Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 décembre 2014 4 18 /12 /décembre /2014 10:44
Mireille Delmas-Marty : «Mon soutien pour la création d’un tribunal pour la RDC est total»

La célèbre juriste a signé l’appel lancé par l’avocat congolais Hamuli Rety afin que soit instauré un Tribunal pénal international pour juger les crimes commis en République démocratique du Congo.

10/7/14 -   

LES ACADEMICIENS.MIREILLE DELMAS-MARTY, JURISTE, PROFESSEUR AU COLLEGE DE FRANCE, TITULAIRE DE LA...

Didier GOUPY/SIGNATURES

LES ACADEMICIENS.MIREILLE DELMAS-MARTY, JURISTE, PROFESSEUR AU COLLEGE DE FRANCE, TITULAIRE DE LA CHAIRE D’ETUDES JURIDIQUES ET INTERNATIONALISATION DU DROIT, MEMBRE DE L’ACADEMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES.NEUILLY SUR SEINE , FRANCE, 10 FEVRIER 2011.

La Croix :  Pourquoi avoir signé cette pétition en faveur de la création d’un Tribunal pénal international pour la RDC ?

Mireille Delmas-Marty (1) : Je m’intéresse depuis longtemps aux tribunaux pénaux internationaux. Au début des années 1990, j’ai fait partie de la commission qui a rédigé le projet destiné au Conseil de sécurité en vue de la création du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Pour la RDC, on dispose d’informations particulièrement choquantes sur les crimes commis – je pense en particulier au rapport Mapping : crimes contre l’humanité, crimes de guerre, viols à grande échelle.

Mon soutien pour la création de ce tribunal est total, à la condition de ne pas en faire un geste de défiance vis-à-vis de la Cour pénale internationale (CPI). Il s’agit simplement de comprendre que la CPI ne peut pas tout juger, notamment les crimes commis avant son entrée en fonction (2002).

 

Parmi les responsables de crimes commis entre 1993 et 2013, les rapports de l’ONU ont mis en avant le Rwanda. Imaginez-vous possible que le président rwandais Paul Kagame soit traduit devant une cour internationale pour les crimes commis sous son régime en RDC ?

M. D.-M. : Juridiquement, la mise en cause de chefs d’État est une révolution qui prendra du temps à se réaliser pleinement. De même qu’il est pratiquement impossible de poursuivre des dirigeants de pays qui n’ont pas ratifié le statut de la CPI comme la Chine ou les États-Unis. Cela dit, à terme, il n’y aura plus d’intouchables. Même si la justice internationale n’est pas totalement indépendante des intérêts dominants, la CPI a vu le jour. Le mouvement est lancé, même s’il est lent et imparfait.

 

Un processus menacé aujourd’hui par des États africains qui menacent de le quitter…

M. D.-M. : Ces États reprochent à la CPI de ne s’en prendre qu’aux Africains, ce qui est contredit par les pré-enquêtes (examens préliminaires) qui sont en cours dans le monde entier. Quant à la création d’une cour pénale à l’échelle de l’Afrique, pourquoi pas, s’il s’agit d’un complément et non d’un substitut à la CPI ?

 

La création d’un nouveau Tribunal pénal international n’affaiblirait-elle pas le rôle et l’autorité de la CPI ?

M. D.-M. : Ce n’est pas notre objectif. Il existe plusieurs types de tribunaux internationaux : les tribunaux ad hoc comme pour l’ex-Yougoslavie ou le Rwanda, les tribunaux mixtes où siègent à la fois des ressortissants nationaux et des représentants de la communauté internationale comme au Cambodge. C’est tout l’ensemble qui constitue la « justice pénale internationale ». À côté des juges nationaux, dont la compétence est prioritaire si les États ont la volonté et la capacité de juger eux-mêmes, les tribunaux ad hoc peuvent contribuer à construire un système de justice pénale à l’échelle mondiale. Loin de l’affaiblir, on renforcerait même l’autorité de la CPI en la considérant alors comme une sorte de cour suprême chargée de définir la cohérence d’ensemble.

Comment allez-vous procéder pour créer ce tribunal ?

M. D.-M.  : Il y a deux voies possibles. Soit le Conseil de sécurité intervient, comme pour le Rwanda ou l’ex-Yougoslavie, et la création peut être très rapide. Soit il faut une convention internationale ratifiée par un certain nombre de pays comme on l’a fait pour la CPI, et c’est beaucoup plus lent. Pour la RDC, l’idée était de saisir le Conseil de sécurité. Nous en avons fait la demande à François Hollande à la fin 2013, alors que la France présidait le Conseil de sécurité, mais il lui aurait fallu un minimum de soutien des États membres.

 

N’y a-t-il pas peu d’espoir d’y parvenir tant que le Rwanda siège au Conseil de Sécurité et tant qu’il est l’allié des États-Unis ?

M. D.-M. : Il y a parfois des surprises. La Chine a refusé de cautionner l’intervention russe en Crimée. Les États-Unis, qui avaient finalement admis que le Conseil de sécurité saisisse la CPI pour la Libye, souhaiteraient désormais, selon une récente déclaration, la création d’une cour sur le modèle de la Sierra Leone.

Je ne pense pas que le président français ait renoncé à tout espoir. Il pourra compter sur l’UE, sur bon nombre d’acteurs de la société civile pour créer dans l’opinion publique un mouvement favorable à ce tribunal. Déjà plusieurs dizaines de milliers de personnes ont signé l’appel. Sur de tels sujets, les États ne bougent pas tout seuls. La société civile est un formidable aiguillon.

 

Comment articuler justice et réconciliation ?

M. D.-M. : Dans la vision occidentale, on juge d’abord et on réconcilie après, si l’on peut. Dans une vision non occidentale, on essaye d’abord la réconciliation et l’on juge seulement en cas d’échec, comme en Afrique du Sud. Les deux visions sont compatibles et le choix devrait dépendre du contexte, national et international. Encore faut-il éviter que la « réconciliation » soit un leurre et se transforme en impunité ; d’autant que, à l’inverse, un jugement préalable facilite parfois la pacification, comme on a pu le voir au Rwanda.

------------------------------------------------------

 

UNE SPÉCIALISTE DU DROIT INTERNATIONAL

10 mai 1941 : naissance à Paris.  1970 : agrégée de droit privé et sciences criminelles ; professeur de droit dans les universités de Lille 2 (1970-1977), Paris 11 (1977-1990) et Paris 1 (1990-2002).

2002 : après son élection au Collège de France, elle occupe la chaire « Études juridiques comparatives et internationalisation du droit.

2007 : élue membre de l’Académie des sciences morales et politiques.

Depuis 1984 : dirige la Revue de science criminelle et de droit pénal comparé et participe au comité de rédaction de diverses revues juridiques tant nationales (Archives de politique criminelle, Revue trimestrielle des droits de l’homme) qu’internationales (European Journal of Crime, Criminal Law and Criminal Justice et Journal of International Criminal Justice).

Depuis avril 2012 : présidente de l’Observatoire Pharos du pluralisme des cultures et des religions.

Recueilli par Laurent Larcher

(1)  Juriste, professeur émérite au Collège de France

Adressée à Président de la République Démocratique du Congo Joseph Kabila et 8 autres 
Cette pétition sera remise à:
Président de la République Démocratique du Congo
Joseph Kabila
Président de la République française
François Hollande
Président des Etats-Unis d'Amérique
Barack Obama
Envoyée spéciale du Secrétaire général de l'ONU dans la région des Grands Lacs
Mary Robinson
Présidente de la commission de l’Union africaine
Mme Nkosazana DLAMINI-ZUMA,
Secrétaire général de l'Organisation Internationale de la Francophonie
Abdou Diouf
Présidence en exercice du Conseil de sécurité des Nations unies
A son excellence
Président de l'Union européenne
VAN ROMPUY
Secrétaire général des Nations unies
Ban Ki-moon
Stop au viol comme arme de guerre : Pour un Tribunal Pénal International pour la République Démocratique du Congo

ENGLISH VERSION       SPANISH VERSION

Mesdames, Messieurs, 

Qui n'a pas entendu parler du traitement inhumain que subissent les femmes dans les zones de combats en République démocratique du Congo, où les femmes sont prises comme champ de bataille et le viol une véritable arme de guerre ?

 On entend par-ci, par-là, des personnalités, des experts et des observateurs stigmatiser ces violences faites aux femmes de la RDC sans qu’aucune mesure concrète et efficace ne soit prise. Les solutions proposées depuis quinze années, loin de soulager la détresse de ces femmes, se sont avérées être de « fausses-bonnes » solutions qui ont accentué, au point de normaliser cette barbarie.

Je sais pourtant, pour avoir exercé en qualité d’avocat près le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pendant sept années, avec quelle rigueur les juges ont réprimé ces crimes de viols comme arme de guerre commis pendant le génocide du Rwanda et en ex-Yougoslavie. Cette justice, quels que soient ses insuffisances et ses travers, aussi impuissante soit-elle pour réparer les séquelles et traumatismes, a cependant eu le mérite de punir ceux dont l'implication était judiciairement prouvée au delà de tout doute raisonable,  dans les génocides rwandais et bosniaque.

Paradoxalement, pour ce qui est de la République démocratique du Congo, des manifestations pacifiques et citoyennes se sont déroulées partout dans le monde pour stigmatiser, sans succès, l'impunité. Qui ne se souvient pas de la marche mondiale des femmes à Bukavu en 2010 -  la marche Paris-Bruxelles effectuée en 14 jours par des vaillantes filles et des vaillants fils du Congo en juillet 2011 -  le tour d'Europe par un jeune Congolais - la grève de la faim de Paris en décembre 2012 et des citoyens excédés qui ont même marché dévêtus, pour attirer l’attention de l’opinion publique internationale sur le calvaire que vivent ces femmes ?

Que dire du travail que font, au péril de leur vie, le Dr Mukwege, les activistes des droits de l'homme, les représentants de la société civile ? Tous ont fait et continuent de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour arrêter les viols, alléger la souffrance des victimes et mettre un terme à l'impunité, et ce, sans grand résultat ?

Fort du soutien des 52 personnalités féminines, j'ai décidé d'agir avec votre aide, convaincu que nous sommes des millions de par le monde à partager l'indignation de nos 52 Marraines qui sont des sommités du monde universitaire, des femmes politiques de caractère ainsi que des féministes qui ont passé l'essentiel de leur vie à défendre aussi bien la place, les droits, l'honneur que la dignité de la femme dans la société française et partout dans le monde. Bon nombre d'autres grandes figures féminines et masculines, dont le nom ne figure pas sur la liste des 52, ne sont pas moins impliquées et soutiennent ouvertement notre cause.

Cette pétition est notre façon déterminée de dire et de proclamer une fois pour toutes que "le corps de la femme ne devait pas, et plus jamais ne devrait être utilisé comme arme de guerre" au Congo et partout ailleurs dans le monde.

Le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies fermera bientôt les portes du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et celles du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) qui ont l’un et l’autre considéré ce type de viol comme constitutif de crime contre l'humanité ou de génocide. Il est indispensable que le Conseil de sécurité des Nations unies et son Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, prennent toutes les mesures nécessaires pour permettre la survivance de cette jurisprudence, en créant rapidement un Tribunal pénal international pour la RDC, chargé de poursuivre tous les crimes similaires, déjà répertoriés dans le "rapport mapping" des Nations unies.

Nous sommes convaincus que c'est l'un des moyens les plus efficaces de soustraire ces femmes des griffes de leurs bourreaux et de mettre effectivement fin à l'impunité de ceux qui ont utilisé et continuent d'utiliser le viol comme arme de guerre. Ne pas le faire, serait une discrimination à l'égard de la femme congolaise, un déni de justice internationale ainsi qu'un encouragement à commettre le "gynocide" ou "fémicide".

En effet, après publication du "rapport mapping" et la multitude de rapports sur la situation de ces femmes dans le pays, nul n'est plus fondé à prétendre n'avoir rien vu, rien su, ni rien entendu.

Quelles que soient les insuffisances et les critiques, le Tribunal pénal international pour le Rwanda ainsi que celui pour l'ex-Yougoslavie, ont joué un rôle de précurseur. Animateur, puis Président de l'Association des avocats du Tribunal pénal international pour le Rwanda de 2002 à 2006, je sais quelles étaient les insuffisances d'un tel Tribunal pour les avoir critiquées et combattues. Je sais cependant que par-dessus tout, ces Tribunaux ont, comme c'est inscrit dans leur mission, poursuivi et largement contribué à éradiquer le viol comme arme de guerre au Rwanda et en Bosnie depuis 1994. De ce fait, ilsont contribué au retour de la paix.

Les acquis de cette justice pénale internationale devraient pouvoir profiter à toutes les femmes partout dans le monde et surtout en RDC, devenue le théâtre de combat entre belligérants de la région des Grands Lacs africains.

Nous vous demandons, pour l’amour du ciel, de soutenir cet appel en le signant et en le faisant signer autour de vous.

Merci pour toutes les femmes victimes.

Hamuli Rety

Ancien président de l’Association des avocats du Tribunal pénal international pour le Rwanda

lire la « Déclaration des Marraines »

Facebook page: Pour un tribunal pénal international pour la RDC

 

Adressée à
Président de la République Démocratique du Congo Joseph Kabila
Président de la République française François Hollande
Président des Etats-Unis d'Amérique Barack Obama
et 6 autres
Envoyée spéciale du Secrétaire général de l'ONU dans la région des Grands Lacs Mary Robinson
Présidente de la commission de l’Union africaine Mme Nkosazana DLAMINI-ZUMA,
Secrétaire général de l'Organisation Internationale de la Francophonie Abdou Diouf
Présidence en exercice du Conseil de sécurité des Nations unies A son excellence
Président de l'Union européenne VAN ROMPUY
Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon
Excellences,
Qu'il vous plaise, en adéquation avec vos propres déclarations condamnant les actes de viol comme arme de guerre et d'autres crimes commis en RDC, d'instruire vos ambassadeurs au Conseil de sécurité de l'ONU de porter à l'ordre du jour et de voter une résolution créant le Tribunal pénal international pour la République
Récentes mises à jour

 Mise à jour sur la pétition

http://femmes-solidaires.org/plugins/viaspip_3.0.11a_f_s/logoruban1.png

Partager cet article
Repost0

commentaires

  • : Le blog des empêcheurs de tourner en rond
  • Contact

                                                           
Vous êtes ici dans une 
ZONE HORS AGCS et SANS OGM


Petit mémo : L’AGCS, Accord Général sur le Commerce des Services est un accord signé lors de la création de  l’OMC (organisation mondiale du commerce) en 1994. Il vise à libéraliser progressivement tous les services des états membres : éducation, santé, culture, recherche…ainsi que l’énergie et l’environnement. Tous les aspects de nos vies sont mis à la vente. Les besoins de l’être humain et toutes formes d’activité humaines sont redéfinis comme des services commercialisables.

Rechercher

contact