partie des pouvoirs des parquets vers les préfets, ce sans avoir a viser l’état d’urgence.http://www.20minutes.fr/societe/1759855-20160105-lutte-contre-terrorisme-pouvoirs-bientot-elargis-policiers.
Vous pourrez donc toujours plaider votre liberté devant le juge administratif, mais a postériori.
Celui-ci devient de facto avec cette nouvelle version constitutionnelle le gardien des libertés individuelles et publiques..L’on change vraiment de constitution.
Déchéance de nationalité tous azimuts
Dans l’esprit fébrile des novateurs constitutionnels de cette fin d’année 2015, il convenait, pour faire bon poids à l’extrême droite, de constitutionnaliser la sanction individuelle de déchéance de nationalité pour les bi nationaux, déjà prévue par le code civil.
Inefficace; a-t-on déjà vu un kamikaze ne pas accomplir son geste par peur de ne pas conserver sa nationalité?
Le pouvoir le dit : c’est inutile… c’est pour cela qu’il propose maintenant la déchéance de nationalité pour tous ses nationaux…
Le pouvoir le dit: c’est mieux car au moins tout le monde pourra être apatride…
Le pouvoir de gauche le dit; Même si c’est interdit par l’article 15 de la déclaration Universelle des Droits de l’Homme, c’est pas grave, on a pas ratifié cette convention… et puis de toute manière on ne l’applique pas…( honte aux droits de l’hommistes répondent en choeur le Front National et les réactionnaires de tous poils).
Et puis quand on aura plein d’apatrides, que l’on ne pourra pas expulser… il ne restera plus qu’à les interner dans des camps.. à l’exemple de Guantanamo. Très efficace contre le terrorisme, on a déjà pu l’expérimenter..
Demain, une autre facétie s’emparera des conseillers du prince, pourquoi ne pas constitutionnaliser d’autres sanctions que l’on pourra appliquer: la roue, les brodequins etc. de toute manière on se moque des conventions internationales sur les droits de l’homme que l’on a pas ratifié.. et principalement de la déclaration universelle.
L’Etat de droit était une notion qui permettait d’éviter l’arbitraire de l’Etat, et fondait la légitimité de la violence de l’état sous le contrôle de la justice car elle était limitée à lutte contre les criminels. Le droit était le principe, la violence l’exception.
Aujourd’hui notre ministre de l’intérieur parle de refonder l’Etat de droit mais cette novlangue inverse le principe: l’arbitraire devient le principe, et le contrôle, le droit est l’exception..
La légalité a supplanté la légitimité. Bien entendu ce nouveau système sera légal… mais il aura quitté toute légitimité n’étant plus en référence avec la Déclaration Universelle des droits de l’Homme ou même la Convention Européenne des Droits de l’Homme..autant d’instruments internationaux qui , aux yeux des novateurs constitutionnels, sont sans doute devenus désuets..
Nous vivons bien une déchéance institutionnelle qui vise a supprimer les principes fondateurs de l’Etat de droit moderne à l’instar de pays comme la Pologne ou la Hongrie. Dans l'Hexagone, la première préoccupation est de contourner l’autorité judiciaire.
Ce n’est visiblement pas la lutte contre le terrorisme qui est privilégiée mais un autre programme qui est mis en oeuvre.
Il y a quelques années beaucoup avaient voté pour un Président normal qui voulait s’affranchir de la dictature de l’émotion, c’était un autre temps, c’était il y a un siècle.Le Club est l'espace de libre expression des abonnés de Mediapart. Ses contenus n'engagent pas la rédaction.