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31 mai 2016 2 31 /05 /mai /2016 09:41
Les nouvelles technologies de modification du génome à l’épreuve de la démocratie

Par Sciences Citoyennes - Action collective
lundi 30 mai 2016

Les nouvelles technologies de modification du génome font l’objet de nombreux articles, émissions à la radio et à la télévision. Le Haut Conseil aux Biotechnologies (HCB) a également été entrainé dans la tourmente médiatique avec la démission d’Yves Bertheau, l’un des membres de son comité scientifique. Sciences Citoyennes a choisi de communiquer sur ce sujet en proposant une traduction qu’elle a réalisée de l’article CRISPR à l’épreuve de la démocratie : Les nouvelles technologies de modification du génome doivent faire l‘objet de débats ouverts.

Contexte et présentation de l’article

En 2012, une nouvelle technologie de modification de l’ADN a été mise au point, qui s’est répandue comme une traînée de poudre dans les laboratoires de biologie du monde entier. Crispr-Cas9 permet en effet de modifier n’importe quelle séquence d’ADN de façon très localisée pour l’inactiver ou la modifier. Relativement facile d’utilisation et assez peu coûteuse, elle a déjà été appliquée à un très grand nombre d’espèces animales, végétales et bactériennes. Elle peut en outre être utilisée directement sur les embryons animaux et permet donc d’obtenir des animaux génétiquement modifiés de façon beaucoup plus rapide qu’avant. On ne compte déjà plus le nombre d’articles publiés avec cette technologie, le nombre de brevets déposés et les milliards investis dans des sociétés de biotechnologies promettant d’exploiter au maximum les potentialités de la technologie.

En décembre 2015, les académies des sciences et de médecine américaines, les académies des sciences britannique et chinoise ont convoqué un sommet à Washington pour discuter des réglementations à mettre en place pour encadrer cette nouvelle technologie dans le domaine des recherches sur les embryons humains.

Alors que les scientifiques à l’origine de ce sommet prennent comme modèle la conférence d’Asilomar, organisée en 1975 pour encadrer les risques associés aux technologies de modification de l’ADN (dites technologies d’ADN recombinant), les auteurs du texte présenté ici montrent pourquoi ce modèle n’est pas pertinent. Ils appellent à ouvrir le débat de façon très large, au-delà des cercles scientifiques, et à repenser les relations entre les sciences et la société. L’objet du présent texte n’est donc pas de présenter la technologie Crispr-Cas9 mais bien de discuter des conditions d’un débat démocratique à la hauteur des enjeux posés. Bien qu’inscrit dans le contexte du débat en cours aux Etats-Unis, les réflexions proposées par les auteurs ont une portée beaucoup plus large.

L’article CRISPR à l’épreuve de la démocratie: Les nouvelles technologies de modifications du génome doivent faire l’objet de débats ouverts est paru dans la revue Issues in Science and Technology, Volume XXXII Issue 1, Fall 2015.
Il est disponible en libre accès sur le site de la revue Issues in Science and Technology

Dans la traduction en français réalisée par Sciences Citoyennes (mai 2016), les passages signalés en gras dans le texte l’ont été lors de la traduction.

Sheila Jasanoff est Professeur d’étude des sciences et des technologies à l’Université d’Harvard.
J. Benjamin Hurlbut est professeur assistant en bioéthique à l’Université d’Etat de l’Arizona.
Krishanu Saha est professeur assistant en ingénierie biomédicale, histoire de la médecine et bioé-thique à l’Université du Wisconsin de Madison.

Le texte complet en version française est disponible ici : Crispr à l’épreuve de la démocratie

Le texte initial en version anglaise est disponible ici : CRISPR Democracy

-Note "il est urgent de se faire entendre de la recherche sur les OMEG" par l'administration du blog ,avec un autre article sur ces nouveaux OGM (appelés OMEG ) obtenus avec les « ciseaux moléculaires » de Crispr-cas9!

Avec ce nouveau sigle il s'agirait de laisser entendre au consommateur inculte(?),que la plupart de ces produits manipulés NE sont PAS des OGM et de marteler ça aveuglement pour que passe ce message technoscientiste !

Edition du génome : il est urgent de débattre


http://abonnes.lemonde.fr/sciences/article/2016/05/30/edition-du-genome-il-est-urgent-de-debattre_4929220_1650684.html

Le Monde | 30.05.2016 à 18h23

Le XXIe siècle détient aujourd’hui sa première innovation biotechnologique majeure, la capacité de modifier de façon ­ciblée et avec précision les génomes de très nombreuses espèces dans toutes les branches du vivant, par l’action de petites protéines CAS, qui participent initialement à un système de défense chez les bactéries.

Ces « ciseaux moléculaires » rapides et peu chers permettent de faire de petites coupures de l’ADN, et d’introduire de courtes ­variations de la séquence d’ADN qui miment des ­mutations naturelles. Les mutations sont de petits changements dans la séquence de nucléotides du ­ruban d’ADN qui forme le code pour la fabrication de protéines. Les changements peuvent être aussi petits que la délétion d’une paire de bases ou la substitution d’un nucléotide par un autre. On obtient alors des ­organismes mutés par édition du génome (OMEG, en anglais MOGE, mutated organism by genome editing).

Un bond porteur d’espoirs immenses

Même s’ils ont été obtenus de façon expérimentale, il ne reste rien du procédé qui a permis de les obtenir et ils ne se distinguent pas de ce que l’on peut observer naturellement. Ce ne sont définitivement pas des ­organismes génétiquement modifiés (OGM) au sens du XXe siècle. En revanche, si par cette même méthode d’édition du génome on introduit un fragment d’ADN à un endroit précis, comme auparavant on le faisait au hasard et avec beaucoup plus d’efforts nécessaires, on obtient alors un organisme modifié, typique OGM.

Pour pousser la métaphore, disons que les OMEG sont des textes où l’on a simplement corrigé les coquilles, sans risque de changer le sens. En revanche, faire des OGM, c’était parfois prendre des phrases entières dans un texte et les insérer de façon aléatoire dans un autre texte, au risque de lui faire perdre toute structure, voire d’en changer le sens. Si cette dernière activité, de type plagiat, est réprimandable, devrait-on pour autant s’empêcher à l’avenir de corriger tous les textes ? Il est urgent d’en débattre car le nombre d’OMEG croît de façon exponentielle vu leur coût modeste et la simplicité technique des expériences.

En effet, même si certaines applications potentielles sont source d’inquiétude, comme celles qui pourraient s’attaquer à la stabilité de notre identité individuelle [voir le supplément « Science & médecine » du 13 avril], ou lorsque la dissémination dans l’environnement pourrait avoir des conséquences négatives, d’autres applications provoquent l’enthousiasme. L’édition du génome est certainement un bond en avant porteur d’espoirs immenses pour explorer le patrimoine génétique d’une multitude d’espèces, en particulier celles utilisées dans les laboratoires pour comprendre le vivant.

Soutenons par exemple ceux et celles qui explorent la jungle des génomes. Demandons-leur ce qu’ils ont vu et compris et exploitons les nouveautés, y compris en édition du génome ! Soutenons aussi la recherche appliquée sur le petit singe marmouset atteint de la maladie de Parkinson, les souris myopathes ou les poissons-zèbres qui régénèrent leur cœur ou leur cerveau. Avec les OMEG, on pourra aussi identifier quelles variations, parmi toutes celles qui auront été pointées par des programmes à l’échelle du génome chez l’homme, sont à la base des maladies.

Pour l’agriculture, il devient possible de faire passer dans des populations domestiquées une mutation identifiée dans des populations sauvages, par exemple d’introduire dans les génomes des espèces, des fermes agricoles ou des champs, des variations qui apporteront aux OMEG d’intéressants caractères, comme la résistance à la sécheresse ou à une maladie. L’édition des génomes peut accélérer les méthodes actuelles de sélection. Le nombre d’organismes utilisés et le coût des programmes de sélection devraient fortement chuter.

La recherche globalement sinistrée

Aujourd’hui, tout va à l’encontre de la compétitivité de la France dans le domaine de l’édition des ­génomes. Il y a avant tout une pénurie catastrophique des financements de la recherche, associée à un ­désintérêt croissant pour la recherche fondamentale, pourtant indispensable à la mise en œuvre de l’édition des gènes. De plus, l’utilisation des OMEG accumule plusieurs autres difficultés en France.

Une première difficulté est que, comme dans d’autres pays européens, l’expérimentation animale rencontre une forte opposition. Contre celle-ci, il est indispensable d’informer de la compassion et de l’éthique des chercheurs, de l’économie du nombre d’animaux utilisés ou des méthodes alternatives, comme celles qui recourent à des cellules en culture ou à des modèles animaux simples. L’expérimentation animale est souvent irremplaçable. Utiliser avec parcimonie les gros mammifères d’élevage ou les singes, modèles de maladies humaines, est un moindre mal si l’on veut échapper aux maladies graves qui ­affectent notre vieillissante population.

Une seconde difficulté est que le grand public ne connaît pas encore bien les OMEG et ne doit pas, à l’avenir, les confondre avec les OGM. Il est urgent de débattre de la définition des OMEG en Europe et en France, et de la législation à leur appliquer. La définition devra se baser sur le type de variation obtenue et non son mode d’obtention. En cas de doute, l’appartenance d’un futur organisme à la future législation OMEG ou OGM devra être analysée au cas par cas.

Eviter l’ornière du débat sur les OGM

On devra éviter de verser dans l’ornière où le débat sur les OGM est parfois tombé en France : que ceux qui rejetaient en bloc ces derniers considèrent les OMEG radicalement différemment et acceptent de débattre des perspectives négatives mais aussi positives qu’ils offrent, et que ceux qui refusent de prendre en considération les risques pour l’homme ou la biodiversité des OMEG soient empêchés de dérailler.

A l’étranger, en particulier aux Etats-Unis, les produits des plantes OMEG suivent la législation sur les variétés de plantes ou les graines commercialisées. De même, pour les animaux OMEG, la législation et les pratiques sur l’élevage devront être respectées. Au contraire de la situation observée sur les OGM, où seules quelques multinationales pouvaient se permettre de dépenser les millions de dollars nécessaires à une mise sur le marché, les OMEG pourront être commercialisés par le plus grand nombre, en particulier par les sélectionneurs et les obtenteurs locaux, ceux qui commercialisent les produits de qualité voulus par les consommateurs soucieux de limiter les transports inutiles. Ainsi, par l’éventail de ses applications potentielles, l’édition du ­génome pourra soutenir une génétique de précision, écologiquement intensive, et ne mènera pas forcément à la malbouffe, surtout si le consommateur se fait entendre dès le début.

La recherche sur l’édition des génomes doit dès maintenant être lancée avec ambition. L’enjeu des décennies à venir, pour la France et l’Europe, est de ne pas se contenter du rôle de spectateur/commentateur. Un retard dans ce domaine mettrait des décennies à être rattrapé. Evitons que notre santé, notre alimentation, qui rendent la France si douce, ne soient définitivement plus entre nos mains, et qu’ainsi notre pays perde non seulement son rôle de référence et son autonomie en agronomie et en médecine, mais également une bonne partie de son attrait.

Jean-Stéphane Joly est directeur de recherches (INRA), chef d’équipe (CNRS), responsable scientifique du réseau EFOR (Efor.fr), coordinateur de l’infrastructure Investissements d’avenir Tefor (Tefor.net, CNRS/INRA/Inserm). Il s’exprime à titre personnel.

-Voici aussi un 6 pages Agriculture et OGM - [Les eurodéputés Europe Écologie]

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