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20 mars 2016 7 20 /03 /mars /2016 10:40

https://la-bas.org/la-bas-magazine/reportages/19-mars-1962-et-si-l-algerie-etait-restee-francaise

1962-2012 : Et si l’Algérie était restée française ?

Cet essai est destiné à tous les éclopés de la guerre d’Algérie : Pieds-noirs, harkis, indépendantistes algériens radicaux ou modérés, appelés français et tous les autres fils et filles de... Mes discussions avec les uns et les autres, l’actualité oppressante, mes lectures diverses exprimant différents points de vue m’ont conduit à m’interroger sur les liens historiques profonds et jamais totalement assumés de nos deux pays. Le cinquantenaire des accords d’Evian n’ont provoqué que gène des deux cotés de la méditerranée. Et pour cause ! Coté Français, la guerre d’Algérie et la décolonisation constitue l’ADN de la 5ème république et nous y sommes toujours… Coté Algérien, l’échec de la révolution nationale est patent, la république des généraux n’ayant abouti qu’à une violente réplique de la guerre civile dans les années 90. Nous sommes enferrés dans une même séquence historique qui n’a bien sûr rien de figé mais qui n’a jamais été rompu.

Oubliez le titre volontiers provocateur ; il faut bien attirer le chaland. L’idée est de redessiner l’ensemble des scénarios possibles qui se présentait à l’Algérie française au lendemain de la deuxième guerre mondiale. C’est délibérément un exercice de politique fiction: une uchronie.

Exercice un peu vain d’aucuns diront ! Et pourtant l’historien Antoine Prost soulignait l’intérêt heuristique d’une telle démarche. « On n’écrit pas l’histoire avec des si » : garde fou qui permet de garder les pieds dans le réel croit-on. En fait, il est nécessaire de se demander si les choses auraient pu se passer autrement pour comprendre pourquoi elles se sont passées comme elles l’ont fait. Toute histoire est contrefactuelle : déterminer les causalités c’est se demander par hypothèses si le déroulement des événements aurait été le même au cas où tel facteur pris isolément aurait été différent. Premier avantage : cela permet de démêler, peser les causes pour les hiérarchiser. Deuxièmement, construire des évolutions imaginaires permet d’échapper à l’illusion rétrospective de la fatalité. Troisièmement, respecter l’incertitude de l’évènement permet de penser à la fois la liberté de l’homme et les contraintes des situations. » J’y vois un quatrième avantage. Les quatre scénarios que je propose permettent de saisir, en tous les cas je l’espère, combien la singularité coloniale algérienne au lendemain de la deuxième guerre mondiale à piégé les individus. Les européens vivant en Algérie, un dixième à peine de la population totale, auraient été les grands perdants qu’elles que fussent les options prises par les principaux acteurs du drame. En revanche le destin des harkis, des appelés et de la plupart des algériens aurait probablement été tout autre …

Quels sont donc ces scénarios ?

Les deux premiers examinent les conditions du maintien de l’Algérie dans le giron français : l’une pacifique l’autre violente. Les deux derniers mènent à l’indépendance. On aurait tort de croire que la stratégie (il serait plus judicieux de parler de bricolage !) choisi par la IV république puis par De Gaulle était la seule possible. Au fond la question de fond reste : les souffrances des uns et des autres étaient-elles inévitables ? Je lance en tous cas le débat !

Scénario 1 : Les algériens deviennent des citoyens français à part entière ;

Penser un seul instant que l’Algérie aurait pu rester française sans qu’une goutte de sang ne soit versée est évidemment une idée a priori saugrenue eu égard au contentieux colonial. Et pourtant ! Le très conservateur Léon Mba avait bien demandé la départementalisation du Gabon et ne l’obtint point alors que le très progressiste et anticolonialiste Aimé Césaire réussit lui à l’obtenir pour les Antilles françaises[1]. On m’objectera que l’Algérie n’était pas une colonie ! Justement. Le statut juridique de l’Algérie française était unique et portait en germe toutes les contradictions futures : à la fois une départementalisation donc dépendant de l’intérieur mais chapeauté malgré tout par un gouverneur aux pouvoirs discrétionnaires qui gérait son affaire comme si l’Algérie était une vulgaire colonie. Les réformes de Brazzaville étant ce qu’elles étaient, trop libérales pour les lobbies coloniaux et trop timides pour les indigènes, rien à priori ne pouvait dépasser et apporter un semblant de solution à l’énormité du contentieux dont il convient d’en rappeler les grandes lignes. Sans même parler de la violence des guerres de conquête et de pacification et des épidémies qui firent chuter la population indigène d’un tiers au XIXème siècle, citons les dépossessions de terre et les déportations, la destruction ou l’instrumentalisation des autorités anciennes, la conscription forcée ou volontaire sans reconnaissance en retour, le travail forcé, les impôts de capitation, l’arbitraire colonial incarné par le code de l’indigénat et ses succédanés, les vexations, exactions, violences faites aux individus le tout sur fond de paternalisme voire de discours civilisateur. Cocktail ô combien explosif, chacun en conviendra. Mais cela n’est rien à coté de ce que Aimé Césaire mis en exergue dans son fameux discours : le déni des traditions et des identités locales (qu’il ne faut en rien réduire au seul Islam !), le mépris, le racisme. Combien d’historiens se sont évertués à comprendre l’incroyable divergence des expériences sociales des uns et des autres. Les pieds noirs « juré-craché » insistaient dans les entretiens sur l’harmonie au sein des communautés tandis qu’un tout autre son de cloche se faisaient entendre du coté algérien. Comment circonvenir à tout cela ? En accédant à toutes les revendications indigènes ? Bref en accordant une citoyenneté pleine et entière aux autochtones qui soit dit en passant avaient la nationalité française, départementalisation oblige. Le moment clé d’une telle décision aurait peut-être été la conférence de Brazzaville en 1944. Après Sétif en 45, une sortie dans l’honneur aurait été plus problématique et on peut toujours s’interroger sur ce que fut le point de non-retour, la violence appelant à la violence.

A ce stade je devine certains hurler dans le creux de mon oreille : « Intégrer dix millions de musulmans d’un bloc ? ». Effectivement la réflexion méritait d’être posée et je laisse chacun balayer devant sa porte concernant ses sentiments possiblement islamophobes. Le général de Gaulle « se paya de mots » à ce sujet : « C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. ». Nous ne discuterons pas de la fausse évidence anthropologique (la France a toujours été plurielle) ni d’une vrai évidence historique : le général de Gaulle est un homme de son temps, un homme attaché à l’empire, tout imprégné de l’idéologie ethnonationaliste qui prit son essor au XIX siècle pour nous conduire aux cataclysmes que furent les deux guerres mondiales. La question posée par le général a au moins le mérite de poser la question de l’ « assimilation » de populations musulmanes dans un pays certes en voie de déchristianisation mais qui ne semble pas renoncer à cet héritage. Il serait d’autre part anachronique de parler d’ « intégration » avec tout le jeu propre aux acteurs et toutes les reconfigurations identitaires possibles. Il utilise pourtant le mot : « Qu’on ne se raconte pas d’histoires ! Les musulmans, vous êtes allés les voir ? Vous les avez regardés avec leurs turbans et leurs djellabas ? Vous voyez bien que ce ne sont pas des Français. Ceux qui prônent l’intégration ont une cervelle de colibri, même s’ils sont très savants. Essayez d’intégrer de l’huile et du vinaigre. Agitez la bouteille. Au bout d’un moment, ils se sépareront de nouveau. Les Arabes sont des Arabes, les Français sont des Français. Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront vingt millions et après-demain quarante ? Si nous faisions l’intégration, si tous les Arabes et les Berbères d’Algérie étaient considérés comme français, comment les empêcheriez-vous de venir s’installer en métropole, alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé ? Mon village ne s’appellerait plus Colombey-Ies-Deux-Eglises, mais Colombey les-Deux-Mosquées. [2] ». Passons sur l’eau et le vinaigre et les fausses évidences. L’ironie de l’histoire est que le général ouvrit les vannes de l’immigration de travail et qu’il serait surpris de voir aujourd’hui le cosmopolitisme de la société française qui à hue et à dia avec force conviction mais pas sans heurt, mélangent les populations décidemment plus « miscibles » qu’il n’y parait ! La question que l’on peut se poser est : qu’est-ce qu’une Algérie française aurait changé et pas seulement d’un point de vue démographique ? Il y a fort à parier que mis brutalement en minorité sur le plan politique par le suffrage universel, ce soient les pieds-noirs plus que les algériens qui auraient bouclé leurs valises. Les autochtones se seraient très certainement essayer à se réapproprier une partie du foncier tout en bénéficiant des mannes de la métropole et des revenues issus de l’immigration de travail. Le vrai problème aurait été le contrôle des frontières, l’espace saharien étant par nature incontrôlable. Reconnaissons que la France à cette époque devait profondément revoir ses représentations coloniales pour retenir une telle solution et qu’elle n’était certainement pas prête à cela. Aujourd’hui encore les manipulations politiciennes empêchent cet examen de conscience. Alors ? Rester un empire par essence multiculturel sur le modèle austro-hongrois mais fondé sur l’égalité des citoyens ou tenter de redevenir une simple « nation » avec une homogénéité culturelle certes largement fantasmée mais plus acceptable par le corps social ? Ce ne fut en tous cas pas le choix retenu.

Scénario 2 : La guerre jusqu’au bout...

L’Algérie reste française par le maintien de l’ordre colonial. Que serait-il advenu si De Gaulle avait suivi son tropisme impérial et non sa raison en accordant son soutien aux ultras de l’Algérie française dont l’activisme et la détermination n’est plus à démontrer ? La guerre se serait-elle prolongée indéfiniment jusqu’à l’effondrement de la 5ème république à l’image des guerres coloniales portugaises qui ne trouvèrent leur issue que dans la chute du régime de Salazar en 74 ? Ou au contraire, l’exception coloniale algérienne se serait-elle rationalisée après avoir brisé les résistances en instaurant un apartheid social à l’instar de celui de l’Afrique du sud ? Rappelons que la supériorité militaire française était avérée : les principaux foyers d’insurrection furent brisés notamment à Alger. Mais les départs de feu étaient multiples et se propageait à la manière des incendies de forêt dans les landes : par les racines … On ne brise pas les consciences si facilement. C’est ce que la doctrine de guerre révolutionnaire (DGR) s’employa pourtant à faire : les populations civiles sont au cœur des dispositifs répressifs. Elle ne réussit qu’à alimenter les rancœurs et à radicaliser les actions du FLN qui furent de fait aussi menés contre les algériens. Echec donc, alors qu’au Cameroun, au même moment cette technique de guerre réussit à vaincre l’insurrection upéciste. Mais l’UPC était isolé. Ce n’était pas le cas du FLN. C’est donc bien ces deux scénarios qui se profilent. D’un coté, une guerre civile cruelle se déploie par soubresauts et épuise la métropole qui envoie troupes et capitaux pour asseoir une domination militaire et politique toujours remise en question. L’insécurité permanente pousse les pieds noirs et les algériens pro-français à se barricader ou à émigrer en France. L’économie s’effondre et l’opprobre international est à son comble. Pire, les algériens sommés de choisir leur camp s’entredéchirent –ce processus on le sait étant largement entamé de 54 à 62. L’instabilité de la V république, l’état d’exception aussi bien en métropole qu’en Algérie secoue les consciences et provoque des mouvements de masses. Ce scénario catastrophe, celui de l’OAS rappelons-le, conduit inéluctablement à la déliquescence d’un état de droit qui se transforme en état policier[3].

Autre option, peu crédible il est vrai, les résistances et les consciences sont brisées. La pérennité de cette victoire passe par une refondation de l’ordre colonial. La ségrégation sociale fait place à un apartheid dont les algériens partisans de la France sont les premières victimes. Les colons de combats, nous le savons, reluquait le modèle sud-africain mais n’avait pas les moyens de faire sécession. Le divorce est consommé, chacun rase les murs et se terre dans son chez soi. Seul un racisme d’état qui ne dit pas son nom, communauté internationale oblige, permet de remettre à leur place les individus. Il n’est pas exclu que pour donner le change, une série de mesures « humanitaires » soient prises. Les murs et les miradors s’érigent. Les colons et les pieds noirs restés sur place occupent le nord du pays tandis que les « indigènes » sont progressivement chassés des territoires occupés vers les terres arides du sud.

Scénario 3 : Une indépendance négociée

Ce scénario est le plus ouvert de tous puisque les algériens deviennent en partie maîtres de leur destin. Examinons-en la genèse et les possibles ramifications.

En 1944, face à la montée des revendications et la rédaction du Manifeste du peuple algérien par Ferhat Abbas (qui réclame notamment l'autonomie de l'Algérie avec droit de regard de la métropole), la France libérée, en position de faiblesse et comprenant que l’époque des impérialismes est révolu, organise un référendum d’autodétermination comme celui conçu en 1958 et se donne trois ans pour le mettre en œuvre en Algérie. Une effervescence politique s’empare alors du pays : dans un premier temps le PPA (Parti du Peuple Algérien) d’Ahmed Messali El-Hadj domine la scène politique tandis que la communauté pied-noir se sentant trahie se radicalise. Des attentats antimusulmans éclatent en divers endroits… Deux options se dessinent alors.

La France joue le jeu, pressée de se débarrasser de cette colonie encombrante, en évitant de trop s’immiscer dans le jeu politique. Elle réprime l’activisme des ultras de l’Algérie française et dans le même temps cherche à négocier des garantis pour les ressortissants français qui décideraient de rester en Algérie. A l’indépendance, le pouvoir Algérien sous la pression internationale et acculé à collaborer avec les français sur le plan économique, respecte ses engagements vis-à-vis des pieds noirs en leur garantissant des droits dont les algériens n’avaient jamais bénéficié. Une frange de la population algérienne ne l’accepte pas, d’autant le terrorisme des ultras ne s’est point éteint, les incidents se multiplient à l’encontre de la population européenne. Beaucoup de pied-noir, prennent armes et bagages et rentrent en France où ils sont particulièrement mal accueillis. La France se reconstruisant fait appel à de larges contingents de travailleurs algériens qui au fil des générations s’enracineront en métropole.

Variante plus probable : la France soucieuse de préserver ses intérêts stratégiques et économique est à la basse manœuvre pour mettre au pouvoir un homme acquis aux « bienfaits de la civilisation française ». Une Françalgérie sur le modèle ivoirien se met en place[4]. Une économie de rente, grâce à la manne pétrolière, se développe. L’état clientéliste distribue prébendes et manie le bâton pour se maintenir.

Difficile à ce stade d’épuiser tous les scénarios possibles.

Scénario 4 : L’indépendance par la voie des armes

C’est celui retenu par la IV république puis par le général de Gaulle et qui a abouti aux accords d’Evian de 1962. Cette histoire cependant reste encore mal connue des Français et des Algériens victimes des distorsions de la mémoire et des manipulations politiciennes. Insistons sur certains points qui font encore débat aujourd’hui. De Gaulle, on le sait, était un homme élevé dans la gloire de l’empire. Il fut pourtant l’homme des décolonisations et un maître dans l’art éminemment politique de mentir aux foules. Le « je vous ai compris » sonne rétrospectivement comme un discours cynique et dilatoire. Dans quel but ? En 1958, la messe était dite dans toute l’Afrique francophone qui s’avançait lentement mais surement vers des indépendances en trompe l’œil. Pour peser au conseil de sécurité, Il fallait s’arroger une ribambelle d’états clients qui dans le même coup garantissaient certains intérêts stratégiques et économiques dans un climat de guerre froide. Bref l’indépendance dans l’interdépendance. Le problème algérien en tant que colonie de peuplement en proie à l’insurrection se posait différemment. Pourquoi chercher une victoire militaire alors que la défaite politique était quasiment acquise ? Ou en d’autres termes, pourquoi ne pas retirer ses billes le plus rapidement possible et à moindre coût ?

L’essai nucléaire de Régane le 13 février 1960 donne un élément de réponse. D’ailleurs, cet objectif étant atteint, le général déclare l’ « Algérie algérienne » le 4 novembre. La prochaine étape dans cette partie de poker menteur consistait à négocier en position de force l’arrêt des combats et repartir avec certaines garantis. En effet, marginalisé par les anglo-saxons au lendemain de la guerre (ce qui dans sa tête revenait à marginaliser la France !) le Général eut pour obsession le recouvrement de l’indépendance militaire et la conquête de son indépendance énergétique, sa fameuse mais néanmoins très cynique « vision de la France dans le monde ». Or l’Algérie était une pièce maitresse par ses ressources pétrolières et le vaste no man’s land qui permirent à la France d’effectuer son premier essai nucléaire.

Ce panorama des possibles n’épuise en rien toutes les bifurcations et chemins de traverse qui se présentaient au fil des évènements. Le futur est toujours ouvert ou alors nous sombrons dans la téléologie. La difficile question de l’identification des points de non-retour reste pertinente. J’ai tendance à considérer que les événements violents de l’après-guerre ont empêché les voies de sortie pacifiques (Scénario 1 et 3). Mais qui sait ?

Revenons à notre préoccupation de départ : les souffrances auraient-elles pu être évitées ? Tout dépend des acteurs. A l’évidence les pieds-noirs, quelque soit le scénario retenu, étaient définitivement piégé par l’histoire car très minoritaire démographiquement et structurellement dépendant de la métropole car trop proche. Le scénario d’une sécession à la sud-africaine est peu crédible. L’ironie de l’histoire est que les lobbies coloniaux au XIX siècle pariaient sur la dégénérescence des populations locales jugées inférieures face au dynamisme démographique des européens. La question démographique et l’importance du contentieux colonial reste la clé de l’affaire, plus que le souvenir des violences originelles qui peut s’effacer en certaines circonstances.

La souffrance des combattants (appelés français ou harkis) ne se posent que dans le cas d’un affrontement : ils sortent tous perdants dans les scénarios 2 et 4. Comment na pas perdre son âme dans une cause perdu ou comment ne pas être broyé par une mécanique qui transforme les hommes en chien de guerre [5] ? On le sait, l’engagement des uns et des autres fut davantage une affaire de circonstances que de convictions. De même les scénarios 2 et 4 paraissent les plus avantageux pour les algériens. D’un point de vue métropolitain le scénario 2, l’option Françalgérie mise à l’écart, me parait la sortie la plus digne, celui en tous cas qui n’hypothèque pas l’avenir. Uchronisme ? Bien sûr, c’est la limite de l’exercice…

[1] Les esprits chagrins nous feront remarquer que son successeur Omar Bongo fut quand même un des piliers de la Vème république, fut-elle celle des valises. Et si le Gabon avait été un département ?

[2] Ces deux citations sont régulièrement citées par les groupuscules identitaires et l’extrême droite française, ce qui ne manque pas de sel quand on connait le contentieux avec le général de Gaulle. Il est plus que temps de les remettre dans leur contexte. Cela vaut pour les bonnes consciences de gauche qui crieront au racisme du Général. Une seule question : qu’auraient été leur opinion dans le contexte de l’époque ? Il est vain et anachronique de juger avec les yeux d’aujourd’hui. En revanche il est vital de retracer l’histoire du racisme d’aujourd’hui.

[3] Nous en avons subi les effets longtemps, le SAC n’étant dissous qu’en 1982.

[4] La France a un grand savoir faire pour « retourner » les nationalistes radicaux. Le 18 octobre 1950, Félix Houphouët-Boigny leader du RDA signe un accord dans le bureau de F. Mitterrand qui annonce sa rupture avec le PCF. Il deviendra par la suite un fidèle allié de la France, le promoteur de cette « Françafrique » qu’il appelait de ses vœux.

[5] Le roman d’Alexis Jenni « L’art français de la guerre » offre d’intéressantes perspectives sur ce sujet ainsi qu’une vision très lucide sur l’impensé de la race.

Guerre d’Algérie et crimes d’État : l’exigence de la reconnaissance

Auteur
  1. Olivier Le Cour Grandmaison

    Professeur de sciences politiques, Université d’Evry-Val-d’Essone https://theconversation.com/guerre-dalgerie-et-crimes-detat-lexigence-de-la-reconnaissance-56472

Déclaration d’intérêts

Olivier Le Cour Grandmaison ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son poste universitaire.

The Conversation France est financé par l'Institut Universitaire de France, la Conférence des Présidents d'Université, Paris Sciences & Lettres Research University, Sorbonne Paris Cité, Sorbonne Universités, l'Université de Lorraine, l'Université Paris Saclay et d'autres institutions membres qui fournissent également un soutien financier.

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19 mars 2016. Pour la première fois, le président de la République devrait commémorer le cessez-le-feu consécutif aux accords d’Evian signés le 18 mars 1962 entre le gouvernement français et le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Après plus de sept ans de guerre, le conflit s’achevait enfin. De même la colonisation française imposée depuis cent trente-deux ans aux populations de ce territoire conquis par la terreur, les massacres de civils, les razzias et les nombreuses destructions de villages et d’oasis commis par les militaires.

Un bilan terrible, toujours incomplet

Telles étaient, dans les années 1840, les pratiques des colonnes infernales de l’armée d’Afrique conduite par le général Bugeaud et ses officiers de sinistres mémoires : Lamoricière, Pélissier et Saint-Arnaud, notamment. Ainsi « pacifiés », comme on l’écrivait déjà, les « indigènes » furent ensuite soumis au « talon de fer » des autorités françaises, des lois d’exception – l’internement administratif et la responsabilité collective – et du code de l’indigénat. Les « Arabes », des citoyens français ? Non, « sujets français » assujettis à des dispositions répressives discriminatoires, expression du racisme de l’État colonial, et privés, qui plus est, des droits et libertés démocratiques élémentaires jusqu’en 1945.

Quant à la dernière guerre d’Algérie, elle laisse derrière elle des centaines de milliers de victimes algériennes et plus de deux millions de civils, hommes, femmes et enfants, déportés dans des camps de « regroupement » organisés et contrôlés par l’armée. Si ajoute « l’exode vers les villes » soit un total d’au moins « trois millions » de personnes qui se trouvent « hors de leur résidence habituelle ». « La moitié de la population rurale » de l’époque, estiment Pierre Bourdieu et Abdelmalek Sayad qui ajoutent : « ce déplacement […] est parmi les plus brutaux qu’ait connus l’histoire ».

Bilan terrible, assurément, mais toujours incomplet. On ne saurait oublier les milliers d’exécutions sommaires, les tortures infligées aux combattants du FLN ou supposés tels, en Algérie comme dans la capitale, ainsi que l’a montré Paulette Péju dans son ouvrage Les Harkis à Paris, et les disparus, tous victimes du terrorisme d’État. Plus de 3 000 pour la seule bataille d’Alger, selon le préfet de police de l’époque, Paul Teitgen, qui démissionna le17 septembre 1957 pour protester contre ces pratiques. Celles-là mêmes que favorisait la loi sur les pouvoirs spéciaux votée 12 mars 1956 par les députés socialistes et communistes, notamment, et co-signée par le ministre d’État, garde des sceaux, chargé de la Justice, François Mitterrand.

Cinquante-quatre ans après la fin de cette guerre longtemps sans nom, sans autre nom du moins que celui « d’événements », comme l’ont dit pendant des décennies de bonnes âmes politiques soucieuses de défendre ce qu’elles prétendaient être « le prestige » et « l’honneur » de la France, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre perpétrés alors doivent être enfin reconnus par le chef de l’État. Aujourd’hui cette histoire est écrite et grâce aux travaux multiples de celles et ceux qui ont étudié la colonisation de l’Algérie, les méthodes employées pour faire de ce territoire une colonie de peuplement, et les agissements de l’armée française à la suite du déclenchement de l’insurrection le 1er novembre 1954.

Une histoire écrite qui doit être reconnue

Alors que les lois d’amnistie empêchent le jugement des coupables, qui sont toujours moins nombreux en raison du temps écoulé, cette reconnaissance est la seule façon de rendre justice aux victimes algériennes du conflit et à leurs descendants dont beaucoup sont citoyen-ne-s français. Responsable et coupable, l’État leur doit cette réparation symbolique liée à une histoire singulière qui, souvent, a douloureusement et durablement affecté le « roman » familial de ces femmes et de ces hommes. Plus encore, faire droit à cette reconnaissance, exigée depuis longtemps par de nombreuses associations et quelques organisations politiques, c’est mettre un terme à une discrimination mémorielle et commémorielle qui n’a que trop duré, et qui s’ajoute à toutes celles que les mêmes subissent encore dans leur vie personnelle et professionnelle.

En ce domaine, et contrairement à une mythologie nationale-républicaine entretenue par de nombreux dirigeants politiques, de droite comme de gauche, la France se distingue par une rare persévérance dans le déni de son très lourd passé colonial. Qu’on en juge. En 2002, le premier ministre de Nouvelle-Zélande, Helen Clark reconnaît les exactions commises contre le peuple de Samoa entre 1914 et 1962. En 2006, les autorités canadiennes font de même à l’endroit des Amérindiens et accordent 2 millions de dollars aux enfants de ces populations arrachés à leur famille. En 2008, le premier ministre australien rappelle le sort terrible réservé aux peuples aborigènes. En juin 2013, William Hague, ministre des Affaires étrangères de la Grande-Bretagne, déclare :

Le gouvernement britannique regrette sincèrement que ces abus aient eu lieu et aient entaché la progression du Kenya vers l’indépendance. La torture et les mauvais traitements sont des atteintes odieuses à la dignité de l’homme que nous condamnons sans réserve.

De plus, 5 228 victimes obtiennent 23,5 millions d’euros au titre des réparations et les autorités britanniques s’engagent à soutenir la construction d’un mémorial à Nairobi.

Ce bref détour par plusieurs pays étrangers permet de prendre la juste mesure de la situation française caractérisée, au mieux, par la pusillanimité de quelques déclarations, au pire, par la réitération de discours apologétiques de la colonisation. Jusqu’à quand monsieur le Président ? La réponse vous appartient.

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